François Cardinal vous a demandé le 28 janvier dernier si vous pratiquez l’humilité intellectuelle, si vous cherchez à écouter et comprendre les positions contraires aux vôtres. Les réponses ont été nombreuses. En voici un aperçu.

Lisez le calepin de l’éditeur adjoint sur l’humilité intellectuelle Écrivez à François Cardinal

Pratique quotidienne

Je pratique chaque jour l’humilité intellectuelle en lisant La Presse. Que ce soit Patrick Lagacé ou Francis Vailles, pour ne nommer que ces deux-là, ils viennent me confronter dans mes idées et opinions. Comme je me dis souvent : j’aime les haïr et j’haïs les aimer !

Pierre Coutu

Arguments et nuance

Je n’ai aucune humilité intellectuelle, malheureusement. Je peux vous assurer que je ne cherche pas les points de vue différents des miens, mais si, par hasard, je tombe dessus, je vais lire ou écouter attentivement. Si je suis honnête, c’est surtout pour trouver de nouveaux arguments pour renforcer ma thèse, mais il est arrivé que malgré moi et sans changer de point de vue totalement, j’ai réussi à nuancer ma position. Il y a probablement de l’espoir pour les journalistes…

Lorraine Lemay

Ces liens sociaux qui nous unissent

C’est vrai qu’on réfléchit à nos positions politiques de façon identitaire. On suit notre gang !

J’aurais envie d’ajouter que, dans ce contexte, c’est d’autant plus difficile d’assumer sa propre position, car elle peut entraîner un rejet de la part de son groupe d’appartenance. L’humain, comme créature sociale, préfère peut-être ne pas mettre en péril des liens sociaux qui lui sont chers…

Sur l’idée de s’exposer à la pluralité des opinions, je me permets un petit partage personnel. Je suis un jeune prof au secondaire. C’est donc dire que pendant mes années d’études à Montréal, j’étais dans une bulle que certains qualifieraient de « woke ». D’autant que j’ai beaucoup fréquenté les associations étudiantes, où les positions de tout un chacun sont parfois différentes bien sûr, mais en général assez à gauche.

Au début de ma carrière, de retour en région et exposé aux opinions variées des ados devant moi, j’en ai vécu, des chocs d’idées ! Les cultures familiales de mes élèves sont riches et variées, mais surtout, elles ne proviennent pas de la même « bulle universitaire » que moi.

Des débats réglés depuis longtemps pour moi se sont mis à refaire surface ! Plus encore, la posture du prof nous force à écouter le discours de l’autre (dont on est responsable) et à établir le dialogue.

Je suis donc à même de constater 1) que ce dialogue n’est pas toujours confortable et je comprends ceux qui préfèrent l’éviter, mais 2) qu’on regrette rarement de l’avoir fait. On parvient parfois à convaincre quelqu’un du bien-fondé de notre position, on arrive à nuancer la nôtre et, surtout, on arrive à tisser le lien de confiance qui nous unit, et ce, malgré nos différends.

Je nous souhaite donc collectivement d’arriver à le faire entre concitoyens !

Antoine Côté

Une question à se poser

Durant ma longue carrière de gestionnaire, j’ai eu ma part de discussions sur des sujets polarisants avec des collègues, où les émotions pouvaient être vives.

Mais j’ai heureusement découvert tôt qu’en me posant obligatoirement une question, j’arrivais souvent à devenir un interlocuteur productif.

Cette question est : « En quoi cette personne a-t-elle raison ? » Je me devais de trouver par moi-même une réponse crédible et de valider avec mon interlocuteur la véracité de cette réponse.

J’y voyais immédiatement deux effets positifs : cet exercice me calmait (tout comme mon interlocuteur souvent) et me donnait un point d’appui positif dans la discussion.

Daniel Toutant

J’ai tout à apprendre

Montaigne est mon idole (avec une pointe d’exagération) et je pratique son enseignement :

« Je m’avance vers celui qui me contredit, qui m’instruit. » Cela, il me semble, depuis ma prime jeunesse, car j’ai toujours considéré que j’ai tout à apprendre puisque je n’ai pas tout vu, tout lu…

Ève-Line Pipon

Écouter, entendre, comprendre

Écouter est difficile dans un monde qui va très vite. Je fais un peu de médiation. Les malentendus, les interprétations, les suppositions font beaucoup de dommages dans les relations. Le dialogue suppose qu’on prenne le temps d’entendre l’autre point de vue. Pour s’assurer d’avoir bien entendu, la stratégie, c’est de reformuler, de dire ce que j’ai compris des propos de l’autre. Ça ralentit et ça apaise.

Pour ma part, je suis curieuse des autres points de vue et je n’aime pas m’obstiner, surtout quand je perçois des convictions fortes chez l’autre. Convaincre, ça ne me plaît pas. Je préfère comprendre ce qui motive les autres à penser comme ils pensent. Je suis souvent surprise des opinions fondées sur du vent, sur l’ignorance. Avant de se prononcer, il est sage de savoir de quoi on parle et de reconnaître aussi notre propre ignorance.

France Laurendeau

L’importance des arguments qui tiennent la route

Pour répondre à votre question, oui, je m’astreins régulièrement à me documenter sur des sujets qui a priori me rebutent ou qui m’indiffèrent tout simplement. Pour ce faire, je lis des articles contraires à mes opinions, j’écoute des balados, j’assiste à des pièces de théâtre nichées, j’écoute des conférences des Belles Heures, etc. Tout ça, pour comprendre, m’instruire, m’éduquer et valider mes opinions. Au bout de tout ça, j’estime qu’il est légitime d’émettre des opinions que je m’assure d’asseoir sur des arguments qui tiennent la route. Plusieurs de vos journalistes y sont sensibles, mais d’autres montrent un côté téflon stérile dans un contexte de dialogue je dirais.

À mon avis, l’erreur historique que nous avons faite collectivement a été de convenir tacitement que toutes les idées se valent dans un souci d’égalité très en vogue. Ainsi, n’importe quel quidam qui émet une idée sans l’avoir assise sur des arguments qu’il peut énoncer clairement, se pense dans son droit d’alimenter un débat. Avoir une opinion, ça demande du travail intellectuel et nul besoin d’avoir un doctorat pour ce faire. Être vaillant et avoir de l’humilité intellectuelle comme vous dites est suffisant pour rehausser sa pensée.

Lorraine Gauthier

Sans crainte

Un de mes proverbes favoris est : Je ne connais que l’étendue de mon ignorance.

Je pratique surtout mon humilité en observant ceux que je comprends le moins, qui ont une idée contraire à la mienne.

Féru de livres de sciences, de religions et d’histoire, je ne crains pas de lire en dehors de ces sujets ou d’aller voir ce qui pourrait être contraire (mythes, complots).

En fait, l’acquisition des connaissances est ce qui m’attire le plus, je n’ai pas peur de rencontrer des faits et discours choquants ou contraires à mes idées. Si plusieurs pouvaient agir de cette façon…

Frédéric Longpré

L’avocate du diable

Inscrite à un forum de discussion philosophique offert aux personnes de mon âge (les « vieux »), je vous dis bien humblement que la philosophie permet un recul qu’il est plus aisé d’avoir que celui de discuter d’actualité. Depuis ma tendre adolescence, je me suis toujours amusée à me faire « avocate du diable » afin de susciter le débat. Aujourd’hui, je l’avoue bien humblement, je continue à le faire, mais avec des gants blancs car rapidement le débat se cristallise. J’en arrive même parfois à préférer me taire même si cela n’est pas dans ma nature. Je suis donc tout à fait d’accord avec vous, il importe de remettre au goût du jour le bonheur de débattre en toute humilité !

Michèle Hudon

Besoin de pratique

Oui, j’aime lire des livres qui me proposent des idées nouvelles, des points de vue différents. Par contre, la qualité de mon écoute est souvent so-so.

J’aime discuter et j’accepte parfois mal qu’on me contredise. L’humilité, oui. Plus facile à dire qu’à faire… je vais pratiquer.

Denyse Roy Larouche

Il y a une limite

Je veux bien pratiquer l’humilité intellectuelle sauf dans le cas de Trump. C’est au-dessus de mes forces ! Je suis convaincue et le resterai toujours qu’il s’agit d’un individu fourbe totalement égocentrique qui n’a rien à faire en politique.

Lucie Boileau