La Chine intervient de plusieurs façons au Canada, a-t-on appris depuis quelques mois, dans des révélations médiatiques troublantes.

La Chine tente de faire élire – et de défaire – des candidats aux élections, par exemple. C’est la partie la plus spectaculaire de cette affaire. Ce n’est pas la seule.

Un député libéral aurait ainsi conseillé subrepticement le consulat chinois à Toronto sur la meilleure façon de gérer la libération des deux otages canadiens en Chine. Ce député fut aussi le bénéficiaire d’efforts de la Chine pour le faire élire.

La Chine tente aussi de faire taire les critiques ici en faisant pression sur des membres de leurs familles, en Chine. La famille du député conservateur Michael Chong a été harcelée à Hong Kong pour que ledit député change ses positions publiques – et ses votes – face à la Chine.

J’ajoute que la Chine gère des postes de police informels – et illégaux – sur le territoire canadien. Le but : intimider les Sino-Canadiens qui habitent ici, qui sont citoyens de ce pays.

Ces efforts ne sont pas particuliers au Canada. La Chine déploie ce genre d’opérations ailleurs dans le monde. Les États-Unis ont par exemple démantelé un de ces postes de police à New York en plus de procéder à des arrestations.

Au cœur des révélations sur l’ingérence chinoise au Canada : les journalistes du Globe and Mail et de Global News. À l’aide de sources dans la communauté du renseignement canadien, ces médias ont exposé l’ampleur des tentatives d’ingérence de la Chine sur le sol canadien ainsi que la timidité de la réponse canadienne à ces manœuvres.

Au Québec, La Presse a sorti plusieurs scoops sur la Fondation Pierre Elliott Trudeau, ciblée par la Chine dans une affaire de don qui porte les empreintes du Parti communiste chinois.

De toute évidence, la Chine a tenté d’utiliser la Fondation portant le nom du père de Justin Trudeau comme levier pour se rapprocher du premier ministre nouvellement élu, après 2015.

Le journalisme d’enquête consacré à cette ingérence chinoise est impressionnant, tant au Globe et chez Global qu’à La Presse. Ces reportages vont gagner des prix de journalisme.

Est-ce que les manœuvres d’ingérence de la Chine fonctionnent ?

C’est une bonne question, mais ce n’est pas la seule à poser. Il y en a d’autres, plus importantes à mon avis.

Que savait le politique à propos des efforts chinois ciblant deux députés ? Et quand ? Justin Trudeau a su quoi, à quel moment ?

Qu’a-t-il fait, quand il a su ?

Quelle est la meilleure façon de répliquer à ces efforts de la Chine pour influencer la politique canadienne par l’intimidation ?

Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) est-il pris au sérieux par le politique quand il déterre des filières qui tentent d’influencer la politique canadienne ?

Les réponses du gouvernement de Justin Trudeau à ces questions ont évolué avec le temps, de contradiction en dissimulation, au gré des scoops et des documents internes montrant que le Bureau du premier ministre savait alors qu’il avait prétendu ne pas savoir…

Seule certitude : la Chine agit en toute impunité au Canada. Le Bureau du premier ministre savait par exemple que le député conservateur Michael Chong avait été pris pour cible dans une campagne d’intimidation visant sa famille à Hong Kong, pour qu’il cesse de critiquer la Chine.

Le bureau de Justin Trudeau savait quel diplomate chinois en poste à Toronto tirait les ficelles de cette manipulation.

Qu’a-t-il fait ?

Rien, apparemment.

M. Chong n’a pas été prévenu, le public canadien non plus, et le diplomate chinois n’a pas été expulsé. Ce n’est qu’une fois que l’histoire a été révélée – par les médias – que l’ambassadeur chinois a été convoqué par notre ministère des Affaires étrangères…

Bref, cette histoire mérite d’être passée aux rayons X sur fond de discussion publique urgente sur la relation Canada-Chine. Mais si ces enjeux sont soudainement l’objet de débats publics, c’est principalement grâce aux journalistes du Globe and Mail, de Global News et de La Presse, qui décrivent depuis des mois les manœuvres d’ingérence de l’État chinois dans les affaires canadiennes.

Ce qui m’amène à Alexandre Trudeau.

Alexandre Trudeau est un des trois fils de Pierre Trudeau, avec Justin et Michel (décédé en 1998). Il a témoigné en commission parlementaire sur l’ingérence chinoise, cette semaine. Pendant 20 ans, Alexandre Trudeau a été membre du conseil d’administration de la Fondation Pierre Elliott Trudeau, à laquelle il est encore lié.

Pour Alexandre Trudeau, l’histoire du don chinois de 200 000 $ à la Fondation Pierre Elliott Trudeau – faite par un prête-nom alors que le cash provenait du gouvernement chinois et tout de suite après l’élection de Justin Trudeau – n’a rien d’une tentative d’ingérence, non…

Je le cite, pétri d’une assurance déplacée : « C’est du mauvais journalisme. »

Permettez un petit détour, avant d’aller plus loin…

En 2006, Alexandre Trudeau s’est fendu d’une lettre gênante où il cirait les bottes du dictateur cubain Fidel Castro, sur le ton d’une adolescente qui écrit à Justin Bieber. Un extrait : « Fidel ne fait pas de politique. Il vit pour apprendre et pour mettre ses connaissances au service de la révolution, pour mener l’humanité vers la justice et un ordre social plus parfait […] Son intellect est l’un des plus grands et des plus complets que l’on puisse trouver… »

Et il y a quelques années, imitant son père, Alexandre Trudeau a écrit un livre sur un voyage en Chine. Il a trouvé là-bas d’autres bottes de dictateurs à cirer. Un extrait du livre : « Il m’arrive encore de défendre le Parti communiste chinois. Je ne crois pas que la Chine aurait fait autant de chemin et aussi rapidement sans l’unité et la puissance organisationnelle qui lui ont été imposées… »

Bref, fin du détour : un téteux de dictatures comme Alexandre Trudeau qui nous donne son opinion sur le journalisme, ça me fait rire, et ça me fait rire très, très fort. Ce concept, le journalisme, ça n’existe pas dans les pays qu’il admire, ces dictatures que « Sacha » vante avec sa plume pétrie de complaisance et, disons-le, de stupidité.