Le gouvernement du Québec a raison : il est absurde de subventionner les études de futurs médecins qui iront travailler hors Québec.

Le coût actuel des études pour un Canadien de l’extérieur du Québec venu étudier à Montréal est de 9000 $ par année. À ce prix-là, les droits de scolarité en médecine ou en droit dans une université aussi prestigieuse que McGill sont une aubaine pour les étudiants de Vancouver ou de Toronto.

L’Université de Toronto facture 25 000 $ par année pour un habitant de l’Ontario étudiant en médecine, et 94 000 $ pour un étudiant étranger. « UofT » facture 33 000 $ par année aux Ontariens pour étudier dans sa faculté de droit – 54 000 $ pour les étudiants étrangers.

Osgoode Hall, une autre faculté de droit prestigieuse de Toronto, demande 25 000 $ par année.

Si l’on se tourne vers UBC, à Vancouver, les études en médecine coûtent 23 000 $ pour les Britanno-Colombiens.

À 9000 $, donc, les études à McGill sont très intéressantes, d’autant que l’Université se classe régulièrement première ou deuxième au Canada, et parmi les 20 ou 30 meilleures au monde. Ces classements sont très discutables, mais ils font en sorte que ces diplômes sont réputés et valent cher. Mais si c’est pour former des médecins albertains ou des avocats manitobains, convenons que c’est une mauvaise politique de financement.

Le hic, c’est que la politique du gouvernement caquiste ne corrige pas ce problème : elle augmente à 12 000 $ les droits pour tous les étudiants. Or, 80 % des étudiants venus de l’extérieur du Québec étudient en sciences humaines et sociales, dans des départements beaucoup moins coûteux à financer que ceux de sciences pures et surtout de santé. Les universités anglophones avaient proposé au gouvernement de moduler les hausses selon les domaines d’étude, mais cette proposition, pourtant logique, a été rejetée.

Ainsi, on continuera d’offrir un « deal » formidable à l’étudiante en médecine de l’Ontario, mais on augmentera de 33 % les droits d’une étudiante en histoire de la même province.

Est-ce qu’à elle seule, cette augmentation de 3000 $ est suffisante pour décourager la clientèle ? Je ne suis pas certain que ce soit si catastrophique que l’annoncent McGill et Concordia : si les inscriptions sont en baisse de 20 %, c’est peut-être qu’on craignait que le tarif de 17 000 $ soit maintenu – la ministre Pascale Déry a annoncé cette semaine que ce serait 12 000 $.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry

Il est vrai que les universités anglophones attirent plus d’étudiants étrangers et canadiens que les universités francophones. Cela leur donne un avantage économique majeur. Mais est-ce que ces nouvelles règles punitives vont aider les universités francophones ? Pas du tout.

Actuellement, le déficit de financement des universités du Québec est de 1,2 milliard par année, selon l’économiste Pierre Fortin. Après les grèves de 2012, « on » a décidé au Québec de continuer à geler les droits de scolarité – plus indexation. Mais on n’a jamais compensé le manque à gagner par des fonds gouvernementaux. Manque à gagner si l’on compare au fonctionnement des universités canadiennes comparables.

Résultat : la qualité de l’enseignement et de la recherche se dégrade au Québec. Dans plusieurs universités, l’enseignement de premier cycle est assuré à moitié ou plus par des chargés de cours sous-payés.

Si l’on tient à la qualité du haut savoir francophone et au développement de scientifiques francophones de haut niveau, il faudrait peut-être investir dans ces institutions, et pas seulement aller chercher quelques millions dans des universités qui font la réputation du Québec et de Montréal.

Bien des villes et bien des États voudraient avoir une université comme McGill, qui attire des talents du monde entier – mais quand même surtout des Québécois.

Dans ce « monde entier », rions un peu : il y a à McGill 2000 étudiants français, que l’on finance avec un tarif préférentiel grâce à une entente spéciale… pour venir apprendre l’anglais dans une université anglophone.

Au lieu de s’enorgueillir de la présence de cette institution, ce gouvernement la traite comme une sorte de profiteuse et ne s’assoit même pas pour négocier un compromis.

Chic.

Selon ses statistiques, 57 % des étudiants de McGill sont bilingues – c’est un préalable en droit, notamment. Les universités anglophones, pour montrer leur bonne volonté, ont proposé de faire des efforts de francisation. Mais fixer à 80 % d’un coup et sans discussion la francisation des étudiants venant de l’extérieur n’est clairement pas réaliste. Faut-il faire durer la formation une session, un an de plus pour y parvenir ? C’est évidemment une recette pour diminuer le nombre d’inscriptions.

J’en entends qui disent : tant pis, que leur clientèle diminue ! Comme si une baisse soudaine d’achalandage n’avait aucun impact sur les finances. Ne sous-estimons pas la jalousie du milieu et la mesquinerie de certains militants. Il s’en trouve pour penser qu’en abaissant McGill, on fera monter le niveau ailleurs – et même si ça n’est pas vrai, ça fait plaisir.

Ce ne sont pas les étudiants de l’extérieur, qui restent trois ou quatre ans ici, qui « anglicisent » Montréal.

Les grandes villes veulent attirer cette jeunesse internationale qui les fait vibrer. Ils repartent pour la plupart, mais avec une bonne impression de Montréal, une certaine connaissance du Québec, et parfois une bonne connaissance du français.

Certains restent, d’ailleurs, et c’est parce qu’ils ont embrassé la vie québécoise. Ceux-là doivent apprendre le français.

C’est une politique de francisation obligatoire des immigrants qui préservera le français au Québec. Pas des cours imposés à des gens qui repartiront hors Québec ensuite.