Les doutes de la Fédération des astronomes amateurs du Québec (FAAQ) étaient fondés. Des lunettes d’éclipse vendues par Canadian Tire n’étaient pas conformes, a constaté un des auteurs de la norme ISO 12312-2.

Ce qu’il faut savoir

  • Des lunettes vendues chez Canadian Tire laissaient passer plus de lumière que ce que prévoit la norme ISO 12312-2.
  • Les lunettes non certifiées peuvent augmenter le risque de blessure aux yeux qui surviennent généralement 12 heures après l’exposition, indique le Dr Ralph Chou.
  • Certaines lunettes vendues à la Maison de l’Astronomie n’étaient pas certifiées non plus.

« J’ai reçu un certain nombre d’échantillons de ce produit à tester, et les mesures de transmission ne sont pas conformes aux exigences de la norme. Ils laissent donc passer plus de lumière que ce que prévoit la norme ISO », dit à La Presse le professeur d’optométrie et de sciences de la vision à l’Université de Waterloo et un des auteurs de la norme, le Dr Ralph Chou.

« En fait, lorsque vous regardez le soleil à travers ces filtres, vous constatez que l’image du soleil est plus brillante que ce que vous obtiendriez avec des filtres conformes à la norme », ajoute le professeur.

Les lunettes vendues chez Canadian Tire étaient mauves avec la mention « Solar Eclipse ». Sur une des branches, on pouvait y lire « NASA Approved », soit « approuvé par la NASA ».

L’étiquetage des lunettes n’était pas conforme à la norme non plus. On aurait dû y retrouver des éléments d’information, dont le nom et l’adresse du fabricant.

Il existe aussi un langage spécifique concernant les messages d’avertissement qui doivent être apposés sur le produit. Si vous n’avez pas tous ces éléments d’information, alors le produit ne répond pas aux exigences d’étiquetage de la norme.

Le Dr Ralph Chou, un des auteurs de la norme ISO 12312-2

La Fédération des astronomes amateurs du Québec (FAAQ) avait fait part de ses doutes dans les dernières semaines sur la qualité de certaines lunettes vendues chez Canadian Tire.

De son côté, Canadian Tire soutient avoir examiné les pièces justificatives fournies par ses fournisseurs. « Les lunettes pour éclipse solaire vendues dans nos magasins ont été testées indépendamment par un laboratoire tiers qui confirme qu’elles sont conformes aux exigences de la norme ISO 12312-2 : 2015 », a déclaré la directrice des communications de Canadian Tire, Cindy Hoffman.

De possibles dommages aux yeux ?

Le professeur estime que les lunettes vendues par Canadian Tire protègent suffisamment les yeux si une personne regarde brièvement le soleil à travers ce filtre. « Mais si une personne regarde le soleil à travers le filtre pendant une période prolongée, il est possible qu’elle atteigne un niveau d’exposition dangereux », dit-il.

En cas de blessure aux yeux, les personnes peuvent noter une zone grise, de distorsion ou de flou intense localisée dans le centre de la vision, indique le Dr Chou. Ces types de problèmes surviennent généralement dans les 12 heures suivant l’exposition.

Si les personnes n’ont rien vu de tel, il est peu probable qu’elles aient eu des problèmes.

Le Dr Ralph Chou, un des auteurs de la norme ISO 12312-2

La norme ISO 12312-2 a été élaborée en remplacement d’une norme européenne qui avait été mise en place après l’éclipse solaire de 1999 en Europe. « Les Européens étaient préoccupés par la possibilité d’avoir des produits pour regarder le soleil qui ne protégeaient pas correctement », se remémore le Dr Chou. Le spécialiste faisait partie du comité technique chargé de mettre à jour cette norme.

Des lunettes non conformes à la Maison de l’Astronomie

Certaines lunettes, vendues à la Maison de l’Astronomie à Montréal, sont visuellement identiques à celles vendues chez Canadian Tire. Bien qu’elles n’aient pas été testées par son laboratoire, le professeur Chou précise que ce modèle n’a tout simplement « pas été approuvé par une quelconque organisation ».

Appelé à réagir, Richard Sansregret, de la Maison de l’Astronomie, confirme que certaines lunettes vendues n’étaient pas certifiées. « On a eu une petite batch de celles-là. Elles avaient une assez bonne densité, mais n’étaient pas certifiées parce qu’il n’y avait pas toute l’information dedans. On n’a pas eu vraiment de problèmes avec ça », dit-il. Il n’a pas été en mesure de nous dire combien d’exemplaires ont été vendus.

M. Sansregret précise qu’au total, sept variétés de lunettes, provenant de différents distributeurs, ont été vendues. Il soutient que l’entreprise a vérifié chaque paire de lunettes individuellement à l’aide d’une lampe halogène pour confirmer qu’elles étaient suffisamment sombres.