Oui, je mets le gros orteil dans le terrain de jeu de mon camarade Hugo Dumas. C’est une chronique sur Occupation double. Une fois n’est pas coutume.

À ce stade-ci, le Québec en entier connaît les faits : la production de la téléréalité de Noovo a évincé trois candidats pour délit d’intimidation, parce que les trois « bros » ont été odieux avec un rival en étant méchants avec lui, puis en évinçant l’élue de son cœur, en espérant que leur cible sacre son camp (ce qu’il a prestement fait)… 

Tout ça a été filmé.

Tout ça a été diffusé.

Tout ça a fait l’objet d’extraits diffusés en promotion.

Pour Productions J et pour Noovo, les petites vacheries commises et dites par les trois participants, c’était simplement de la bonne télé. Drama ! Méchant ? Ben non, écoutez le bienveillant Jay du Temple qui narre le tout avec des blagounettes gentilles-gentilles…

Sauf qu’après la diffusion de l’éviction de la dulcinée du souffre-douleur, il y a eu un malaise dans l’auditoire. Pardon, non : sur les réseaux sociaux, d’abord. Les voix de l’inclusion ont dénoncé « l’intimidation » dont fut victime ce pauvre garçon dont j’ai oublié le nom.

La controverse grandissant, la production a dépêché en Martinique deux personnes pour « éduquer » les participants d’Occupation double aux périls de l’intimidation.

Pas beau, l’intimidation. Pas gentil, l’intimidation. Mal. N’intimidez pas, les jeunes !

Productions J s’est évidemment empressée de faire savoir que ces deux « experts » avaient été dépêchés en Martinique pour rééduquer les jeunes participants. Voyez comme nous sommes responsables ! Nous agissons contre l’intimidation !

Le débat, d’ailleurs, se fait depuis plus d’une semaine sur l’intimidation.

J’aimerais le recadrer, un peu.

Sur l’intimidation, tout est affaire de point de vue. Personnellement, sur le grand spectre de l’intimidation, je n’ai pas vu matière à grimper dans les rideaux dans le contexte d’une émission de téléréalité du genre. Mon point de vue : ces manœuvres ne sont pas davantage de l’intimidation qu’une mise en échec est de la violence pour une joueuse de hockey olympique.

Peut-être que je suis dans le champ sur « l’intimidation », mais ce n’est même pas mon propos. Non, ce qui m’intéresse dans cette saga, c’est l’hypocrisie des uns et des autres.

Celle de la boîte de Julie Snyder, Productions J, d’abord. Ces gens-là ont filmé le trio à l’œuvre. Ils ont savamment et finement fait le montage de leurs dires, de leurs actes. Ils ont jugé bon d’envoyer ces séquences au diffuseur. Et ils en ont fait la promotion.

Pour la prod, c’était de la bonne télé, parfaitement diffusable. Hautement diffusable, même. L’ADN d’un tel show. Drama ! On imagine bien que le diffuseur Noovo a approuvé le montage soumis par Productions J, car c’est ainsi que ça marche en télé : le producteur soumet les montages au diffuseur, le diffuseur donne le OK final. Puis, on diffuse.

L’hypocrisie de la chaîne, justement : Noovo a choisi de diffuser ces séquences croustillantes.

Tout le monde était content, chez Productions J et chez Noovo.

Mais là, quand la controverse n’a pas voulu mourir, qu’a-t-on annoncé ? Qu’on envoyait en Martinique deux spécialistes pour éduquer les participants d’Occupation double sur les périls de l’intimidation…

Sauf que la controverse continuait à grandir. Sur les plateformes, un mot-clic est même apparu, parfaitement synchro avec l’air du temps : #CancelOD. Oups… 

C’est là qu’il s’est produit quelque chose de vraiment troublant, pour Julie Snyder et pour Noovo. Un truc vraiment « problématique », pour utiliser le terme fourre-tout des papes et papesses numériques de l’absolue rectitude de l’époque : des commanditaires ont décidé de couper les liens avec Occupation double !

Un commanditaire, d’abord…

Un deuxième.

Puis un troisième…

Et c’est là, et seulement là, que Productions J et Noovo ont jugé que le comportement des trois boys était devenu ina-cce-ptable !

Je souligne que les trois commanditaires ont retiré leurs billes uniquement quand la controverse s’est mise à enfler sur les médias sociaux et non pas au moment de la diffusion. Tant que ça ne rebutait pas trop le consommateur, ces commanditaires se fichaient bien de « l’intimidation ». Non, ce qui a été montré à l’écran est devenu « incompatible avec les valeurs » de ces entreprises uniquement quand le vent des tempêtes numériques est devenu gênant, pas quand les images ont été diffusées…

Question : si les trois « intimidateurs » ont été congédiés de la production, est-ce que les gens qui ont autorisé la diffusion de ces images « problématiques » le seront, eux et elles aussi ?

C’est une question rhétorique, pas besoin de répondre, Julie…

Je termine avec les participants. Ces protagonistes acceptent volontairement de servir de bête de cirque pour se faire connaître d’un large public. Or, après 20 ans de téléréalité du genre au Québec, s’ils ne savent pas que leur bien-être psychologique et réputationnel n’est pas la priorité absolue d’émissions comme Occupation double, il fallait mieux se renseigner.

Ces participants sont également coupables d’hypocrisie : ils savent bien que « trouver l’amour » est un prétexte dans OD, que des milliers de personnes trouvent l’amour chaque jour, loin d’un plateau de TV filmé de tous les angles… 

C’est pas l’amour, le but du jeu, à Occupation double, pour les participants. Ils le savent. Le jeu, il sert à deux choses.

Un, se faire connaître, multiplier son « reach » sur Instagram et d’autres plateformes.

Deux, gagner du cash. Soit en « gagnant » OD… Ou alors via la célébrité que rapporte la participation à l’émission.

Il n’y a pas d’injustice dans cette saga, il n’y a qu’une vaste hypocrisie de toutes les parties impliquées : du diffuseur, de la productrice, des commanditaires échaudés et, oui, des participants… 

Le reste n’est que bruit de réseaux sociaux et indignation en plywood.