Un an après la fermeture du chemin Roxham, le Canada reçoit plus de demandes d’asile. Le nombre est relativement stable au Québec, mais explose en Ontario.

Ce qu’il faut savoir

La fermeture du chemin Roxham n’a pas produit l’effet escompté.

Au Québec, le nombre de demandes d’asile est relativement stable, si on compare les deux premiers mois de 2024 avec ceux de 2023.

L’Ontario est la province qui accueille désormais le plus grand nombre de demandeurs d’asile au Canada.

Une comparaison des données du gouvernement fédéral des deux premiers mois de 2024 avec ceux de 2023, quand Roxham était encore ouvert, montre que le nombre total de demandes d’asile est passé de 20 530 à 31 255.

Au Québec, il a légèrement baissé, de 13 390 à 11 865. Mais il a pratiquement triplé en Ontario, passant de 5600 à 15 585, tant et si bien que la proportion des demandeurs d’asile accueillis par les deux provinces s’est inversée : la part du total canadien accueillie par le Québec est passée de 65 % au début de 2023 à 38 % pour les deux premiers mois de 2024. Pour l’Ontario, de 27 % à 49 %.

Derrière ces totaux, on retrouve des changements importants dans le flux des demandeurs d’asile.

Les autorités fédérales distinguent deux grandes catégories de demandeurs d’asile, ceux qui font leur demande en arrivant au Canada, soit en avion, soit par la frontière terrestre, gérés par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), et ceux qui font une demande une fois qu’ils sont au pays, par exemple des étudiants étrangers ou des touristes, gérés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).

Les demandes d’asile déposées aux points d’entrée ont baissé dans l’ensemble canadien, de 13 365 à 11 925. Avec une forte baisse au Québec, de 11 415 à 6940, et une hausse en Ontario, de 1700 à 4470.

Cela s’explique par l’effet Roxham, qui a fortement touché les entrées par voie terrestre, qui sont passées de 10 490, pour les deux premiers mois de 2023, à 2995, en 2024. C’est bien sûr le Québec qui a profité de ce changement avec une très forte baisse des arrivées de ce type, de 9505 à 1755, le nombre restant faible et stable en Ontario, de 835 à 960.

Il est à noter que la fermeture du chemin Roxham n’a pas eu une conséquence redoutée par de nombreux experts, soit le risque pour la santé en cherchant d’autres façons de franchir la frontière à pied. Il y a eu des drames, mais ils ne concernaient pas des personnes qui tentaient d’entrer au Canada, mais plutôt des personnes qui sortaient du pays pour pénétrer illégalement aux États-Unis.

Cette baisse des entrées terrestre a été en partie compensée par les arrivées par avion, et donc de demandeurs provenant d’autres pays, notamment du Mexique. Ces entrées aériennes ont triplé au Canada, passant de 2860 à 8925. La hausse a été forte tant au Québec, de 1910 à 5180, qu’en Ontario, de 860 à 3510. La proportion des arrivées au Québec a ainsi un peu baissé, mais elle reste forte, passant de 67 % en 2023 à 58 % en 2024.

Renversement de tendance

Mais il y a eu un autre grand changement : les demandes d’asile faites sur le site d’IRCC par des étrangers déjà sur le territoire canadien, où il y a littéralement eu une explosion, de 6820 en 2023 à 19 045.

Et dans leur cas, c’est l’Ontario qui est le principal lieu de résidence. Au Québec, le nombre de ces demandeurs d’asile est passé de 1890 à 4900. En Ontario, il est passé de 3835 à 11 045.

Le renversement de tendance est important. Au début de 2023, ces demandeurs sur place étaient deux fois moins nombreux que ceux qui avaient réclamé l’asile à leur entrée au pays, 6820 contre 13 365. En 2024, ils sont devenus la principale voie d’accès à l’asile, une fois et demie plus importante que les entrées à la frontière terrestre, 19 045 contre 13 365.

Un grand nombre de ces demandes sont déposées par des étrangers qui sont entrés au Canada avec un visa de visiteur ou un permis d’études.

Selon des données fédérales transmises à La Presse, 2595 détenteurs d’un permis d’études ont demandé l’asile au Québec, l’an dernier. Ce nombre a triplé par rapport à 2022.

Les « options » du Québec

Par ailleurs, la ministre de l’Immigration du Québec, Christine Fréchette, a réagi au dernier décompte de Statistique Canada, diffusé mercredi, du nombre de résidents non permanents au 1er janvier 2024. Elle a redemandé à son vis-à-vis fédéral de mieux répartir les demandeurs d’asile au pays, dont le nombre était estimé à 176 733, au Québec, en 2023, sur un total canadien de 329 000. Ce chiffre englobe toutefois les demandeurs d’asile qui ont obtenu le statut de réfugié et ceux dont la demande a été rejetée ou abandonnée.

« On a reçu les chiffres de Statistique Canada et ces chiffres nous indiquent qu’au 1er janvier 2024, il y avait 176 000 demandeurs d’asile au Québec, ce qui représente 54 % des demandeurs d’asile de l’ensemble du Canada », a indiqué la ministre.

Clairement, il faut que le fédéral prenne ses responsabilités et répartisse les demandeurs d’asile dans le Canada, dans les autres provinces.

Christine Fréchette, ministre québécoise de l’Immigration

Talonné au Salon bleu par Paul St-Pierre Plamondon, François Legault a affirmé que « l’approche » de son gouvernement est de « négocier » avec Ottawa. « Quelles sont vos prédictions pour le premier trimestre de 2024 ? Quelles sont les prédictions du premier ministre ? Est-ce que ça va continuer d’augmenter ? Est-ce qu’on va atteindre un quelconque résultat auprès d’Ottawa ? », a demandé le leader péquiste, pressant le premier ministre de préciser ses « options » en cas de refus.

M. Legault doit bientôt déposer un « plan » pour faire connaître les « options » de son gouvernement pour réduire l’immigration temporaire au Québec. Il faut rappeler qu’il contrôle déjà une bonne part des résidents non permanents admis sur le territoire, notamment les étudiants étrangers et les travailleurs du programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).

Avec la collaboration de Fanny Lévesque, La Presse

En savoir plus
  • 174 200
    Nombre d’immigrants temporaires qui se sont ajoutés à la population du Québec en 2023.
    Institut de la statistique du Québec
    22 %
    Poids démographique du Québec dans l’ensemble canadien.
    Institut de la statistique du Québec