(Québec) L’effet d’optique est saisissant. Assis sur le sable de la toute nouvelle station de la Plage de Québec, inaugurée début juillet, on a l’impression d’être au bord de l’océan.

Les eaux bleu ciel du bassin de baignade se mêlent aux flots du Saint-Laurent en apparence seulement. Entre la piscine-plage qui se termine par une fenêtre et la grève qui mène au fleuve, il y a un mur et un trottoir. Malgré cette coupure, le charme opère. On peut y faire trempette tout en évitant les courants potentiellement dangereux de ce secteur du puissant cours d’eau.

Il n’est donc pas surprenant que l’accueil de cette troisième phase de la promenade Samuel-De Champlain, située à mi-chemin entre le Vieux-Québec et les deux ponts, soit plus qu’enthousiaste. Il est la cerise sur le gâteau d’un grand projet qui, depuis 2008, a progressivement redonné accès à la population à près de 6,8 kilomètres de littoral.

Mis à part des mononcles qui se permettaient des commentaires désobligeants à voix haute sur le physique des baigneuses lors de notre récent passage sur le site (oui, oui, en 2023), tout le monde semblait y trouver son compte. Des tout-petits, qui y ont une pataugeoire miroir et des jets d’eau, aux grands-parents, qui peuvent se prélasser en mangeant une crème glacée pendant que les grands enfants font l’étoile de mer et que les adolescents jouent au volleyball de plage à la station de la Voile, juste à côté.

Je ne vous cacherai pas que la Montréalaise en moi a ressenti une pointe de jalousie, impressionnée par ce nouvel aménagement de 2,5 kilomètres de la firme Daoust Lestage qui a nécessité le déplacement d’une voie ferrée et un budget de 193 millions, somme majoritairement déboursée par le gouvernement provincial. D’autant que pendant mes vacances éclair à Québec, j’avais quelque peu l’embarras du choix. J’aurais aussi pu aller me lancer à l’eau au Bassin-Louise, dans le Vieux-Port, ou aller toucher le fleuve à la baie de Beauport. Tout ça, à proximité du centre-ville de Québec.

Montréal n’est pas complètement en reste. Les Montréalais ont accès à des plages à Verdun, au Cap-Saint-Jacques, à L’Île-Bizard, et au parc Jean-Drapeau, mais hormis la plage Jean-Doré, qui est sur l’île Notre-Dame, les trois autres points de baignade dans l’eau du fleuve se trouvent tous dans l’ouest de la métropole, qui, faut-il le rappeler, a près de quatre fois la population de la Ville de Québec.

À l’autre extrémité de l’île, des résidants s’impatientent. La Plage de l’Est à Pointe-aux-Trembles est magnifiquement aménagée, mais il est impossible de s’y baigner pour le moment, notamment parce que le gouvernement fédéral s’inquiète de l’avenir du chevalier cuivré, une espèce de poisson menacée.

Les choses ne vont pas beaucoup mieux à la promenade Bellerive, dans la partie orientale d’Hochelaga. Avant de donner l’accès à l’eau, la Ville doit terminer des études sur la biodiversité.

Dans le Vieux-Port de Montréal, où plusieurs rêvent de se baigner depuis déjà deux décennies, le dossier piétine, et ce, même si les défenseurs du projet ont à la fois l’appui de la mairesse, qui en avait fait une promesse électorale en 2017 et de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Mais à ce jour, le quai Jacques-Cartier n’est le théâtre que d’un « grand splash » par année, rassemblant immanquablement une centaine d’enthousiastes persistants. Le ballon de plage est dans la cour de la Société immobilière du Canada (SIC), qui gère le Vieux-Port.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Baigneurs se jetant à l’eau à l’occasion du Grand Splash au quai Jacques-Cartier du Vieux-Port de Montréal, en juillet 2022

Dans ce coin de la ville, on peut aller se prélasser sur la plage du quai de l’Horloge, mais l’accès à l’eau y manque cruellement lors des journées de canicule. On a beau y être entouré du fleuve, on doit se contenter d’aller se mouiller dans une douche en plein air !

Cela dit, la Société immobilière du Canada ne semble pas complètement allergique aux maillots de bain. On a appris à la mi-juin, dans un article de mon collègue Philippe Teisceira-Lessard, que l’organisation rêve de creuser le bassin Wellington, tout près du bassin Peel, à la lisière du Vieux-Montréal et de Pointe-Saint-Charles, pour en faire une aire de baignade. Tout ça est réjouissant, mais disons que ce n’est pas demain matin qu’on y entendra un premier plouf !

Lisez l’article « Un lac artificiel au sud du centre-ville ? »

Heureusement qu’il y a d’autres bonnes nouvelles pour les nageurs et adeptes de plans d’eau naturels. Les travaux d’aménagement de l’ancienne marina de Lachine – en voie d’être transformée en parc et en aire de baignade – devraient commencer l’automne prochain, nous dit-on à la Ville.

En dépit des beaux projets et des avancées, il reste que l’accès des Montréalais à l’eau du fleuve est encore très limité considérant les 265 kilomètres de berges dont l’île peut s’enorgueillir. La Fondation Rivières, qui s’intéresse à la question, a révélé en juin une carte répertoriant 57 sites où la qualité de l’eau permet la baignade à Montréal lors de temps sec. Il y a là de beaux terrains de jeux aquatiques à explorer.

Consultez la carte de la Fondation Rivières

Et ce n’est pas qu’une question de loisirs. Avec les canicules qui sont de plus en plus fréquentes et qui ne sont pas près de s’espacer, comme le notait à nouveau un rapport d’experts mondiaux des changements climatiques publié mardi, l’accès à des aires de rafraîchissement deviendra de plus en plus essentiel dans les milieux urbains.

Et si, en plus, ces dernières peuvent permettre aux corps de se reposer tout en comblant les yeux, comme c’est le cas à la station de la Plage de Québec, nous nous en porterons tous mieux.