Le couvre-feu décrété par le gouvernement Legault fait face à un feu croisé de contestations judiciaires. Deux recours distincts déposés ces derniers jours en Cour supérieure allèguent que la mesure est « draconienne » et « disproportionnée » par rapport à l’objectif visé par le gouvernement.

Le tribunal entendra mercredi une première contestation déposée par l’avocat gatinois William Desrochers, en son nom personnel. « Beaucoup de gens sont d’accord avec les mesures sanitaires et, personnellement, je ne remets pas en question la légitimité politique du gouvernement de prendre les moyens pour lutter contre la pandémie, explique-t-il. Mais ma prétention est que c’est imposé de façon illégale. »

L’avocat demandait dans sa requête initiale que le couvre-feu soit déclaré inapplicable aux personnes seules ou d’une même famille qui pratiquent la marche, la course à pied ou qui circulent en voiture après 20 h. Ces interdictions « n’ont pas de lien rationnel avec la protection de la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 » et portent « indûment atteinte [au] droit fondamental à la liberté », soutient MDesrochers.

L’avocat entend maintenant élargir son argumentaire en plaidant que le gouvernement ne peut pas légalement renouveler les décrets sanitaires de 10 jours en 10 jours, comme il le fait depuis le début de la pandémie, sans soumettre ces mesures au vote de l’Assemblée nationale.

« Si cette façon de faire était légale, ça voudrait dire que le pouvoir exécutif pourrait décréter lui-même de prolonger indéfiniment l’urgence sanitaire et qu’il n’y aurait aucun recours contre ça. Je compte plaider qu’il n’a pas le pouvoir de le faire pour plus de 30 jours consécutifs sans l’assentiment des députés de l’Assemblée nationale », explique MDesrochers.

Le recours, qui sera entendu mercredi, est une demande d’ordonnance de sauvegarde, pour laquelle une décision pourrait théoriquement être rendue rapidement sans que la cause soit entendue sur le fond.

Deuxième recours

Une autre poursuite visant l’abolition du couvre-feu, déposée vendredi matin en Cour supérieure, a été financée par la Fondation pour la défense des droits et libertés du peuple. Cet OBNL, qui a récolté près de 500 000 $ en dons du public l’été dernier, a organisé plusieurs manifestations contre les mesures sanitaires et demande la suspension immédiate de la campagne de vaccination.

Son recours, déposé au nom de deux plaignants qui ont reçu une amende après être sortis lors du couvre-feu, allègue que la mesure leur a occasionné un « sentiment d’emprisonnement dans [leur] résidence », une « augmentation considérable de [leur] stress », un « sentiment de torture psychologique » ainsi que de « colère et frustration de voir [leurs] droits fondamentaux brimés ».

Les avocats de la Fondation allèguent que le gouvernement provincial n’a pas la compétence nécessaire pour imposer le couvre-feu puisqu’il s’agit d’une « mesure de nature martiale de juridiction fédérale ». La mesure viole, selon la poursuite, le droit de tous les Québécois « de ne pas faire l’objet d’une détention arbitraire ».

Il s’agit d’une demande en habeas corpus, recours judiciaire urgent dont le but est généralement d’examiner la justification de l’emprisonnement d’une personne. Ce type de recours doit théoriquement être entendu dans les 30 jours suivant son dépôt.