La bonne nouvelle, dans tout ça, c’est qu’après le dernier tour de vis de Québec, on ne devrait plus trop avoir besoin d’un couvre-feu…

Tout, ou presque, ferme jusqu’à nouvel ordre : les bars, les tavernes, les casinos, les cinémas, les salles de spectacles, les gyms, les spas. Seuls les restaurants sont épargnés, mais ils doivent mettre leurs clients à la porte à 22 h.

Ça ne donne plus beaucoup de raisons de traîner dehors la nuit venue. Autant s’adonner au cocooning extrême en attendant que ça passe.

J’ai l’air de blaguer, comme ça. Mais c’est très sérieux. À quatre jours de Noël, la situation est critique.

Les cas explosent. Les hospitalisations sont en hausse. Les admissions aux soins intensifs, aussi. Tous les voyants sont au rouge.

« On est 8 millions au Québec. Et on est à la guerre. C’est la guerre en ce moment contre le virus », a prévenu le ministre de la Santé, Christian Dubé.

Il n’a pas exclu que les réveillons à 10 passent à la trappe. « On prend une journée à la fois. C’est tellement grave, ce qui est en train d’arriver. »

Pour Noël, entre vous et moi, on dirait bien que les carottes sont cuites…

Je n’avais pas envie d’écrire cette chronique. Longtemps, j’ai résisté.

Il y a quelques semaines, je préparais avec enthousiasme un reportage à l’étranger. Ce jour-là, mon patron m’a dit de ne pas trop y compter.

Pas que ça ne l’intéressait pas, ni qu’on n’avait pas les budgets, mais il y avait ce nouveau variant qui venait tout juste d’apparaître sur les écrans radars, en Afrique. Un variant au nom invraisemblable, un nom de méchant dans un film de superhéros. Omicron.

Je n’ai pas voulu l’entendre. Ma vie (presque) normale avait enfin repris son cours. Je venais de faire une razzia de linge dur. J’avais revu les collègues du bureau. J’allais retourner sur le terrain. Faire un reportage ailleurs, sur autre chose que la COVID-19, enfin. Je songeais déjà aux Fêtes.

Je m’enfonçais dans le déni, un achat de cadeau de Noël à la fois.

Je n’avais surtout pas envie de récrire ma chronique de décembre 2020. Son titre : « Annulons Noël ».

Lisez « Annulons Noël »

Mais je dois me rendre à l’évidence. Je ne peux plus fermer les yeux ni continuer à me boucher les oreilles.

Annulons Noël, encore une fois.

Cette désespérante impression de faire du surplace. De vivre le jour de la marmotte, encore et encore et encore.

Qu’est-ce que j’écrivais, à pareille date, l’an dernier ?

« Ça se présente mal. Les hôpitaux commencent à crouler sous la pression. Les cas augmentent. Les morts aussi. Épuisés, les travailleurs de la santé tombent comme des mouches. »

Un an plus tard, il y a moins d’hospitalisations – pour l’instant. Mais les soignants sont encore plus exténués. Le réseau, encore plus près du gouffre.

J’écrivais aussi qu’on n’avait pas à attendre que le premier ministre nous le dise pour faire une croix sur les fêtes de Noël. Fallait-il absolument que papa Legault nous interdise de nous réunir autour de la dinde aux atocas pour nous rendre compte que ce n’était pas l’idée du siècle ?

La même question se pose aujourd’hui. Exactement la même.

J’écrivais enfin que le fameux « contrat moral » proposé par le gouvernement, c’est avec nous-mêmes qu’il fallait le négocier. Avec notre propre conscience. Douze mois plus tard, ça n’a pas changé.

Parce qu’on a beau être fatigués-tannés-écœurés, on a beau brûler d’envie de prendre une pause, on reste en pandémie. Et, comme en décembre 2020, personne n’a envie que le prochain rassemblement familial ait lieu au cimetière.

Dans un élan d’optimisme qui m’apparaît désormais fort naïf, j’écrivais aussi, il y a un an, que ce serait le seul Noël moche avant l’arrivée du vaccin. Le seul Noël sacrifié pour la cause.

J’avais tort. Le vaccin est arrivé, mais il faut annuler un second Noël. Ou du moins, revoir nos plans à la baisse.

J’étais dans le champ, mais ce n’est plus le temps d’être orgueilleux, comme dirait François Legault. On nous le répète depuis le début : ce virus est imprévisible. Il mute. La bête se transforme, et nos anticorps ne la reconnaissent plus.

C’est contre ce virus mortel qu’il faut concentrer nos énergies. Pas contre Horacio Arruda, devenu le souffre-douleur d’un peuple excédé, ni contre François Legault, qui nous demande une trêve.

Ce n’est plus le temps de s’engueuler. Notre gouvernement, comme à peu près tous les gouvernements de la planète, a été pris de court par l’attaque fulgurante d’Omicron.

Le méchant du film de superhéros avait un pouvoir secret : il était méga-hyper-contagieux.

On ne l’avait pas vu venir. Du moins, pas avec autant de force. Mais il est parmi nous, désormais. Il s’apprête à faire des ravages. Ça ne sert à rien de blâmer les dirigeants. Enfin, faites-le si ça peut vous défouler, mais respectez les consignes sanitaires. On n’en sortira pas, sinon.

Je sais, je me répète. Ça me désespère d’avoir à récrire la même chronique, une fois de plus.

Mais ce n’est plus le temps d’être dans le déni.