Moderna a annoncé cette semaine le début de ses essais cliniques afin de déterminer l’efficacité et la sécurité de son vaccin contre la COVID-19 sur 6750 enfants canadiens et américains de 6 mois à 12 ans. Faudra-t-il vraiment aussi faire vacciner les enfants ? Est-il éthique de faire de tels essais cliniques sur des enfants ?

Les trois experts interviewés par La Presse répondent par l’affirmative.

Certes, il faut être d’autant plus précautionneux avec les enfants, car le bénéfice pour eux d’être vaccinés est moindre que pour les adultes, relève la Dre Valérie Lamarre, pédiatre-infectiologue au CHU Sainte-Justine.

Comme la règle d’or est toujours de soupeser les risques et les bénéfices et comme les enfants sont moins malades de la COVID-19, « on est prêt à accepter encore moins de risques pour les enfants ».

Mais on ne s’en tirera pas en ne vaccinant que les adultes. « Plus une maladie est contagieuse, comme la COVID-19, plus une proportion importante de la population doit être vaccinée. »

Au surplus, même si les enfants sont moins malades, les conséquences de la COVID-19 pèsent lourd sur eux. Il y a bien sûr le masque à porter à l’école, souligne la Dre Lamarre, « mais c’est lourd, aussi, pour un enfant d’avoir une lettre de l’école [annonçant des cas] et de voir que toute sa famille doit se confiner, avec ce que cela peut entraîner en pertes de revenus pour les parents ».

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La Dre Valérie Lamarre, pédiatre-infectiologue au CHU Sainte-Justine

Comme ce n’est sans doute pas avant la fin de l’automne, au mieux, qu’on pourra vacciner les enfants, la Dre Lamarre a bon espoir que, d’ici là, le temps aura calmé les réticences que peuvent avoir les parents.

« On aura alors vacciné des gens depuis près d’un an. Ce sera alors beaucoup plus facile de prendre la décision de vacciner les enfants que si on avait à la prendre aujourd’hui. »

Adapter les vaccins aux enfants

Le bioéthicien Bryn Williams-Jones, directeur des programmes de bioéthique à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, souligne pour sa part qu’il est hyper important que des essais cliniques soient menés sur les enfants pour que le vaccin soit très bien adapté à eux, contrairement à tant de médicaments qui ne le sont pas, justement, en l’absence de tels essais cliniques.

Les parents qui inscriront leurs enfants à des essais cliniques devront bien sûr être informés de tous les risques et avoir l’assurance d’une prise en charge sérieuse au moindre effet secondaire, note M. Williams-Jones.

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Bryn Williams-Jones, bioéthicien

Des lois encadrent les essais cliniques, et quand il s’agit d’enfants, les exigences quant à la sécurité sont encore plus élevées.

Bryn Williams-Jones, directeur des programmes de bioéthique à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Comme la vaccination des adultes se passe bien (la vaccination des jeunes Israéliens de 16 ans et plus semble aussi se passer sans heurts), M. Williams-Jones doute qu’il y ait des problèmes pour les enfants, aussi bien lors des essais cliniques que lorsqu’on en arrivera à une vaccination de masse.

Mais pour convaincre les parents méfiants envers les vaccins, il faudra une transparence parfaite, insiste-t-il.

Et là-dessus, Québec et Ottawa ont une pente à remonter, à son avis. « Beaucoup de décisions prises par les gouvernements l’ont été sans cette transparence impérative. »

Il donne l’exemple des masques. « Au départ, on n’a pas donné la vraie raison pour laquelle on le déconseillait, on n’a pas admis d’emblée que c’était parce qu’il y avait pénurie et qu’il fallait les réserver aux soignants. »

« En cachant des données ou en donnant de fausses raisons, les gouvernements ont érodé la confiance des gens », se désole-t-il.

La bonne dose

Le DChristos Karatzios, spécialiste en infectiologie pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants, espère lui aussi que les parents accepteront de faire vacciner leurs enfants.

Parce que, en raison des variants et des effets à long terme de la COVID-19 de plus en plus documentés, « on n’a pas le luxe de lever le nez sur les vaccins ».

Il ne s’agit pas que d’éviter des morts et des hospitalisations sur le coup, poursuit le DKaratzios. Il s’agit aussi d’éviter qu’un nombre important de gens vivent ensuite avec un diabète, une conséquence très fréquente de la COVID-19.

PHOTO FOURNIE PAR LE DCHRISTOS KARATZIOS

Le DChristos Karatzios, spécialiste en infectiologie pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants

Le DKaratzios espère donc que des résultats préliminaires sur les essais pédiatriques arriveront d’ici six mois.

Ils viendront déterminer quelle dose de vaccin est idéale. « Le système immunitaire des enfants étant plus fort, ils auront probablement besoin d’une dose plus petite que les adultes. »

Recrutement et inscriptions

Moderna n’a pas répondu à nos questions sur les essais cliniques pédiatriques. À nous comme au New York Times, l’entreprise n’a pas dit combien d’enfants ont déjà été recrutés, ni à quel rythme cela se fait.

En cliquant sur les formulaires d’inscription de Moderna, tout indique que les premiers enfants admis seront américains, car les sites canadiens d’essais cliniques ne sont pas disponibles pour l’instant.

À noter que Moderna effectue en parallèle un essai clinique sur 3000 enfants de 12 à 17 ans.

L’Institut national de santé publique du Québec nous a répondu que la question de la vaccination des enfants est à l’étude, mais que, pour le moment, on attend les résultats des essais cliniques.

Johnson & Johnson et Pfizer entendent aussi faire des essais cliniques pédiatriques.