L’élection partielle dans Jean-Talon n’a pas encore eu lieu, mais le Parti québécois (PQ) a déjà gagné l’avant-match.

Le simple fait qu’on évoque une possible victoire du PQ est en soi un choc.

Remontons dans le temps. On dirait que c’était il y a une décennie, mais ça fait seulement 11 mois. En octobre 2022, le parti de René Lévesque était presque rayé de la carte. Après le naufrage électoral, il ne restait que trois rescapés. Le chef Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) se battait pour exister à l’Assemblée nationale en quémandant un budget additionnel pour embaucher des employés.

Moins d’une année plus tard, selon un sondage Léger, le PQ et la Coalition avenir Québec (CAQ) sont à égalité statistique dans Jean-Talon, où une élection est provoquée par la désertion de la caquiste Joëlle Boutin.

Le revirement est spectaculaire. Le PQ est désormais deuxième dans les intentions de vote au national. Même si cela le reléguerait encore au quatrième rang pour la députation, à cause du mode de scrutin, cela montre que son éloge funèbre avait été écrit un peu trop vite.

Les péquistes auraient même une chance de remporter Jean-Talon. Une circonscription qu’ils n’ont jamais gagnée.

J’insiste sur le conditionnel. Les sondages pour une partielle sont à interpréter avec prudence. L’échantillon est petit, ce qui augmente l’incertitude. Le taux de participation est aussi faible – quoique le vote par anticipation soit étonnamment élevé. Reste que de façon générale, dans une partielle, il est encore plus important qu’à l’habitude de savoir qui boudera le scrutin et qui votera, des éléments difficiles à mesurer pour les sondeurs.

Le travail de terrain des partis sera décisif, et ils ne jouent pas à armes égales. La CAQ envoie ses ministres, députés et employés cogner aux portes. C’est permis et normal, mais le PQ ne dispose pas de telles ressources. Le PQ et la CAQ respectent le code d’honneur. Comme prévu, ils ne font pas de publicité sur Facebook et Instagram durant la campagne. Mais Québec solidaire et le Parti libéral se sont désolidarisés de cette initiative.

Cela mérite d’être souligné. Rares sont les élections où deux partis avouent sans gêne qu’ils refusent de jouer selon les règles convenues. Lors de l’analyse des résultats, il faudra en tenir compte.

En politique, il n’y a pas de victoire morale. Lors de la précédente partielle, dans Marie-Victorin (Longueuil), le PQ a perdu un siège. Sa deuxième place était une défaite cuisante qui confirmait son recul.

Même si le PQ gagnait Jean-Talon, il demeurerait un parti non officiellement reconnu, et il aurait encore trois fois moins d’élus que Québec solidaire.

N’empêche que sa remontée dans les sondages montre qu’un parti au temps de parole limité peut influencer les débats.

À titre de comparaison, malgré ses 19 députés, le PLQ peine à se démarquer. Le parti a recruté une candidate de qualité, Élise Avard-Bernier, qui ne réussit toutefois pas à faire bouger l’aiguille.

Pour le PQ, cette remontée annonce aussi le retour des habituels dilemmes.

Depuis qu’il est chef, PSPP a remis l’indépendance au cœur de son discours.

Il rallie certains nationalistes déçus qui avaient donné une chance à la CAQ. Ce ton décomplexé le fait paraître authentique.

Mais pour gagner Jean-Talon, ça ne suffira pas. Le PQ a besoin d’élargir ses appuis. Il a donc reporté le dévoilement de son budget de l’an 1 de la souveraineté. Il ne fait pas campagne sur son projet de pays – pas plus que QS, par ailleurs, qui se dit indépendantiste.

Le PQ se concentre sur ce qu’il fait de mieux : le judo.

Après l’aveu embarrassant que son candidat Pascal Paradis avait émis le souhait de devenir ministre caquiste, le PQ a récupéré la controverse à son avantage en mettant en doute la parole de François Legault. Il avance que si M. Paradis songeait à se joindre aux coalisés, c’était parce qu’on l’aurait assuré que le troisième lien routier Québec-Lévis ne se ferait jamais, contrairement à ce qui était répété devant les caméras.

Le PQ essaie de répéter cette stratégie avec le tramway. Il exhorte le gouvernement à dévoiler sa fourchette de prix anticipée pour ce projet. Or, cela équivaudrait à dire aux soumissionnaires combien l’État est prêt à payer. Ils arrondiront donc la facture à la hausse.

Même s’il est légitime de vouloir contrôler les coûts et surveiller le gouvernement, personne n’est dupe. Le PQ courtise à la fois le vote pro- et anti-tramway. Reste à savoir dans quelle mesure c’est avisé – les résidants de Sainte-Foy sont plus favorables au tramway.

De toute façon, selon les échos du terrain, l’inflation et la crise du logement – dossier pour lequel QS se bat depuis des années – préoccupent davantage les électeurs.

Au-delà de ces enjeux, les partielles constituent souvent des référendums sur le gouvernement.

Les gens de Jean-Talon sont-ils satisfaits de M. Legault ? Croient-ils qu’ils seraient mieux servis par une 90e députée caquiste qui ne deviendra pas ministre ? Ou veulent-ils donner une voix de plus à l’opposition pour surveiller le gouvernement ?

Chose certaine, que le PQ ait trois ou quatre représentants à l’Assemblée nationale, il a déjà démontré qu’un petit nombre de gens peut faire beaucoup de bruit.