Si la vaccination était une course, les arrondissements et municipalités de l’île de Montréal n’auraient pas le même point de départ. Dans l’Ouest-de-l’Île, ils partiraient à quelques mètres de la ligne d’arrivée, avec une population vieillissante et à plus haut revenu. Dans le nord, avec une plus grande proportion de personnes à faible revenu et issues de l’immigration, il s’agirait plutôt d’une course à obstacles.

Ainsi, Senneville, Sainte-Anne-de-Bellevue et Kirkland affichent les plus hauts taux de vaccination avec au moins une dose, tous âges confondus. Au bas du classement, on retrouve Montréal-Nord et Saint-Léonard. Et aussi, étonnamment, Outremont, selon les données analysées par La Presse.

Le coronavirus a creusé les inégalités déjà bien présentes dans la société canadienne. Statistique Canada a établi que le taux de mortalité attribuable à la COVID-19 chez les personnes à faible revenu était presque 1,4 fois plus élevé que chez les personnes n’étant pas en situation de faible revenu. L’organisme canadien a également démontré en 2020 que les quartiers avec une plus grande diversité ethnoculturelle affichaient des taux de mortalité attribuables à la COVID-19 plus élevés.

« C’est toujours un ensemble de facteurs qui font que la vaccination progresse moins vite qu’ailleurs, dit Marie-Hélène Giguère, du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal. […] Ça peut être à cause de conditions de travail plus précaires, d’une immigration plus récente, d’un plus haut taux de monoparentalité, d’un niveau de littératie moins élevé, d’une mauvaise maîtrise de l’anglais ou du français, de la fracture numérique ou même d’une méfiance envers les institutions gouvernementales. »

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Rue résidentielle de Kirkland, dans l’Ouest-de-l’Île

Si bien que les facteurs sociodémographiques qui ont fait de Montréal-Nord et de Saint-Léonard des points chauds de la pandémie expliquent également leur retard en matière de vaccination. Seulement 58,9 % de la population (tous âges confondus) avait reçu au moins une dose à Montréal-Nord et 61,3 % à Saint-Léonard, en date du 15 juillet 2021, selon les données transmises par le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

Initiatives communautaires

La vaccination de proximité est une des solutions mises en place. Ruth Boachie est pharmacienne, propriétaire d’un Pharmaprix dans l’arrondissement de Saint-Léonard. « Je ne crois pas nécessairement que les habitants de ces quartiers soient plus réticents à l’idée de la vaccination, dit-elle. Je pense qu’il faut adapter l’offre de vaccination aux habitants, avant de les mettre dans le camp des réticents. […] Si l’offre est adaptée et communiquée par l’entremise de la communauté locale, la motivation sera au rendez-vous. »

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La pharmacienne Ruth Boachie, propriétaire d’un Pharmaprix dans l’arrondissement de Saint-Léonard

Ruth Boachie a participé à une initiative visant à offrir une journée de vaccination sans rendez-vous dans les arrondissements de Montréal-Nord, de Saint-Léonard et de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension.

En diversifiant l’offre vaccinale, les CIUSSS espèrent atteindre un maximum de gens. « Avec les cliniques mobiles, on vaccine à peu près 100 à 120 personnes par jour. Mais toute personne qu’on vaccine est une victoire », affirme Catherine Dion, conseillère en communication au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal.

Outremont en queue de peloton

Dans Outremont, où seulement 60,2 % de la population est au moins partiellement vaccinée, un tel retard est un peu plus difficile à expliquer. Là aussi, la vaccination de proximité semble privilégiée. Le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal a produit des vidéos de sensibilisation dans plus d’une dizaine de langues, et s’associe avec des organismes communautaires pour diversifier l’offre de vaccination.

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Rue Sainte-Anne, à Sainte-Anne-de-Bellevue

Dans l’Ouest-de-l’Île, où les taux de vaccination dépassent les 70 %, le besoin pour une vaccination de proximité est moins criant. « Nos cliniques sont toujours pleines. On a eu un bon succès à ce niveau-là, les gens vont dans les cliniques de vaccination pour se faire vacciner », explique Dalia Toledano, directrice adjointe du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.

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Dans le village de Senneville, 75,6 % de la population a reçu au moins une dose de vaccin contre la COVID-19, tous âges confondus, en date du 15 juillet.

Pour la mairesse du village de Senneville, Julie Brisebois, ce qui explique un tel succès, c’est principalement « le niveau d’instruction de la population ».

Réticence plus générale à la vaccination

Au total, dans l’île de Montréal, 72 % des résidants ont reçu au moins une dose et 40 % sont entièrement vaccinés, tous âges confondus, toujours en date du 15 juillet. Chez les personnes âgées de 18 à 39 ans, ces chiffres baissent considérablement. Seuls 37 % d’entre eux sont complètement vaccinés et 39 % ont reçu seulement au moins une première dose.

« On sait, avec les données dont on dispose, qu’à peu près le tiers des Québécois ont une certaine forme d’hésitation envers la vaccination, détaille la Dre Maryse Guay, médecin spécialiste à la Direction régionale de santé publique de la Montérégie. […] Parmi les hésitants, il y a tout un spectre. Il y a des gens qui sont carrément contre et qui refusent toute forme de vaccination. De l’autre côté, il y a des gens qui acceptent de se faire vacciner malgré tout. Entre les deux, il y a des gens qui ont des doutes sur les effets secondaires ou sur l’efficacité. L’idée est de faire cheminer les gens à travers leur réflexion, parce que c’est normal de se poser des questions. »

En date du 23 juillet, Catherine Dion, conseillère en communication au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, précise que 200 personnes par jour sont vaccinées grâce aux cliniques mobiles.

Avec Clara Gepner, La Presse