(Montréal) La crise dans la résidence privée pour personnes âgées Herron est le résultat du désengagement de l’État dans le réseau de la santé selon le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) Daniel Boyer.

Plus d’un résidant sur cinq a perdu la vie dans ce centre d’hébergement et de soins de longue durée privé de Dorval, mis sous tutelle par la santé publique après avoir été déserté par la plupart de ses employés.

« Ça fait des années que nous dénonçons le manque de ressources dans les services publics, dans le réseau de la santé, dans les CHSLD et les résidences pour personnes âgées, particulièrement dans le secteur privé. Nous avons dit à plusieurs reprises qu’un jour nous allions frapper un mur. Bien on est rendu là et ça m’écœure » a indiqué le président de la FTQ.

PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Daniel Boyer, président de la FTQ

Le gouvernement a promis que les préposés aux bénéficiaires œuvrant dans le secteur privé verront leur salaire augmenter de 4 $ de l’heure, une décision que salue la FTQ, qui souligne que la plupart des employées de la résidence Herron gagnent seulement 14 $ de l’heure.

« Aussitôt qu’ils ont de l’expérience, ils vont se faire embaucher ailleurs, ils ne veulent pas rester dans ces conditions, le roulement est constant et ça donne le genre de situation à laquelle on assiste » a indiqué Daniel Boyer en entrevue à La Presse canadienne ajoutant que « le Québec s’en serait mieux sorti si on avait investi davantage dans les résidences privées. »

Daniel Boyer a offert ses plus sincères condoléances aux familles des victimes de la pandémie, mais il a aussi tenu à exprimer toute son admiration aux travailleurs.

« Ce n’est pas facile de donner des services aux personnes âgées en temps normal parce qu’ils n’ont pas les ressources nécessaires, mais imaginez lors d’une pandémie alors que les travailleurs tombent au combat ! ».

Le premier ministre François Legault a présenté cette affaire comme un cas de « grosse négligence », dont la responsabilité repose sur les épaules de la propriétaire.

« Quand la crise va être sous contrôle, je veux qu’on revoie toutes façons de faire, a-t-il lancé samedi en conférence de presse. Est-ce que le gouvernement doit aller se mêler de ce qui se fait dans les résidences privées ? Je pense de plus en plus que oui. »

M. Legault propose d’établir des normes, notamment un seuil minimal d’effectifs, et de miser sur des centres à plus petite échelle.

Le président de la FTQ a déclaré qu’il saluait la prise de conscience du premier ministre du Québec, « mais il va falloir plus que des paroles. Il va falloir que les bottines suivent les babines » a-t-il ajouté.

La protectrice du citoyen avait signalé dès 2017 des lacunes dans ce centre d’hébergement.

Questionnée sur le rapport de la protectrice du citoyen samedi, la ministre de la Santé Danielle McCann a précisé que les correctifs avaient selon elle été apportés à l’époque, mais que la situation se serait dégradée depuis le début de la crise.

Depuis le 13 mars, pas moins de 31 décès ont été enregistrés sur un total de 150 résidants de la résidence Herron. Au moins cinq de ces morts sont attribuables à la COVID-19, mais ce portrait sera porté à évoluer puisque les autorités sanitaires n’ont que récemment obtenu l’accès aux dossiers des patients, faute de coopération de la part de la propriétaire du centre. Le Bureau du coroner et le Service de police de Montréal ont ouvert des enquêtes.

La FTQ, la plus grande centrale syndicale au Québec, représente environ 12 000 travailleurs qui œuvrent dans des établissements privés pour personnes âgées.