Il y a quelques semaines, je me suis demandé comment Gabriel Nadeau-Dubois (GND) allait négocier le projet d’indépendantisme de Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) aux prochaines élections.

Or, pendant le fameux Conseil national de Québec solidaire au Saguenay, Gabriel Nadeau-Dubois a donné une idée de la stratégie qu’il affine pour la prochaine campagne électorale. Il a dit : « On ne peut pas laisser Paul St-Pierre Plamondon transformer ce beau et grand projet qu’est l’indépendance du Québec en un référendum contre l’immigration. »

L’actualité passe vite, mais je voulais revenir sur cette sournoise déclaration, si lointaine semble-t-elle déjà dans les mémoires éditoriales. Que dire ? Au Québec, cette tactique de clivage entre les méchants et les gentils avec les immigrants ne date pas d’hier. Ce qui me surprend cependant, c’est que cette approche clientéliste vienne de GND. Je dois reconnaître, en effet, que depuis que j’ai vu son énergie, son intelligence et sa fougue dans les manifestations étudiantes du printemps 2012, j’ai un grand respect pour GND.

C’est aussi pour cette raison que ce virage très populiste qu’il prend me déçoit. On peut refuser le souverainisme de PSPP pour différentes raisons, et le combattre de bien des façons aussi. Cependant, dire qu’il se fait au détriment des immigrants n’est pas loin de certaines déclarations qui sortent de la bouche de Donald Trump.

Cette façon de toujours chercher à peinturer des adversaires sur ce dossier sensible n’aide pas à améliorer le vivre-ensemble. Lorsque cela est fait avec discernement, parler d’immigration n’est pas un sujet tabou dans nos sociétés plurielles.

Pensez-vous que les immigrants ne réalisent pas qu’on arrive à un dépassement de la capacité d’accueil du Québec, mais aussi de tout le Canada ? Même chez les anglophones, où parler de ce sujet est traditionnellement prohibé, les langues se sont déliées pour demander à Justin Trudeau de décélérer avant que le système ne s’écroule. En cause, beaucoup de ceux qui débarquent se retrouvent désormais devant une muraille de difficultés.

Aujourd’hui, incapables de se trouver un logement, d’un océan à l’autre, beaucoup de nouveaux arrivants croupissent dans la précarité. Ça, GND le sait, car il faut reconnaître que c’est à lui et à Manon Massé que nous devons les premiers avertissements sur la crise du logement dont François Legault disait à l’époque qu’elle n’existait pas. Une crise que Justin Trudeau a fortement accentuée.

Pourquoi Trudeau a-t-il ouvert aussi largement les vannes de l’immigration ? En grande partie pour la même raison qui a incité GND à diaboliser le PQ sur le même sujet. Dans les deux cas, en se plaçant du côté « ouvert et tolérant » de la Force, on investit pour récolter ultimement des dividendes politiques. Mais en voulant trop profiter de cet avantage, Justin Trudeau a fracassé les capacités d’accueil du Canada. Si bien que maintenant, l’augmentation trop rapide de la population est décriée par les démographes, les économistes, les banquiers et les organismes communautaires submergés de demandes d’assistance.

Même les solidaires ont fini par accepter cette réalité. Il n’y a pas longtemps, Québec solidaire disait vouloir réduire le nombre d’immigrants temporaires séjournant au Québec pour diminuer la pression sur les services publics. Est-ce que cela fait de QS un repaire de xénophobes ? Évidemment que non. De la même façon, le fait de voter pour la motion du PQ sur l’exception religieuse ne fait pas de GND un antireligieux. Il dit simplement que QS est pour l’égalité des droits, car accorder des droits supplémentaires à un groupe n’est pas compatible avec la démocratie.

Parler d’intégration, de francisation, de laïcité et de capacité d’accueil ne fait pas d’une personne un idéologue de l’exclusion. Il faut simplement aborder cette question sensible avec délicatesse et de façon moins culpabilisante et stigmatisante. Des précautions, je dois le reconnaître, que le PQ et la CAQ n’ont pas toujours prises. Cependant, même si quelques cas de malheureux dérapages sur l’immigration jalonnent l’histoire récente du PQ, il est absolument faux de qualifier le souverainisme de PSPP de projet contre l’immigration.

Cette façon de faire me rappelle les méthodes utilisées naguère par Philippe Couillard pour diaboliser François Legault. Une stratégie qui, à mon avis, a grandement mené à sa perte.

Beaucoup de gens continuent de raconter que c’est le programme d’austérité de Couillard qui l’a coulé. Ce n’est pas totalement mon opinion.

Je crois plutôt qu’à force de se sentir identifiés comme des intolérants par Couillard qui était résolument multiculturaliste et réfractaire à la laïcité, les gens se sont vus laids et mauvais à travers son regard et ont opté pour le divorce sans discussion.

Disons que sur le chemin qui a mené à la grande extinction des libéraux dans le vote francophone, GND commence à marcher. En essayant constamment de diaboliser la CAQ et le PQ sur l’immigration, comme Couillard avant lui, il se met à dos beaucoup de gens.

Pour un parti qui cherche à sortir de Montréal, ce n’est certainement pas une bonne stratégie. Si Gabriel Nadeau-Dubois souhaite vraiment une grande nation québécoise unie, ce n’est pas une bonne idée de se lancer dans une bataille de boules de bouette.