C’est aujourd’hui la Journée internationale des personnes âgées. Pas de défilé ni de manifestation de prévus. Pas d’émission spéciale ni de concert non plus. La Journée internationale des personnes âgées a de bonnes chances de passer sous silence. Ce silence que connaissent si bien les personnes âgées.

La pandémie a transformé la société. Dans notre rapport avec le travail, avec la consommation, avec les autres, avec nous-mêmes, avec nos ambitions et nos rêves. Le seul qui ne semble pas avoir changé, c’est notre rapport avec les vieux.

Pourtant, ce sont eux, les principales victimes de la pandémie. Ce sont eux qui sont morts en grand nombre. Ce sont eux qui en sont sortis diminués, fragilisés, éteints. On avait oublié de les protéger au début de la COVID. Rien que ça. Le virus repartirait de plus belle, cet automne, pas sûr qu’ils seraient plus à l’abri. Heureusement que le vaccin existe. Mais pour ce qui est des soins quotidiens, avons-nous vraiment amélioré leur situation ?

Vendredi, à la une du Devoir, on apprenait que huit aînés, ne requérant plus de soins hospitaliers, ont été transférés de façon précipitée au CHSLD de Sainte-Adèle, qu’ils vivaient les huit ensemble dans une salle multifonctionnelle, sans toilettes. Sans pudeur et sans dignité. On n’a rien compris.

On aurait pu croire que les horribles histoires de maltraitance dévoilées durant la pandémie nous auraient fait sentir coupables et qu’on aurait tout fait pour se faire pardonner. Ben non. Personne ne semble avoir de dette envers eux. Le gouvernement a agi un peu. Mis en place quelques programmes. C’est ça de pris. Mais on n’a jamais senti un mouvement populaire pour améliorer le sort des aînés. Les milliers de décès n’ont pas servi d’électrochocs, ne nous ont pas attendris, comme si, quelque part au fond de nous, on se disait qu’ils allaient mourir de toute façon. On va tous mourir de toute façon.

Si la société ignore les vieux, c’est parce que la société ne veut pas vieillir. Pourquoi s’attarder avec ceux dont elle ne veut pas faire partie ? D’un coup que la vieillesse serait contagieuse. La société choisit le déni. Se montrer toujours sous son plus jeune jour.

Pourtant, la société ne fait que ça, vieillir. En 2021, une personne sur dix dans le monde était âgée de 65 ans ou plus. En 2050, ce sera une personne sur six. En Amérique du Nord et en Europe, ce sera près du tiers de la population qui aura sa carte de l’âge d’or.

On ne pourra pas toujours les cacher, les exclure. Il faudra arrêter de les traiter comme des gens qui ne sont plus dans le coup. On devra mettre fin à nos préjugés.

Le plus absurde, c’est que nous sommes tous des vieux en devenir. Si on est chanceux. La vieillesse est l’avenir de l’homme, de la femme, de l’humain. Ça devrait nous motiver à leur faire une belle place, puisque c’est celle qui nous attend. Pas pantoute ! On se croit tous possédés par la jeunesse éternelle. Nous, c’est pas pareil. Les autres deviennent des vieux. Nous, on devient des mieux. Le réveil est brutal.

En ces temps d’inclusion, on devrait réaliser que l’âge n’est pas un critère valable pour écarter les gens, comme on commence enfin à le comprendre pour le sexe et la race. Ce n’est pas normal que le seul octogénaire que l’on voie sur nos écrans, c’est le président des États-Unis. C’est vrai, il y a les Rolling Stones, aussi. Les exceptions qui confirment la règle. La règle de la mise de côté. La règle qu’après un certain âge, on fait partie du passé.

Tous les vivants font partie du présent. Tous les vivants ont le droit de vivre à cent pour cent, cent pour cent de leur vie.

En cette Journée internationale des personnes âgées, il faut dénoncer l’âgisme. Et créer un monde ouvert de zéro an à tout le temps.

La vieillesse n’est pas une veilleuse. La vieillesse est une lumière radieuse. C’est à la fin du jour que le soleil brille de ses plus beaux feux.

Quelqu’un rempli de courage, c’est un courageux.

Quelqu’un rempli d’amour, c’est un amoureux.

Quelqu’un rempli de vie, c’est un vieux.

Vive (encore) les vieux !