(Ottawa) La subvention salariale d’urgence sera élargie afin de permettre à davantage d’entreprises de s’en prévaloir : Ottawa abaisse notamment de 30 à 15 % le pourcentage de pertes de revenus qui permet d’y avoir accès.

« On avait dit que les entreprises devaient démontrer que leurs revenus avaient baissé de 30 % ce mois-ci par rapport à l’année précédente pour recevoir la subvention. On reconnaît que pour les organismes à but non lucratif, les entreprises à croissance rapide comme les start-up et les nouvelles entreprises, ça peut poser problème, donc on va assouplir les conditions », a déclaré Justin Trudeau, mercredi.

Les entreprises devront démontrer une baisse de 15 % de leurs revenus pour le mois de mars plutôt que 30 % pour tenir compte qu’en général, la pandémie a eu des conséquences sur leurs activités à la mi-mars, a précisé le premier ministre lors de son habituelle allocution devant Rideau Cottage, mercredi.

Elles pourront aussi utiliser les mois de janvier et février à titre de période de référence pour démontrer une perte de revenus. Pour ce qui est des organismes à but non lucratif et aux organismes de bienfaisance, ils auront choix d’inclure ou d’exclure les subventions gouvernementales lors du calcul des pertes de revenus.

Le milieu des affaires avait exprimé des préoccupations quant aux modalités du plan initial de 71 milliards de dollars visant à encourager les entreprises dont les activités ont été plombées par la crise de la COVID-19 à maintenir des liens avec leurs employés, voire à les réembaucher. On le jugeait trop restrictif.

Le programme de subvention salariale, qui est rétroactif au 15 mars, est prévu pour une période de trois mois, mais il pourrait être prolongé. La subvention couvre 75 % des salaires, jusqu’à concurrence de 847 $ par employé par semaine. Il faut compter entre trois à six semaines avant de la toucher. «On vise de pouvoir livrer ce programme-là dans trois semaines, peut-être même plus tôt si ça va bien», a indiqué Justin Trudeau.

De 71 milliards de dollars, le coût de l'opération passe à 73 milliards de dollars, a précisé le ministre des Finances, Bill Morneau, en conférence de presse à Toronto. Il a aussi prévenu que les entreprises qui tenteraient d'en tirer profit frauduleusement s'exposent à de sévères conséquences: 225 % du montant reçu, ou une peine d'emprisonnement pouvait atteindre cinq ans.

L’aide est destinée tant aux petites et moyennes entreprises, qu’aux filiales de multinationales qu’aux sociétés cotées en Bourse – d’ailleurs, Air Canada a signalé qu’elle s’en prévaudrait afin réembaucher les quelque 16 500 employés qui avaient été mis à pied en raison de l’hécatombe provoquée par les restrictions de voyage.

Prestations : encore plus d’aide à venir

En date du 7 avril, le gouvernement fédéral avait reçu plus de 1,7 million de demandes de prestation canadienne d’urgence (PCU). Des personnes qui avaient fait une requête en ligne et avaient déjà reçu, mercredi, de l’argent dans leur compte de banque, selon plusieurs témoignages relayés sur les réseaux sociaux.

Rappelons que les demandes pour la PCU de 2000 $ par mois se font par vagues, en fonction des dates d’anniversaire. C’est au tour, mercredi, des citoyens nés en juillet, août et septembre. Ceux dont la fête est en octobre, novembre et décembre fermeront la marche jeudi.

Et on aura droit à une nouvelle ronde, puisque ce programme aussi sera élargi. Le premier ministre en avait fait l’annonce en début de semaine, et mercredi, il a apporté certaines clarifications.

Aux pigistes, professionnels des soins à domicile, aux aînés et à ceux dont les heures de travail ont été réduites à 10 heures par semaine ou moins, il a dit ceci : « On est en train de trouver des solutions et on va vous aider ».

Les étudiants qui s'apprêtaient à se trouver un boulot pour l'été ne seront pas laissés en plan.

Des changements temporaires seront apportés au programme Emplois d’été Canada afin d'aider les employeurs à embaucher du personnel pour l’été et permettre aux jeunes d’obtenir du travail Ce programme aidera à créer jusqu'à 70 000 emplois pour les jeunes de 15 à 30 ans, selon un communiqué gouvernemental.

Vers un autre rappel d'urgence du Parlement

Le premier ministre a réitéré qu'il voulait voir ses mesures entérinées par le Parlement, dont les travaux ont été suspendus au moins jusqu'au 20 avril prochain. Car elles sont « historiques », et le gouvernement a besoin « de la participation et de l'implication des partis d'opposition », a-t-il plaidé.

Il n'a toutefois pas précisé ce qui tardait dans la démarche de rappel, qui a été entamée il y a déjà plusieurs jours.

« Nous avons envoyé un projet de loi aux oppositions avant même de rappeler la Chambre. Cette collaboration est sans précédent. L’imputabilité parlementaire est essentielle et nous avons proposé un Parlement virtuel pour que les députés puissent continuer leur travail », a écrit sur Twitter le leader du gouvernement en Chambre, Pablo Rodriguez.

« On ne sait pas quand le pic viendra »

Alors que les deux provinces les plus populeuses au pays, l'Ontario et le Québec, ont divulgué leurs projections au cours des derniers jours, le premier ministre Trudeau a signalé qu'il faudrait encore quelques jours avant que le fédéral ne présente les siennes.

Il a toutefois affirmé qu'«on ne sait pas exactement quand le pic viendra, mais on sait qu'il viendra si on continue à garder le cap sur les mesures qu'on a maintenant». Au Québec, le gouvernement de François Legault a évoqué mardi un pic aux alentours du 18 avril.

Le déconfinement total, quant à lui, ne se fera pas de sitôt. Et le Canada surveillera étroitement ce qui se passe dans certains pays qui ont commencé, ou s'apprêtent à commencer, à relâcher un peu les mesures de distanciation sociale et redémarrer la machine économique en rouvrant des commerces.

« Il est évident que nous devrons être très, très prudents. Il faut éviter que tout le travail que nous avons fait ces dernières semaines, et celui que nous ferons dans les prochaines semaines [...] ne s'effondre pas, a-t-il offert. Ce sera très, très important de le faire de façon mesurée et graduelle. »

Trudeau sort de son isolement

Pour la première fois depuis qu'il s'est volontairement isolé après que sa femme Sophie eut contracté la COVID-19, Justin Trudeau participera à la réunion de son conseil des ministres en chair et en os. Il n'a cependant pas forcément l'intention d'en faire une habitude, à en croire ses propos.

« Mon télétravail va continuer, je vais rester à la maison pour la plupart des choses, mais maintenant, je vais pouvoir de temps en temps, pour des rencontres stratégiques ou importantes, me rendre au Parlement pour faire un peu de travail », a-t-il soutenu au lutrin installé devant sa résidence.

« Mais en général, je vais continuer à travailler d'ici », a-t-il enchaîné. La femme du premier ministre ainsi que leurs trois enfants se sont installés à la résidence secondaire située au lac Mousseau, dans le parc de la Gatineau, depuis que Sophie Grégoire-Trudeau a reçu son bulletin de santé positif.