Les mesures sanitaires mises en place pour contrer la deuxième vague de la COVID-19 à l’Établissement de détention de Montréal, qui frappe beaucoup plus fort que la première, ont été la cause de tensions entre agents correctionnels et personnes incarcérées, dans la journée de mercredi.

Des détenus et prévenus du secteur C, l’un des plus populeux de Bordeaux, auraient bouché intentionnellement la toilette de leur cellule, pour provoquer un débordement d’eau, auraient frappé dans les portes, crié et lancé des excréments et de l’urine en direction des agents correctionnels.

Les membres de l’équipe d’urgence ont même dû intervenir pour calmer trois détenus qui auraient chargé des agents correctionnels au moment où les portes des cellules se sont ouvertes, pour la distribution des repas.

Selon le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, Mathieu Lavoie, les détenus auraient ainsi protesté contre le fait que les autorités voulaient les forcer à subir un test de dépistage de la COVID-19.

Les évènements sont survenus sur l’heure du dîner. Les détenus de ce secteur - qui seraient actuellement environ 90 pour une capacité de 180 - sont confinés depuis plusieurs jours. Ils croyaient pouvoir sortir de leur cellule à compter de mercredi mais les responsables de la prison leur ont plutôt dit que cela n’irait pas avant le début de la semaine prochaine, et leur ont demandé de subir un test de dépistage.

À la demande de la Santé publique, aussitôt qu’un détenu est déclaré positif dans un secteur, toutes les personnes incarcérées qui s’y trouvent sont confinées durant 14 jours, par mesure de prévention. Des détenus refusent donc d’être testés, de crainte d’être assignés à leur cellule durant deux semaines.

« Ces incidents démontrent clairement que l’on doit renforcer les mesures dans les prisons pour réduire les éclosions. Il faut obliger les détenus à porter un masque dans les aires communes et réduire le nombre de personnes incarcérées dans celles-ci. Ça ne va pas bien à Bordeaux. La deuxième vague frappe deux fois plus fort que la première. Les agents correctionnels sont à bout. Est-ce qu’il y a des variants du coronavirus dans les murs ? On ne le sait pas. Mais quand on sait que la COVID-19 se propage deux fois plus vite en prison qu’à l’extérieur, c’est inquiétant », affirme Mathieu Lavoie.

Ce dernier affirme également que les masques N-95, que les employés ont reçu ces derniers jours, ne font que dans 50 % des cas, comme dans certains établissements de santé.

129 détenus infectés

Le nombre de personnes infectées à Bordeaux est demeuré stable durant quelques jours la semaine dernière mais a de nouveau augmenté ces derniers jours.

On compte actuellement 129 personnes incarcérées et 18 agents correctionnels infectés. Plus de 300 détenus - presque la moitié de la population carcérale actuelle - sont confinés dans leur cellule, et une quarantaine d’agents correctionnels ont été retirés et envoyés à la maison, par mesure préventive.

Durant la pointe de la première vague de la pandémie commencée en mars 2020, ce sont 93 détenus qui avaient contracté la COVID-19 à Bordeaux.

La Ligue des droits et libertés a émis un communiqué jeudi matin déplorant les conditions des détenus.

« Nous aurions cru que le gouvernement Legault, le ministère de la Sécurité publique, la Santé publique et les directions des centres de détention auraient appris des erreurs commises durant la première vague. Nous constatons que cela ne semble pas être le cas. Actuellement, les conditions de détention, l’isolement prolongé et l’insuffisance des protections sanitaires portent atteinte aux droits des personnes incarcérées », écrit sa porte-parole, Lucie Lemonde qui souligne que depuis des jours, voire des semaines, les détenus sont privés de douche, de visite et d’occupation.

La Ligue, qui a déjà plaidé pour une réduction des populations carcérales, demande au gouvernement « d’agir avec une réelle transparence dans ses communications avec les détenus, leurs familles et la population, et d’assurer le respect des mesures sanitaires et le respect des droits des personnes touchées ».

L’organisme note qu’à Bordeaux et à l’Établissement Rivière-des-Prairies, les audiences à la Cour s’effectuent à partir des vestiaires ou des douches.

La semaine dernière, Sylvain Villemaire, qui « s’était fait livrer » d’Afrique une fillette de huit ans pour qu’elle devienne son esclave sexuelle, a comparu de sa cellule de Bordeaux lorsqu’il a été reconnu coupable de traite de personne mineure et de distribution de pornographie juvénile.

Les mesures liées à la COVID-19 à Bordeaux ont des impacts sur les procédures judiciaires.

Jeudi matin, une juge de la Cour du Québec aurait exprimé son mécontentement car on aurait refusé d’amener en salle d’audience un détenu de Bordeaux qui devait témoigner dans une cause, et qui est incarcéré dans un secteur en confinement.

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