(Montréal) Les trois personnes qui ont survécu au naufrage d’un bateau de pêche au large de la Basse-Côte-Nord, lundi, ne pensaient pas qu’elles auraient pu survivre encore bien longtemps lorsqu’un hélicoptère est venu les récupérer, selon l’un des sauveteurs.

Le chef d’équipe du 103e Escadron de recherche et sauvetage, le sergent Anthony Bullen, n’a pas eu beaucoup de temps pour discuter avec les survivants pendant le sauvetage. Lui et ses collègues de l’unité basée à Gander, à Terre-Neuve, se concentraient plutôt à faire monter à bord de leur hélicoptère les survivants et à offrir de l’aide médicale à un homme qu’ils ont vu perdre connaissance.

« Quand on a atterri à Corner Brook, ils ont tous dit qu’ils ne pensaient pas qu’il leur restait beaucoup de temps à vivre. Dès qu’ils ont vu l’hélicoptère, ils étaient très heureux de nous voir », a souligné le sergent Bullen, qui était à bord de l’hélicoptère CH-149 Cormorant qui a répondu au signal de détresse envoyé par l’équipage du « Silver Condor ».

Lorsque ses collègues et lui ont fait monter les survivants à bord de l’appareil, il a pu voir le soulagement sur leur visage.

« Ça doit vraiment être spécial de savoir que quelqu’un qui te cherche sait que tu es là et s’en vient te chercher », a-t-il mentionné.

Six personnes se trouvaient à bord du bateau de pêche lorsqu’il a coulé tôt lundi matin au large de Blanc-Sablon. Yves Jones, 65 ans, Dean Lavallée, 53 ans, et Damon Etheridge, 36 ans, n’ont pas survécu au naufrage.

Tous les survivants portaient des combinaisons d’immersion, tout comme deux des trois victimes, a indiqué M. Bullen.

« L’un (des survivants) a été légèrement blessé, mais tous les trois souffraient d’hypothermie extrême, a-t-il ajouté. L’eau s’était infiltrée dans la combinaison de certains d’entre eux, donc ils avaient froid et ils étaient épuisés. »

Recherche à l’aveugle

Le sergent Bullen et ses collègues ne savaient pas exactement vers quoi ils se dirigeaient lorsqu’ils se sont rendus sur les lieux du signal de détresse, qui a été envoyé vers 2 h 30 du matin lundi.

Toute l’information dont ils disposaient était que le signal venait d’un bateau de pêche et que six personnes se trouvaient à bord.

« Nous nous sommes habillés en chemin, avec des combinaisons étanches et des harnais, prêts à faire tout ce qui allait être nécessaire », a-t-il raconté. L’équipe avait aussi amené une pompe au cas où ils auraient pu sauver le bateau — ce qui n’a pas été le cas.

L’hélicoptère est arrivé sur place vers 6 h 15, à peu près en même temps qu’un gros cargo qui répondait également au signal de détresse.

« J’ai repéré quelqu’un en combinaison d’immersion sur le côté gauche et nous nous sommes mis en position face au vent pour le hisser, a-t-il expliqué. Je croyais qu’il y avait une personne, mais en fait, ils étaient deux. L’autre n’avait pas de combinaison.

« Et pendant ce temps, notre mécanicien a repéré une troisième personne sur la droite. »

L’autre technicien de recherche et de sauvetage à bord de l’hélicoptère a donc été descendu au-dessus de la mer agitée, au milieu des crêtes blanches qui se brisaient, pour récupérer les deux premières personnes. Ils sont ensuite retournés chercher l’autre personne qu’ils avaient repérée.

« À partir de là, nous avons simplement commencé à sortir les gens de l’eau », a indiqué le sergent Bullen.

La première personne qui a été récupérée a nécessité des soins médicaux intensifs, a-t-il déclaré, sur lesquels il s’est concentré pendant que l’autre secouriste continuait à faire monter des gens à bord.

Avec quatre personnes à bord, les deux techniciens changent de position et le sergent Bullen doit à son tour descendre.

C’est comme une deuxième nature de s’accrocher, d’être contrôlé et d’être hissé. C’est certain que dans certaines situations, ça peut être intimidant, mais vraiment, pour nous, c’est presque une seconde nature, nous le faisons très souvent.

Sergent Anthony Bullen

Il est ensuite redescendu pour vérifier l’état de la sixième personne, qui a été récupérée par la Garde côtière.

« J’espérais vraiment qu’ils pourraient faire quelque chose pour lui, parce que nous étions retenus dans l’hélicoptère pour fournir les meilleurs soins possibles à l’homme qui n’était plus conscient. »

La communauté bouleversée

La tragédie a touché tout le monde à Blanc-Sablon, une communauté d’environ 1100 habitants située à la frontière est du Québec avec le Labrador, a reconnu son maire Andrew Etheridge.

« Dean Lavallée, Yves Jones et Damon Etheridge étaient tous de grands hommes avec des familles et des proches qui pleurent aujourd’hui leur perte. Dean Lavallée était le père d’un des survivants, mais dans une petite ville, tout le monde se connaît », a écrit M. Etheridge dans un message envoyé à La Presse Canadienne.

Damon Etheridge, père de trois enfants, était quant à lui le cousin du maire.

« La pêche est un métier très dangereux. Entre les changements climatiques, la crise du coût de la vie et les changements (en matière d’assurance-emploi), ça devient une option moins viable pour gagner sa vie. Même si nous sommes nés avec l’océan dans le sang, les gens se demandent si ça en vaut encore la peine », a ajouté M. Etheridge.

« La plupart des pêcheurs vont continuer à faire leur travail, mais je suis certain que ça va en pousser quelques-uns à ne pas retourner pêcher l’année prochaine. »