Une demande d’autorisation d’action collective vient d’être déposée contre Meta par l’animatrice québécoise Marie-Claude Barrette concernant de fausses nouvelles qui visent les personnalités québécoises et qui sont liées à des stratagèmes de fraude. « Nous agissons pour le compte de personnes influentes qui ont eu une atteinte à leur réputation », signale MGérald Samet, avocat représentant les demandeurs devant la Cour supérieure du Québec.

Escroquerie

Le modus operandi utilisé par les fraudeurs consiste à acheter un espace publicitaire sur les plateformes de Meta, dont Facebook et Instagram, pour y afficher une information inattendue concernant une personne connue, note MSamet. « Ça incite les usagers à cliquer et ça mène à une page qui ressemble au site de La Presse, mais avec un article complètement falsifié. » Le faux article explique comment la personne s’est prétendument enrichie grâce à des investissements dans les cryptomonnaies ou des actions. « Des gens ont ensuite investi des sommes d’argent dans un programme qui est une escroquerie », dit MSamet.

« Gummy bears » au cannabis

Sylvain Paquette, président, formateur en gestion et prévention de la criminalité financière à l’Académie de formation et de prévention de la fraude, a agi comme expert dans cette demande d’action collective. Il note que les fraudeurs ont trois façons d’essayer d’arnaquer les gens. « Une arnaque consiste à prétendre vendre un produit, comme des ‟gummy bears” de cannabis, pour ensuite utiliser les informations de carte de crédit pour frauder. Une autre est de faire remplir un formulaire d’investissement et d’ensuite contacter la personne pour lui suggérer d’investir dans la crypto ou les actions. Ou encore les fraudeurs accompagnent des gens qui veulent ouvrir un compte pour acheter de la crypto et ensuite pirater leur compte. » M. Paquette signale que les fraudeurs proviennent généralement d’Europe de l’Est, mais qu’ils ont de l’aide au Canada et aussi, sans doute, au Québec.

Somme volée

L’un des codemandeurs est John Viens, un homme de la Beauce qui a été convaincu par des articles frauduleux d’investir son argent et qui s’est fait voler la somme de 3500 $ alors qu’il croyait investir dans les cryptomonnaies. « Ce montant représente une somme importante pour John étant donné ses revenus faibles, alors qu’il ne bénéficie que d’une petite retraite, note la demande. John n’est pas le seul à avoir été abusé de cette façon et se trouve être une victime directe de cette fraude par la perte financière qu’il subit, le stress et les tracas moraux suscités par ce vol d’argent. »

« Couvrir la fraude »

Meta a signalé que les modalités régissant son service de publicité n’avaient pas été enfreintes et donc, qu’à ses yeux, elle n’est pas responsable des problèmes signalés. Me Gérald Samet note que les normes de Meta disent « noir sur blanc » que les publicités doivent être transparentes et vérifiées. « Ils couvrent la fausse information et ils couvrent aussi qu’il y a un lien qui va vers un article falsifié. Ils vont devoir justifier pourquoi tout cela est toléré par leur plateforme », dit MSamet, qui signale ne pas être le seul à faire cette demande d’action collective contre Meta et qui croit qu’un rapprochement entre plusieurs demandeurs est envisageable.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

L’animatrice Marie-Claude Barrette

Dommages collatéraux

Bruno Guglielminetti, animateur de la balado d’actualité numérique Mon carnet, note qu’il est « intéressant » de voir une personnalité québécoise prendre le problème à bras le corps. « Aussi, une personne flouée a décidé de ne pas avoir honte et à défaut de pouvoir atteindre les criminels eux-mêmes, je trouve ça remarquable qu’ils aillent vers Meta. Ça va conscientiser le Québec sur le fait qu’il y a des fraudes perpétrées sur Facebook et Instagram, mais aussi sur TikTok. » M. Guglielminetti déplore aussi que l’image des médias traditionnels, comme La Presse, soit malmenée dans toute cette affaire. « Les médias ont des difficultés d’image après la pandémie et on voit qu’ils sont un peu un dommage collatéral de cette fraude », dit-il.

« Aveuglement volontaire »

Sylvain Paquette est d’avis que Meta doit prendre le dossier au sérieux. « Il y a des personnalités publiques qui n’ont rien demandé et voient leur image entachée, et Meta ne lève pas le petit doigt. Meta est capable de cibler les messages antivax, de détecter et de bloquer la pornographie juvénile dans Messenger et de bloquer les liens vers des médias d’information canadiens. Mais ils ne sont pas capables de faire respecter leurs propres normes en matière de publicité ? À mon avis, il y a de l’aveuglement volontaire là-dedans », dit-il.