Par manque d’accès à de l’eau potable et à cause de problèmes d’évacuation des eaux usées, les villages d’Akulivik, d’Inukjuak et de Puvirnituq, situés sur la baie d’Hudson, au Nunavik, doivent fermer leurs écoles ces jours-ci. Et à Aupaluk, sur la baie d’Ungava, on a dû se résigner la semaine dernière à faire venir par avion des caisses d’eau potable pour les habitants.

« Toutes les maisons ont reçu une bouteille de cinq gallons il y a quelques jours. Et on planifie de répéter le tout dans les prochains jours », expliquait le maire d’Aupaluk, David Angutinguak, jeudi.

Comme presque tous les 14 villages du Nunavik, Aupaluk, qui compte environ 250 habitants, n’est pas desservi par un réseau de distribution d’eau et d’égout. Des camions approvisionnent chaque maison en eau et viennent retirer les eaux usées le plus régulièrement possible. Aupaluk puise son eau dans une rivière voisine et l’achemine dans sa station de purification, où elle est traitée. Mais l’hiver, avec le gel, il est impossible de pomper l’eau, explique M. Angutinguak.

Notre réservoir permet de tenir environ trois mois.

David Angutinguak, maire d’Aupaluk

Depuis le 1er mai, parce que le niveau du réservoir est trop bas à Aupaluk, la municipalité utilise sa déneigeuse et ouvre un chemin jusqu’à un lac situé à environ trois kilomètres de la municipalité. Le seul camion d’eau du village va y pomper directement de l’eau qui est « livrée à l’école de même qu’aux résidences des habitants sans passer par la station de filtration et purification », indique par courriel la directrice générale de la commission scolaire Kativik Ilisarniliriniq, Harriet Keleutak.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Au Nunavik, nombre de maisons sont approvisionnées en eau à l’aide de camions.

Cette eau ne peut être consommée. « Elle est brune. Elle ne sent pas bon. Elle peut causer des diarrhées. Certaines personnes ont aussi des problèmes de peau », affirme M. Angutinguak, qui déplore que cette situation « dure depuis des années ». Selon lui, la solution réside dans la construction d’un nouveau réservoir plus gros, permettant de tenir plus de trois mois. Des plans sont déjà prêts, dit-il. « Mais on est une petite communauté. On n’est pas vraiment une priorité », affirme M. Angutinguak. Déjà, le projet qui devait voir le jour en 2025 a été repoussé à 2026 par l’Administration régionale Kativik (ARK), selon M. Angutinguak. « Les gens sont épuisés et tannés de ce système », affirme le maire.

À l’ARK, on indique que si on a pensé au départ que le réservoir d’Aupaluk était vide, c’est finalement deux bris mécaniques, dont un d’une pompe, qui étaient en cause et qui ont été réparés vers la fin de la semaine dernière.

« Un irritant majeur »

L’accès aux services d’approvisionnement en eau potable et à l’évacuation des eaux usées est « un enjeu permanent au Nunavik, selon Mme Keleutak. Pour le secteur de l’éducation, cette situation a donc un impact direct sur la continuité des services. De plus, cela affecte aussi la rétention des employés. »

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La plupart des villages du Nunavik ne sont pas desservis par un réseau de distribution d’eau et d’égout.

Président de l’Association des employés du Nord québécois, Larry Imbault affirme que le manque d’eau est « un irritant majeur pour les travailleurs, mais aussi pour les résidants ».

Déjà, on a des enjeux de rétention. La moitié des enseignants sont non qualifiés. Ce n’est pas le temps d’ajouter un autre défi.

Larry Imbault, président de l’Association des employés du Nord québécois

M. Imbault dit avoir alerté les autorités dès 2019 des problèmes majeurs d’eau au Nunavik. « Mais ça ne s’améliore pas, loin de là […], dit-il. Elle est où, l’imputabilité ? »

En 2022-2023, les 18 écoles du Nunavik avaient dû fermer 15 jours et demi durant les huit premiers mois de l’année scolaire pour cause de manque d’eau ou de problèmes d’eaux usées. « La situation générale ne s’est pas significativement améliorée cette année », indique la commission scolaire Kativik Ilisarniliriniq.

À la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik (RRSSSN), on reconnaît que « l’accès à l’eau est un enjeu de santé publique de fond ». Plusieurs maisons sont occupées par plus de 10 personnes et celles-ci « n’arrivent pas à se laver quotidiennement, à faire des tâches comme du lavage ou la vaisselle, sans compter s’hydrater et s’alimenter ».

« Cela crée des problèmes d’hygiène et de salubrité, et contribue à l’insécurité alimentaire. Le risque de transmission des infections augmente », indique la RRSSSN par courriel, ajoutant que la situation crée « de l’anxiété » chez les résidants.

Au cabinet du ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, on affirme qu’une entente de 163 millions sur cinq ans a été conclue en avril 2023 pour financer les infrastructures d’approvisionnement en eau au Nunavik. Mais on précise que « le manque d’eau n’est pas une question d’argent ». « C’est plutôt une question d’entretien des équipements, de pénurie de main-d’œuvre, de l’hiver qui est très difficile, de la surutilisation des équipements », indique l’attaché de presse du ministre, Maxime Tardif.

Selon lui, l’Association régionale Kativik s’est d’ailleurs engagée auprès du gouvernement à « produire un plan de gestion des infrastructures » de l’eau. Pour M. Imbault, « il est temps qu’une action concertée se mette en place pour régler le problème à long terme ».