Près de six Québécois sur dix préféreraient que les écoles restent fermées jusqu’au mois de septembre, et ce, même si une majorité d’entre eux observent une augmentation des problèmes de santé mentale chez leurs enfants depuis le début de la pandémie, révèle un nouveau sondage CROP.

Le coup de sonde démontre que l’anxiété, l’angoisse et la solitude sont en hausse dans la population en générale, mais ce sont les données sur les plus jeunes qui sont les plus alarmantes. Pas moins de 56 % des parents dénotent que l’état psychologique et émotionnel de leurs enfants s’est détérioré depuis le début de la pandémie.

Également, 48 % affirment que le comportement de leur progéniture s’est lui aussi dégradé, alors que 35 % mentionnent que leur enfant est plus irritable et agressif qu’avant la crise.

« Quand j’ai reçu les résultats du sondage, j’ai été particulièrement préoccupé par l’anxiété chez les enfants », dit Jasmin Roy, président et fondateur de la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais.

La firme CROP, qui a réalisé le sondage pour cette fondation, a sondé les effets de la COVID-19 sur la santé mentale des Québécois, notamment sur celle des jeunes. Il a été mené en ligne du 17 au 20 avril auprès de 1408 répondants de 18 ans et plus.

Jasmin Roy a sursauté lorsqu’il a lu les données à propos du retour en classe. Parce que même si bien des parents constatent que l’état psychologique et émotionnel de leurs enfants se dégrade, 57 % des parents sont en désaccord avec un retour en classe avant la rentrée de septembre. Pas moins de 67 % se disent anxieux à l’idée qu’un retour se fasse dans les prochaines semaines. Du côté de leurs enfants, ce serait près d’un sur deux (46 %) qui ressent de l’anxiété en envisageant un retour imminent.

« C’est bien beau de décider comme ça : ‟OK, les enfants vont retourner à l’école !”, mais c’est loin d’être négligeable que la moitié d’entre eux soient anxieux d’y retourner », souligne Jasmin Roy.

On parle beaucoup des aînés, des gens qui ont perdu leur emploi, mais il ne faut pas minimiser l’impact psychologique de la crise sur nos jeunes.

Jasmin Roy, président de la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais

Pour prévenir « une éclosion de problèmes de santé mentale », sa fondation est prête à collaborer avec le gouvernement pour créer « un coffre à outils » pour les parents, les enfants et les intervenants scolaires. « Il va falloir rassurer les jeunes. Il faut trouver des stratégies collectivement pour les rassurer, les conseiller et les soutenir. »

L’impact sur la santé mentale des adultes est aussi évident dans ce sondage CROP réalisé pour la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais. La détresse est telle qu’ils ressentent un état de fatigue général (72 %), des troubles du sommeil (71 %) et des symptômes de crise d’angoisse (49 %).

Et les adultes ?

Une autre étude canadienne démontre que la crise de la COVID-19 a une incidence notable sur la santé mentale des adultes.

La Dre Mélissa Généreux mène, avec une équipe multidisciplinaire de l’Université de Sherbrooke, une étude internationale sur la réponse psychologique et comportementale à la pandémie, notamment.

Les premiers résultats, dévoilés cette semaine, révèlent qu’un nombre élevé de Canadiens présentent des symptômes significatifs de stress post-traumatiques et d’anxiété en lien avec la crise sanitaire en cours.

En fait, il s’agit d’un Canadien sur quatre (25,5 %) qui souffre d’un trouble de stress post-traumatique probable.

« En temps normal, de 5 à 10 % de la population développe un trouble de stress post-traumatique au cours de sa vie. Donc quand on dit que 26 % ont déjà des chances d’en développer, uniquement en lien avec la pandémie, c’est majeur ! », lance avec étonnement Mme Généreux, professeure-chercheuse à l’Université de Sherbrooke.

Le premier sondage de cette étude, réalisé du 8 au 11 avril auprès de 600 personnes (300 au Québec et 300 hors Québec), montre aussi que plus du quart des Canadiens souffrent d’un trouble d’anxiété généralisée probable (25,4 %).

« Normalement, en contexte hors pandémie au Canada, c’est moins de 5 %. Donc 25 % de la population, c’est beaucoup, beaucoup, beaucoup », affirme la professeure.

« Je suis convaincue que plein de gens ont plus de difficulté à dormir qu’avant et que beaucoup boivent plus d’alcool parce qu’ils sont plus stressés », ajoute-t-elle, en soulignant qu’il est important « d’aller chercher du soutien psychologique » lorsqu’on en a besoin.

La Dre Généreux conclut : « Et maintenant, la question qui tue : si 25 % de la population est meurtrie, est-ce qu’on aura la capacité d’offrir de l’aide à toutes ces personnes-là ? Parce que disons-le, la santé mentale n’est quand même pas le secteur dans lequel on a le plus investi dans le réseau de la santé ces dernières années. »