(Ottawa) L’Institut québécois d’intelligence artificielle (Mila) ne veut pas dire si le fédéral a fait une croix sur l’application de traçage COVI qu’elle développait pour contrôler la propagation du virus. C'est cependant ce que l'on en déduit en apprenant que le projet « n’ira pas de l’avant ».

Dans la course au sceau d’approbation du gouvernement Trudeau, il semble ainsi que Shopify, qui a développé un outil de suivi numérique baptisé Covid Shield, l’ait emporté. La technologie plus simple, et binaire, qui s’appuie sur des technologies déjà existantes d’Apple et Google, aurait la faveur fédérale, selon ce qu’a rapporté Le Devoir.

Le gouvernement libéral n’a pas voulu commenter, mercredi. «Nous explorons des solutions innovantes dans tous les secteurs de l'économie, y compris les acteurs du secteur des données et des technologies numériques. [...] Nous n’avons pas fait d’annonce sur une application, mais nous aurons plus à dire dans les semaines à venir», a écrit Vanessa Hage-Moussa, la directrice des communications du ministre fédéral de l'Innovation, Navdeep Bains.

Chez Shopify, on n’avait pas répondu aux demandes de La Presse au moment de publier ces lignes.

Du côté de Mila, la présidente et chef de la direction, Valérie Pisano, a dit ignorer « quelle est la décision d’Ottawa au sujet de Shopify ou autre application » ; elle ne souhaite donc pas « commenter ce point ». Elle dit cependant être en mesure de « confirmer que le projet COVI développé par Mila n’ira pas de l’avant »,

Dans un courriel envoyé à La Presse, elle ajoute : « Nous respectons entièrement cette décision et saluons la volonté de nos gouvernements d’explorer des solutions technologies comme outils additionnels et complémentaires à la gestion de la pandémie. Nous sommes très fiers de notre importante contribution scientifique (à notre connaissance la seule approche au monde qui utilise l’IA pour prédire la contagion) et allons rendre l’ensemble de nos travaux disponibles au cours des prochaines semaines (incluant le partage de nos codes en open source) ».

Pour répondre à certaines critiques, elle tient à souligner que « l’ensemble du projet était à but non lucratif », que « les données n’auraient absolument pas été utilisées à des fins commerciales ou partagées avec des entreprises privées » et que le « seul objectif était d’alimenter la santé publique d’intelligence afin de permettre des interventions ciblées, préventives et efficaces face à un virus que nous comprenons très peu ».

Les créateurs de Mila, parmi lesquels figure Yoshua Bengio, sommité internationale en matière d’intelligence artificielle, avaient prévu se retirer une fois que COVI aurait pris son envol et en confier les rênes à un organisme à but non lucratif (OBNL). Ils avaient récemment attiré dans leur giron l’ex-haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Louise Arbour, et Louise Otis, ex-juge de la Cour d’appel du Québec, pour agir respectivement à titre de présidente honoraire de COVI Canada et présidente du conseil d’administration de cet OBNL.

Mais sans l’aval du fédéral, le projet fait chou blanc. « Apple Store et Google Play exigent (avec raison) que toutes les applications développées en lien avec COVID-19 soient validées/endossées par un gouvernement ou instance de santé reconnue. Dans tous les cas, ça n’aurait pas de sens de lancer une technologie sans le soutien et la promotion active du gouvernement, car l’application doit s’intégrer dans une stratégie plus large de gestion de la pandémie. Et comme on doit s’assurer d’une participation collective, les autorités publiques doivent la recommander », fait remarquer Mme Pisano.

Le 22 mai dernier, le premier ministre Justin Trudeau disait avoir l’intention de « recommander fortement » une application de traçage. « Nous travaillons avec divers partenaires sur de potentielles applications, nous travaillons de près avec Apple et Google sur la mise à jour qu’ils mettront de l’avant, et au moment venu, on s’attend à pouvoir être en mesure de recommander fortement aux Canadiens une application en particulier qui nous aidera à gérer la propagation de la COVID-19 », soutenait-il.