(Québec) Plusieurs acteurs du réseau de l’éducation qui tapaient du pied se disent désormais satisfaits du plan pour la rentrée scolaire qui passe toutefois sous silence la question du rattrapage et du soutien pédagogique.

Lundi, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a présenté son plan de match « révisé » pour la rentrée scolaire 2020-2021, qui inclut l’obligation de porter un masque dans les aires communes dès la 5e année.

« Le port du couvre-visage obligatoire […] va faciliter les déplacements au sein de l’établissement », s’est réjoui Carl Ouellet, président de l’Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE).

L’Ordre des orthophonistes et des audiologistes du Québec (OOAQ), qui craint que le couvre-visage ne soit un obstacle à la communication, a recommandé l’utilisation du masque à fenêtre translucide pour le personnel.

Dans son plan actualisé, le gouvernement a également élargi le concept de « bulle » à toute la classe. Cela signifie que les élèves d’une même classe pourront se côtoyer de près. Ils devront cependant respecter une distance de deux mètres avec leur enseignant.

Le gouvernement avait d’abord prévu diviser les élèves en sous-groupes ou en « bulles » de six. Ce concept avait semé l’inquiétude chez les parents et les enseignants qui le jugeaient difficilement applicable.

Autre changement : advenant une éclosion de COVID-19 dans une classe ou une école, le gouvernement garantit désormais un enseignement à distance de qualité, avec des seuils minimums de services.

M. Roberge a par ailleurs précisé que les enfants qui ont des conditions médicales particulières, reliées à la COVID-19, ou qui ont un proche à risque, auront droit à l’enseignement à distance.

« Nous saluons le fait qu’un nombre d’heures minimum d’enseignement à distance soit prévu […], ce qui va assurer une équité », a réagi la présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES), Hélène Bourdages.

L’Association québécoise des cadres scolaires (AQCS), qui représente plus de 2400 cadres œuvrant au sein des 72 centres de services scolaires du Québec, se dit également satisfaite du plan de la rentrée.

« Les cadres scolaires s’engagent à contribuer à la vigie et aux réflexions du ministre en cette rentrée très particulière », a soutenu Jean-François Parent, président-directeur général de l’AQCS.

Même son de cloche du côté de la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ), qui salue les ajustements annoncés et dit vouloir travailler avec le ministre.

« Nous avons tous appris de notre expérience de l’école à distance au printemps dernier. Nous ne voulons pas répéter les mêmes erreurs », a affirmé son président, Kévin Roy.

Le ministre a également obtenu l’appui des écoles privées : « Nous avions demandé des balises claires pour l’ensemble des écoles ; […] c’est ce que nous avons maintenant », a déclaré David Bowles, président de la Fédération des établissements d’enseignement privés.

« Dans l’ensemble, je suis satisfaite des réponses [fournies] aujourd’hui par le ministre de l’Éducation », a même gazouillé la porte-parole libérale en éducation, Marwah Rizqy.

Le rattrapage sera abordé « ultérieurement », dit le ministre

Par contre, la députée de Québec solidaire (QS) Christine Labrie s’est dite « consternée » que la question du rattrapage scolaire ne se retrouve nulle part dans le plan du ministre.

Selon elle, les établissements scolaires ne pourront contrer les impacts de six mois d’absence à l’école sans moyens supplémentaires.

Jean-François Roberge a promis en conférence de presse de revenir sur le volet pédagogique « ultérieurement », sans préciser de date. Il a dit que « des ajouts de services » s’en venaient dans les écoles.

« Ça fait deux fois que le ministre nous présente un plan pour la rentrée, et ça fait deux fois qu’il oublie le rattrapage », a déploré Mme Labrie par voie de communiqué.

« Les spécialistes s’inquiètent du décrochage depuis des mois. Aujourd’hui, à deux semaines d’une rentrée hors de l’ordinaire, on se fait encore dire que ça va venir ultérieurement !

« Je m’attendais à ce que ce soit le principal ajout au plan, et ça m’inquiète énormément que rien ne soit encore prévu », a renchéri la députée.

« Ça m’a jeté en bas de ma chaise »

En entrevue, la députée Véronique Hivon, du Parti québécois (PQ), a fait écho aux propos de Mme Labrie.

Selon elle, le ministre a présenté un plan de santé publique, alors qu’il avait aussi le devoir de présenter un plan d’éducation.

« La fonction première du ministre de l’Éducation, c’est de se préoccuper de l’éducation », a-t-elle insisté, en affirmant que les parents n’étaient qu’« à moitié rassurés ». « On ne nous parle toujours pas de ça. C’est ça qui m’a jeté en bas de ma chaise. »

Mme Hivon a déploré qu’aucun nouvel investissement n’ait été annoncé relativement au soutien pédagogique des élèves, à deux semaines de la rentrée scolaire.

« J’ai beaucoup de mal à m’expliquer comment on va réussir à accompagner correctement les élèves, particulièrement ceux qui ont des difficultés d’apprentissage, sans budget, sans ressources supplémentaires, sans plan de match », a-t-elle déclaré.

Pour sa part, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) dit avoir demandé au ministère de l’Éducation de prioriser les savoirs essentiels, tandis que la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a déclaré qu’il était « urgent » de se pencher sur les besoins des élèves vulnérables.