Faire pousser un vaccin contre la COVID-19 dans des plantes : c’est l’objectif de l’entreprise Medicago, à Québec. Et voilà que l’intelligence artificielle se met de la partie pour aider au processus.

Une somme de 1,2 million a été débloquée pour déployer des algorithmes d’intelligence artificielle dans cette entreprise spécialisée en développement de vaccins. L’annonce a été faite par le consortium de recherche pharmaceutique CQDM et comprend une subvention de 500 000 $ du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec.

« Nous pensons que l’intelligence artificielle va nous permettre d’optimiser notre procédé, d’avoir un meilleur rendement et peut-être éventuellement de développer d’autres types de traitements », explique Nathalie Charland, directrice senior, affaires scientifiques et médicales, chez Medicago.

L’entreprise québécoise est déjà engagée sur la piste d’un vaccin contre la COVID-19. À partir du virus SARS-CoV-2, qui cause la maladie, elle a conçu une « protéine pseudo-virale », qui ressemble au virus, mais qui ne peut se répliquer comme lui dans le corps. « Je compare ça à un leurre, comme quand on va à la chasse avec un canard en plastique », illustre Mme Charland. L’idée est de présenter ce leurre au système immunitaire pour qu’il fabrique des défenses efficaces contre le véritable virus.

Medicago vient d’injecter cette protéine pseudo-virale à des souris. Dans quelques semaines, les chercheurs vérifieront si les animaux ont développé une réponse immunitaire. Si c’est le cas, les premiers essais sur les humains débuteront au cours de l’été.

Du jardinage haute technologie

En parallèle, Medicago doit fabriquer les fameuses protéines pseudo-virales. La spécialité de la maison est de les faire croître dans des plantes, une méthode particulièrement rapide. En 2009, en pleine pandémie de grippe A (H1N1), l’entreprise avait attiré l’attention en produisant un vaccin expérimental plus rapidement que les multinationales. L’armée américaine avait payé l’entreprise pour qu’elle implante une usine de vaccins en Caroline du Nord.

Le processus de production par des plantes est toutefois difficile à uniformiser.

« On essaie de faire un produit biologique, et le faire de façon fiable est difficile », explique le professeur Jacques Corbeil, chercheur au département de médecine moléculaire du CHU de Québec-Université Laval et directeur du projet annoncé cette semaine.

C’est là que l’intelligence artificielle intervient. Dans cette expérience de jardinage hautement technologique, les chercheurs feront varier les conditions de croissance des plantes (lumière, engrais, température, etc.). Puis ils iront scruter leur phloème, soit le tissu qui conduit la sève, pour voir si les bonnes molécules sont présentes pour créer les fameuses protéines pseudo-virales.

On va mesurer la présence de 10 000 à 15 000 molécules dans le phloème et on va coupler ça avec la luminosité, la bouffe qu’ils donnent aux plantes, la température, l’âge de la plante. Ça va générer une grande quantité de données, puis on va utiliser nos algorithmes d’apprentissage machine pour les digérer.

Le professeur Jacques Corbeil

L’objectif : trouver les conditions de pousse qui optimisent la capacité des plantes à fabriquer les protéines pseudo-virales de façon uniforme. À quand un vaccin disponible commercialement contre la COVID-19 ? Si tout va comme prévu, Medicago espère effectuer tous les essais chez les humains (phases I, II et III) d’ici novembre 2021.

« Je dis ça sous toutes réserves, mais toutes les institutions de santé publique du monde essaient de trouver des moyens d’accélérer ce processus, souligne Nathalie Charland, de Medicago. Si on prend l’exemple du vaccin contre l’Ebola, à cause de la dangerosité du virus, les autorités ont permis l’utilisation de candidats vaccins sur le terrain après l’étude de phase I démontrant son innocuité. Les autorités pourraient faire la même chose avec un vaccin contre la COVID-19, tout en surveillant très étroitement sur le terrain le côté sécuritaire et l’efficacité du produit. Mais ce ne sont évidemment pas les compagnies qui prendront ces décisions. »

Medicago dit espérer que son vaccin non seulement entraîne la production d’anticorps contre le virus, mais aussi stimule la production de soldats immunitaires qui attaqueraient les cellules du corps qui auraient pu être déjà infectées et auraient alors été transformées en usines à copier le virus.

À plus long terme, l’entreprise a démarré la construction d’une usine dans l’est de la ville de Québec qui sera « beaucoup plus grande » que l’usine américaine et qui pourrait entrer en production en 2023.

« C’est important pour nous d’avoir une capacité de production au Québec et au Canada, parce qu’on voit qu’en temps de crise, la distribution peut être difficile, souligne Nathalie Charland. Nous sommes une compagnie de Québec et nous voulons aider notre pays et notre province. »

PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

La construction de la nouvelle usine de Medicago, dans l’est de la ville de Québec, a repris au cours des derniers jours.