Je ne sais pas par où commencer, alors que je relis mes notes sur la conférence de presse de jeudi, où on nous a annoncé le retour d’un couvre-feu, de 22 h à 5 h…

Nous aurons donc un couvre-feu 2.0 qui va traiter tout le monde de la même façon, vaccinés comme non-vaccinés. Le premier ministre a promis d’explorer des mesures qui pourraient, peut-être, viser les vaccinorécalcitrants…

Question plate : c’est pas encore fait, cette exploration ?

Les antivax font suer depuis l’hiver dernier, au moins. Ils sont tout sauf surprenants.

Dès lors, les scénarios pour les isoler sont-ils déjà envisagés ?

Les avis juridiques, écrits ?

Pourquoi est-ce IMPOSSIBLE de leur interdire l’accès à l’espace public, à ces gens-là, comme le prétend M. Legault ? Le PM n’a pas fait la démonstration que ce l’était, impossible.

Je le dis parce que la grogne est de plus en plus explicite et faisait enfler mes messageries, avant et pendant le point de presse du trio Santé : pourquoi les antivax sont-ils traités comme les vaccinés, dans ces mesures extrêmes annoncées jeudi ?

C’est ce que ma gang, celle des Québécois de bonne foi, se demande.

Clairement, ces gens-là, les non-vaccinés, trouvent le moyen de se réunir et de s’infecter – et de constituer 50 % des hospitalisations alors qu’ils ne forment que 10 % de la population – malgré les restrictions imposées par le passeport vaccinal…

Il n’y a plus d’acceptabilité sociale pour ces accommodements déraisonnables.

M. Legault pense que c’est difficile à appliquer. Il confond obligation de moyens et obligation de résultat.

Exemple : on oblige les non-vaccinés à rester chez eux. Bien sûr, certains sortiront. Mais à leurs risques et périls : tu n’as pas de passeport vaccinal et tu brûles un stop ? Contrôle du passeport vaccinal, amende si tu n’as pas de passeport vaccinal en règle.

Et parlant du Code de la route : tu veux renouveler ton permis de conduire, ça te prend ton passeport vaccinal…

L’épicerie ? Que les antivax commandent en ligne. Qu’ils se fassent livrer. Pas de passeport vaccinal, ben, tu rentres pas chez Metro.

Pourquoi peuvent-ils entrer à la SAQ et à la SQDC sans passeport vaccinal ?

Je pose la question du travail, aussi : pas de passeport vaccinal, tu ne travailles pas. Directive aux employeurs : zéro employé non vacciné. Ottawa l’a fait pour les milieux de travail de compétence fédérale. Et le fédéral explore même l’idée de refuser aux non-vaccinés des prestations d’assurance-emploi1.

Donc, je ne vois pas en quoi c’est si compliqué d’ESSAYER de confiner les non-vaccinés à un seul endroit, leur domicile.

Ah, pardon, ça ne passerait pas le test des tribunaux ?

Sorry, mais la loi 21 ne passerait pas le test des tribunaux sans la disposition de dérogation. Le gouvernement a quand même foncé. Si au moins notre PM tentait de vraiment limiter les mouvements des négationnistes, on pourrait découvrir si les juges ont de l’humour envers les plus égoïstes – et contagieux – d’entre nous en temps de pandémie…

Mais non : le trio Santé en est encore à implorer les radicalisés de se faire vacciner, sur le ton de Passe-Carreau expliquant une difficulté de la vie aux enfants.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Le Dr Horacio Arruda, François Legault et Christian Dubé

Pour une raison que je ne m’explique pas, François Legault semble craindre de vraiment serrer la vis aux négationnistes.

Le seul point sur lequel je suis d’accord avec le PM : il faut les soigner, même s’ils sont infectés et deviennent malades.

Comme société, il ne faut pas être égoïste comme eux le sont, égoïstes, comme individus.

Un mot sur Horacio Arruda, sous-ministre adjoint à la Santé et directeur national de santé publique. Dans une chronique publiée jeudi2, je faisais écho à une grogne généralisée dans les milieux médicaux et scientifiques : le DArruda multiplie les bourdes, dans ses déclarations sur la science du virus et quant à ses appréciations du danger viral.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Le Dr Horacio Arruda, sous-ministre adjoint à la Santé et directeur national de santé publique

Le PM s’est donc fait poser la question, jeudi soir : le DArruda est-il encore la bonne personne pour occuper le poste de directeur national de santé publique ?

Réponse, en un mot, de M. Legault : « Oui. »

Ah, « oui » ?

À peu près tout ce que le Québec compte de scientifiques qui ont en commun de ne pas être sur le payroll de la Santé – ministère de la Santé, INSPQ, INESSS –, bref, à peu près tout ce que le Québec compte de scientifiques pouvant parler librement, pense que le DArruda a fait son temps…

Mais… « oui » ?

Bon, OK.

Mais là où j’ai sursauté, c’est quand le premier ministre du Québec a dit qu’Horacio Arruda avait gardé le Québec « en avant de la parade ». MM. Legault et Arruda se reconnaissent dans le jovialisme, faut croire. Nous ne sommes pas « en avant de la parade ». Ça, c’est du spin.

Comme dans bien d’autres endroits, nous avons eu nos hauts et nos bas, depuis mars 2020, bien sûr. Omicron frappe partout, évidemment. Mais la vague actuelle nous frappe plus qu’ailleurs au Canada. Et nous avons eu des « bas » calamiteux, en CHSLD. La liste des erreurs est longue.

Ça commence à être indécent pour notre PM de dire que nous sommes « en avant de la parade ».

Les bruits que j’entends des hôpitaux ne sont pas rassurants. Disons que ce n’est pas le temps de se casser un pied, d’avoir une pierre au rein, de se taper un malaise cardiaque.

Plus les soignants seront nombreux à être malades, plus le délestage va réaffecter des soignants vers les malades de la COVID-19, plus la qualité des soins risque de se détériorer.

C’est mathématique.

J’allais faire hivériser mon vélo, faire poser des pneus à clous, tout ça.

Je vais attendre, je pense.

Un couvre-feu 2.0, donc.

Les semaines à venir risquent d’être difficiles, sur le plan humain. Le couvre-feu a un effet psychologique indéniable, fait rétrécir les murs de nos possibles. Je cite un ancien boss du Journal de Montréal (salut, Guy Perras) qui nous disait, dans les moments difficiles : on ne peut rien faire d’autre que mettre notre casque de fer…

J’écris ça et me revient en mémoire un passage de Femme forêt, le plus récent roman d’Anaïs Barbeau-Lavalette, inspiré par les difficultés du confinement de la première vague, en 2020…

Contrairement aux animaux qui ont les yeux de chaque côté du visage, notre champ de vision est réduit. Le regard des autres est donc, depuis longtemps, l’extension du nôtre.

D’où la nécessité de vivre en groupe.

Ceux qui s’intéressent à l’évolution de l’humain ont statué que nous étions des animaux sociaux d’abord et avant tout par vulnérabilité. Nous avons besoin des autres pour ne pas mourir.

Je relis ces jolis mots, j’encaisse le coup du couvre-feu 2.0 et je me dis que prochainement, il faudra, à hauteur d’hommes et de femmes, d’amis et de voisins, de parents et même d’inconnus, faire attention les uns aux autres.

Il faudra vivre en groupe, autrement. Encore.

Appeler nos amis, aller marcher avec eux…

Déposer un pot Mason de soupe maison sur le pas de leur porte.

Déneiger une entrée.

Écouter, aussi. Quand quelqu’un nous écoute, nous écoute vraiment, ça nous décharge de certains poids. Il n’y aura pas de pénurie de besoin d’écoute, prochainement.

La vie, c’est ça : c’est nous, c’est les liens qu’on tisse entre nous. C’est pas le moment d’arrêter de les tisser, ces liens. Il faudra assouvir ce besoin, celui des autres, autrement.

Se serrer les coudes, ne pas céder à la démission, et pour ça, nul besoin des directives de l’État : il n’en tiendra qu’à nous.

On lâche pas.

Lisez l’article « Des non-vaccinés pourraient être privés de prestations d’emploi » Lisez la chronique « Y a-t-il un pilote dans l’avion ? »