Question à choix multiple pour François Legault.

Est-ce que Pierre Dufour, votre ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, est :

  • lobbyiste de l’industrie forestière ?
  • manipulé par ses hauts fonctionnaires ?
  • votre pion ?

Si le premier ministre a une autre hypothèse, je serais curieux de l’entendre. Car ce qui se passe en coulisses mérite quelques explications…

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pierre Dufour, ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs

Comme l’a révélé mon collègue Jean-Thomas Léveillé, le ministère de M. Dufour négocie avec l’industrie en catimini pour récolter plus de bois que la forêt ne peut le permettre.

Lisez l’article « Des discussions en catimini pour éviter une baisse des coupes »

Le dossier montre la légèreté avec laquelle le gouvernement caquiste traite la science et les institutions.

Les caquistes croient défendre une industrie vitale pour les régions. Le problème, c’est qu’ils le font avec une vision à court terme, en protégeant les emplois d’aujourd’hui sans penser à ceux de demain. En considérant la forêt comme un réservoir de deux par quatre au lieu d’un écosystème. Et en se fiant plus à l’industrie qu’aux autorités compétentes.

Les choses étaient pourtant censées avoir changé.

En 2003, à la suite du documentaire L’erreur boréale, Québec a mis sur pied la commission d’étude Coulombe. Elle a mené à la création du poste de forestier en chef. C’est lui qui détermine maintenant la « possibilité forestière » – le volume que l’industrie peut récolter, par essences et par territoires, sans menacer le renouvellement de la forêt.

Le nouveau régime forestier, entré en vigueur en 2013, devait consacrer cette vision⁠1.

Mais les pressions de l’industrie sur le Ministère ont toujours été immenses. Et même quand les politiques étaient adéquates, il manquait d’inspecteurs pour les faire respecter sur le terrain.

En février, le forestier en chef a annoncé que le volume de bois devait être réduit de 7 % sur la Côte-Nord durant la période 2023-2028. M. Dufour et l’industrie manœuvrent depuis pour contourner cette baisse. Parmi les scénarios étudiés : couper de petits arbres ou reporter la régénération de forêts anciennes. Ces discussions se déroulent à l’insu des membres de la Table de gestion intégrée des ressources et du territoire.

En bon serf, le ministre se met au service de l’industrie, et le premier ministre cautionne le tout en disant protéger les emplois actuels sans penser à ceux de demain.

M. Dufour a réussi un exploit : créer une commission « indépendante » sur les caribous forestiers et montagnards qui ne compte pas de biologiste spécialisé dans ce sujet.

Après la harde de Val-d’Or, c’est maintenant au tour de celle de Charlevoix d’être placée en enclos. Un des scénarios étudiés par la commission consiste à maintenir la récolte, jusqu’à leur extinction.

Pourtant, les biologistes répètent que Québec a toutes les données en main pour agir. Cette commission ressemble à un prétexte pour gagner du temps. En attendant que le « problème » de l’existence des caribous se règle de lui-même.

Les caquistes sont meilleurs pour trouver des coupables.

Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, est accusé d’ingérence parce qu’il veut protéger le caribou. Pourtant, il ne fait que son travail. La protection des espèces est une compétence partagée.

On laisse entendre que si M. Guilbeault défend les caribous, c’est pour faire oublier l’approbation par le fédéral du projet pétrolier Bay du Nord. Même si le gouvernement Trudeau est content de parler d’autre chose, ce n’est pas de l’opportunisme. Son approche n’a pas changé. L’année dernière, il avait adopté un décret d’urgence pour sauver la rainette faux-grillon alors qu’il y avait peu de gains politiques à le faire.

En plus de M. Guilbeault, Pierre Dufour s’est trouvé un autre méchant : les Autochtones. Il accuse la communauté innue de Nutashkuan, sur la Côte-Nord, d’avoir tué 50 caribous forestiers, soit 10 % du cheptel.

Certes, cette chasse est inquiétante, et Québec a raison d’enquêter. Mais M. Dufour a été d’une incroyable maladresse. Des communautés se battent pour sauver cette espèce vitale à leur culture. Par exemple, à Pessamit, la chasse a été interdite. Les Premières Nations réclament aussi des aires protégées afin de sauver le caribou, mais le ministre en bloque.

Le caribou et le calcul de la possibilité forestière se ramènent à une même idée : considérer cette ressource comme faisant partie d’un écosystème et l’exploiter de façon durable.

Mais à en croire le gouvernement caquiste, respecter les institutions et la science, ce serait un caprice de militant.

À son discours d’ouverture en novembre 2019, M. Legault promettait de ne pas gouverner le Québec en fonction des « groupes d’intérêt » comme un lobby industriel.

Voilà une promesse qui vieillit mal.

⁠1 Lisez l’analyse de l’ancien forestier en chef