L’homme d’affaires canado-marocain Hicham Jerando, qui dit « dénoncer la corruption » sur TikTok, Facebook et YouTube, vient d’être reconnu coupable d’outrage au tribunal pour avoir ignoré une ordonnance de la Cour supérieure du Québec le sommant de supprimer des publications diffamatoires à l’égard d’un avocat de Casablanca.

La Presse a également appris que M. Jerando est suspect dans une enquête du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour des menaces envers un juge marocain qui a rendu des décisions concernant des attentats terroristes dans les années 2000. Ce juge dit avoir reçu plusieurs menaces de mort après la diffusion d’une vidéo d’Hicham Jerando sur YouTube, en mai 2023, selon un document judiciaire obtenu par La Presse.

M. Jerando, joint au téléphone, reconnaît avoir été interrogé par les policiers à ce sujet, mais assure n’avoir jamais proféré de menaces de mort. « J’ai été chez la police et ils m’ont dit clairement que ce n’était pas des menaces de mort, mais simplement des menaces. C’est tout », affirme-t-il.

Moi, je dénonce la corruption. Je ne fais pas de menaces.

Hicham Jerando

Selon El Amine Serhani, directeur et journaliste communautaire dans un journal de la communauté marocaine qui se plaint d’avoir lui-même été victime de propos diffamatoires, les « campagnes de diffamation » de ce genre sur les réseaux sociaux sont devenues « un business pour plusieurs Marocains, Tunisiens et Algériens ».

« Ils font ça au quotidien. Ils peuvent gagner 10 000 $ par mois grâce au partage de revenus. C’est un phénomène qui est déplorable », avance-t-il.

« Désinvolture » face à la justice

Hicham Jerando, qui est administrateur de la Société de développement commercial District central, visant la relance du quartier Chabanel, à Montréal, publie régulièrement pour les 413 000 abonnés de sa chaîne YouTube, tahadi, des vidéos dans lesquelles il analyse la politique marocaine.

En juin dernier, l’avocat marocain Adil Said Lamtiri s’est plaint à la Cour supérieure du Québec d’y être la cible d’accusations injurieuses et d’insinuations de la part de M. Jerando, dans des vidéos le décrivant comme un « avocat véreux » faisant du blanchiment d’argent, de la « fuite fiscale », en plus d’être responsable de « violence domestique ».

Le tribunal a ordonné en juillet 2023 à M. Jerando de supprimer ces publications.

En réponse, M. Jerando a publié une nouvelle vidéo, en juillet, se moquant de l’ordonnance de la Cour supérieure : « Vous pensez qu’un moqqadem [un auxiliaire de l’administration, en arabe] va venir et va nous dire d’arrêter cela, enlève ça [?]. Nous sommes au Canada […], où il y a la liberté d’expression et il n’y a pas de prisonniers politiques comme au Maroc », a alors lancé M. Jerando à son auditoire.

La vidéo, vue à plus de 160 000 reprises sur YouTube, « est révélatrice de son état d’esprit et de sa désinvolture face à l’ordonnance » du Tribunal le sommant de retirer les vidéos, a tranché la juge Guylène Beaugé. Sa décision rendue le 19 janvier condamne M. Jerando pour outrage au tribunal et à payer 2000 $ d’amende.

Hicham Jerando affirme qu’il a porté cette décision en appel.

Il dit qu’il présentera à « la cour » les preuves de ses allégations de corruption.