Le travailleur humanitaire canado-américain qui est mort dans une frappe de l’armée israélienne, lundi dernier, était originaire de la municipalité de Saint-Georges, en Beauce. Jacob Flickinger venait d’avoir un fils avec sa conjointe. Les proches du Québécois ont rendu hommage mercredi à un homme engagé, toujours prêt à soutenir les plus vulnérables, même au péril de sa vie.

« Jacob, c’était un gars qui trouvait toujours des solutions à tous les problèmes. Il aimait beaucoup aider les gens, c’était un vrai passionné. C’est tellement triste de perdre un homme comme lui », lance Jonathan Duguay, ami et confident de Jacob Flickinger.

Ce dernier, âgé de 33 ans, faisait partie des sept travailleurs humanitaires travaillant pour l’organisme World Central Kitchen (WCK), une organisation venant en aide au peuple palestinien pour le ravitaillement en nourriture dans la bande de Gaza, qui ont été tués par une frappe aérienne israélienne, lundi dernier.

M. Duguay, qui est aussi impliqué avec WCK, se souviendra d’un homme foncièrement positif et bon. « Il avait toujours un sourire aux lèvres, peu importe où on était dans le monde. C’était vraiment une bonne personne, un bon père de famille, il avait les valeurs à la bonne place. »

Membre du 22Régiment pendant plus de 10 ans, avec un passage en Afghanistan, M. Flickinger avait un petit garçon âgé de un an à peine avec sa conjointe Sandy. Il vivait avec eux au Costa Rica depuis deux ans. Il avait auparavant vécu à Saint-Georges, sa ville natale, ainsi qu’à Stoneham, tout près de Québec.

« La guerre vient de prendre un nouveau symbole pour les citoyens de la Beauce », a dit mercredi le député caquiste de Beauce-Sud, Samuel Poulin, en se rappelant « un homme de cœur et courageux, présent pour aider les civils et les enfants ». « Les mots nous manquent devant autant d’horreur. La guerre touche aussi des innocents et des humanistes », a ajouté le député.

Des fonds pour ses proches

Avec le père du défunt, John Flickinger, Jonathan Duguay a lancé mercredi une campagne de sociofinancement pour soutenir ses proches. Tous les fonds recueillis serviront à aider la famille à « se reconstruire » et « pour subvenir temporairement à ses besoins, mettre en place un fonds fiduciaire pour son petit garçon et prendre en charge tout coût associé aux funérailles ».

Peu après, les témoignages rendant hommage à M. Flickinger ont commencé à affluer, mercredi, sur les réseaux sociaux. « Mon fils, Jacob, a été tué lundi en livrant de l’aide alimentaire aux familles affamées à Gaza. Il est mort en faisant ce qu’il aimait et en servant les autres grâce à son travail », s’est souvenu non sans émotion John Flickinger, sur Facebook.

Il laisse dans le deuil sa compagne et son fils en bas âge. S’il vous plaît, aidez-les si vous le pouvez alors que nous traversons cette tragédie déchirante.

John Flickinger, père de Jacob Flickinger

En entrevue à Radio-Canada, sa mère, Sylvia Labrecque, a dit souhaiter que son fils « n’ait pas été tué en vain ». « J’espère vraiment que son départ ne passera pas sous silence. Que ce soit d’arrêter la tuerie, d’arrêter la violence, que ce soit de retourner tous les otages à leur famille. Il faut qu’à un moment donné, cette fichue guerre ait quelque part une fin », a-t-elle dit.

« Tu m’as appris à être lumière. Tu m’as fait comprendre la différence entre les paroles et les actions. Tu m’as inculqué une philosophie intransigeante. Merci d’avoir fait partie de ma vie. Tu es un héros », s’est également remémorée Cendrine White, une amie du défunt qui l’avait rencontré en 2019 à une conférence sur le survivalisme.

Blogueur et animateur, Pierre Lefebvre avait de son côté côtoyé l’homme comme cameraman, lors d’un voyage de chasse au Yukon. « Jacob est un exemple de courage et de force. Une forme physique exceptionnelle et une volonté d’aider son prochain de façon héroïque », a écrit M. Lefebvre mercredi.

« Dire que je t’ai appelé en fin de semaine pour avoir de tes nouvelles. […] Maudite guerre. C’est toi qui as influencé ma musique du début de chacun de mes films », a ajouté M. Lefebvre, visiblement ému.

Des réponses exigées

Tout cela survient alors que les corps des travailleurs humanitaires sont arrivés mercredi en Égypte afin d’être rapatriés dans leurs pays respectifs. C’est « une grave erreur » qui « n’aurait pas dû se produire », a par ailleurs reconnu le chef de l’état-major israélien, Herzi Halevi, en évoquant « une mauvaise identification » dans des « conditions très complexes ».

La veille, le président israélien, Isaac Herzog, avait présenté ses excuses, son premier ministre Benyamin Nétanyahou évoquant une frappe tragique. WCK, de son côté, a annoncé suspendre ses activités dans la région.

Au Canada, des représentants du gouvernement ont eu des discussions avec l’ambassadeur de l’État hébreu à Ottawa au sujet de la frappe israélienne, a confirmé mercredi Justin Trudeau. « Nous avons exprimé, comme je l’ai dit, notre consternation par rapport aux morts inacceptables de travailleurs humanitaires », a-t-il dit.

De l’autre côté du globe, le premier ministre australien, Anthony Albanese, a quant à lui exprimé sa « colère et [sa] préoccupation » à son homologue israélien, la Pologne ayant annoncé convoquer l’ambassadeur d’Israël pour discuter de « responsabilité morale, politique et financière » d’Israël.

La veille, le Royaume-Uni avait annoncé convoquer l’ambassadeur d’Israël afin d’exprimer sa « condamnation sans équivoque » de la frappe israélienne. L’ONU a quant à elle dénoncé un « mépris du droit humanitaire international ».

Le président américain, Joe Biden, s’est aussi dit indigné, estimant qu’Israël ne protège pas assez les personnes venant en aide à la population palestinienne affamée. Un responsable américain a fait savoir mercredi soir que le président Biden et le premier ministre Nétanyahou auraient une conversation téléphonique ce jeudi.

Avec l’Agence France-Presse et Mélanie Marquis, La Presse

Ils ont dit

« Il a été tué pendant qu’il livrait de la nourriture à des civils dans le besoin, et sa mort est absolument inacceptable. À l’heure où il y a un besoin urgent d’aide humanitaire à Gaza, Israël a l’obligation de veiller à la sécurité des travailleurs humanitaires. Le monde entier – et ses proches – mérite de savoir pourquoi cela s’est produit. »

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« Ce décès s’ajoute à ceux de plus de 30 000 personnes à Gaza, la très grande majorité des civils, incluant des milliers d’enfants, dans un carnage qui se doit d’être dénoncé à titre de crime de guerre. »

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois (PQ)

« Un Québécois tombe à Gaza. Une autre victime innocente d’une guerre devenue un véritable massacre de civils. Il faut un cessez-le-feu immédiat. La paix, maintenant. »

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire (QS)

« C’est une autre innocente victime qui s’ajoute au bilan meurtrier et ignoble de l’armée de Nétanyahou. »

Ruba Ghazal, députée solidaire de Mercier

« Je suis choqué par cette frappe qui a coûté la vie au Québécois Jacob Flickinger, qui œuvrait comme travailleur humanitaire à Gaza. Je suis de tout cœur avec sa famille à qui j’offre mes plus sincères condoléances. »

André A. Morin, député libéral de l’Acadie

Qu’est-ce que World Central Kitchen ?

World Central Kitchen (WCK) est un organisme à but non lucratif fondé en 2010, par le restaurateur américain José Andrés, dans la foulée du tremblement de terre d’Haïti en janvier de cette année-là. Depuis, le groupe a fourni de l’aide alimentaire en Turquie, en Syrie, en Ukraine, dans la bande de Gaza et dans plusieurs autres endroits du globe en proie à des guerres ou encore des catastrophes naturelles. Sur son site web, WCK affirme que son travail « est guidé par [sa] conviction que l’alimentation est un droit humain universel ». En juin dernier, un travailleur humanitaire du groupe avait aussi été tué lors d’une frappe russe à Kharkiv, en Ukraine. Deux travailleurs humanitaires, dont l’un était canadien, avaient aussi été tragiquement tués en septembre 2023 par une frappe russe ayant touché leur véhicule lors d’un déplacement, avait annoncé le groupe Road to Relief, qui vient en aide à la population affligée par l’invasion russe.

En savoir plus
  • 196
    Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, 196 travailleurs humanitaires ont été tués, dont 175 de l’ONU, selon son secrétaire général, António Guterres.
    Source : AFP