La planète brûle, ça se tire dessus dans les rues de Montréal, on manque d’employés partout, nos écoles continuent à produire des analphabètes fonctionnels et les infirmières sont encore pressées comme des citrons à grands coups de TSO…

Mais notre PM vient de nommer un ministre responsable du retour des Nordiques à Québec. Et pas n’importe quel ministre, un des plus importants du Cabinet, le ministre des Finances lui-même, Eric Girard.

OK, je suis un peu de mauvaise foi : on peut patiner et mâcher de la gomme en même temps. Je le sais bien. Mais un PM possède un capital « politique », petit ou grand, selon les circonstances. Il doit choisir judicieusement où il le dépense.

Stimuler la pratique du hockey au Québec, le retour des Nordiques, envoyer plus de Québécois dans la LNH : ce fut le grand slapshot politique de François Legault, la semaine dernière.

Ça a fait de belles images, pas de doute. Le PM en bleu-blanc-rouge, sur la glace du Centre Bell, filmé de très, très, très près, au point que je me suis demandé si on ne voulait pas maquiller le fait que le PM semble patiner légèrement sur la bottine…

Comment ?

Si je me moque du coup de patin du PM ?

Mais non, mais non. J’ai perdu de ma superbe sur la glace, moi aussi. Je suis comme une vieille chanteuse qui n’ose plus chanter dans la douche parce qu’elle souffre de savoir ce qu’elle a perdu, je suis mal placé pour parler du coup de patin de quiconque. Je n’ose plus aller à la patinoire du parc du quartier.

Je ne me moque pas du coup de patin du PM : je me moque de la tentative de maquillage de ce fait-là.

Mais pas de doute : gros coup de pub, grosse éclipse médiatique, jeudi et vendredi derniers, avec François Legault qui s’attaque à l’urgent problème national du hockey du terroir, patins aux pieds, nu-tête sur la glace du Centre Bell.

Reste que j’ai beau chercher, je ne vois pas dans quel univers parallèle la pérennité du hockey québécois peut être dans les 745 priorités d’un premier ministre du Québec.

Pousser les Québécois à faire DU sport ? OK, parfait, c’est bon, le sport. J’en suis. Mais mettre son capital « politique » au service d’UN sport ? Viser à envoyer plus de Québécois dans la LNH ? Mettre un ministre sur le cas du retour des Nordiques ?

Là, on est dans le marketing politique.

On est aussi dans la diversion.

La diversion est une feinte universelle en politique. Quand ça va mal, hop, faites illusion et changez le sujet de la conversation. Trouvez un épouvantail, chantez les louanges de la Nation, qu’importe…

Pas que ça aille mal pour le PM, il marche encore sur les eaux. Les sondages lui donnent plus de sièges aux prochaines élections, dans moins d’un an. On chuchote même un scénario à 100 sièges, ce qui n’est plus de l’ordre de marcher sur les eaux : on est dans la lévitation, carrément.

Mais quand même, des petits nuages apparaissent à l’horizon : la grogne sur le troisième lien à 10 milliards commence à enfler, le plan pour rapatrier des infirmières avec des primes de 15 000 $ ne fonctionne manifestement pas, l’affection du PM pour la gouvernance par décrets est de plus en plus « malaisante » et l’enquête de la coroner sur les décès de la première vague en 2020 montrent les contours de quelque chose comme un manque de préparation dans les officines ministérielles de l’époque…

J’aime le hockey, ne vous y trompez pas. Ce sport m’a beaucoup apporté. Mais je ne vois pas pourquoi l’État se met le nez dans la pérennité du hockey, notre-sport-national.

Pourquoi le hockey ?

Pourquoi pas le soccer, le rouli-roulant, la balle-molle, le basket, le ski de fond, la gymnastique, la marche rapide ?

Pourquoi pas tous les sports ?

Oui, oui, je sais : le-hockey-est-notre-sport-national. C’est juste que j’ai la curieuse impression que, pour M. Legault, ça a plus à voir avec « national » qu’avec « hockey »…

Voyez l’affiche sur son lutrin, au Centre Bell : LE HOCKEY, NOTRE FIERTÉ, « notre », comme dans « Nous », et le « Nous », la CAQ en a le monopole.

Elle veut le garder.