Près de la moitié des incendies qui ont ravagé les forêts du Québec cette année ont été allumés par des humains – mais à leur insu. Mégots de cigarette. Feux de camp mal éteints. Machinerie industrielle. Les incendiaires volontaires, comme cet homme arrêté à Chibougamau jeudi, sont très rares, indique la SOPFEU.

Sur les 534 incendies de forêt en zone intensive répertoriés au Québec en 2023, 11 seulement ont été provoqués par des incendiaires, soit 2 %, selon les données de la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU). Et ces incendies ont brûlé 49 hectares de forêt, sur les 5,3 millions d’hectares carbonisés, soit moins de 0,001 %.

En moyenne chaque année, 19 incendies sont attribués à des personnes incendiaires, c’est-à-dire qui ont volontairement mis le feu, affirme Stéphane Caron, porte-parole de la SOPFEU.

Ces incendies ne sont pas nécessairement criminels, précise-t-il. « Ça peut aussi être des jeunes insouciants, qui font des mauvais coups, qui vont s’amuser à allumer un feu en pensant qu’ils vont être capables de l’éteindre. Et finalement, leur jeu s’avère très mauvais », illustre M. Caron.

Autre exemple : un incendie criminel dans un chalet ou une voiture, qui finit par se propager à la forêt.

Dans cette catégorie, il y a beaucoup de “malfaisants insouciants”.

Stéphane Caron, porte-parole de la SOPFEU, au sujet des « personnes incendiaires »

Qui plus est, les incendies allumés par des incendiaires le sont souvent à proximité des municipalités et provoquent moins de dégâts. « Les gens peuvent les signaler, les pompiers municipaux peuvent intervenir rapidement », détaille M. Caron.

Rappelons que Brian Paré, un Chibougamois de 37 ans, a été inculpé jeudi de deux chefs d’accusation d’incendie criminel. Les procureurs affirment qu’il aurait délibérément allumé un incendie dans une forêt entre le 8 juillet et mardi dernier, puis un deuxième dans une cabane de pêcheur « vers le 31 mai ».

PHOTO AUDREY MARCOUX, SOPFEU, FOURNIE PAR LA PRESSE CANADIENNE

Incendies de forêt à l’ouest de Chibougamau, le 4 juin dernier

Il demeurera détenu jusqu’à son enquête sur cautionnement, lundi.

Selon M. Caron, il y a très peu de chances que les incendies dont M. Paré a été accusé soient liés à l’évacuation de Chibougamau, au début de juin.

« Les feux qui ont provoqué des évacuations, ce sont ceux qui ont été allumés par la foudre lors du front de foudre du 1er juin dernier, assure-t-il. Je ne pense pas… Je serais très surpris si les policiers [nous disaient que M. Paré y est lié]. »

L’activité humaine, grande responsable

Il n’y a qu’une cause naturelle aux incendies de forêt : la foudre.

L’activité humaine, elle, est responsable de près de la moitié des incendies de forêt. Au premier plan : les mégots de cigarette lancés dans les broussailles. « ​​Chaque année, c’est environ 80 feux en moyenne qui sont déclenchés par des mégots », souligne M. Caron.

En deuxième place viennent les brûlages de rebuts, au printemps, responsables d’environ 75 incendies annuellement. « Les gens disent : j’ai échappé mon feu ! », observe le porte-parole.

Les feux de camp mal éteints, eux, provoquent une soixantaine d’incendies de forêt annuellement au Québec.

Les gens vont penser que c’est correct, mais souvent, le feu va renaître de ses cendres, ou va avoir brûlé en profondeur jusqu’aux racines d’un arbre.

Stéphane Caron, porte-parole de la SOPFEU

La machinerie industrielle – comme celle de l’industrie forestière ou encore un fil d’Hydro-Québec tombé sur le sol – compte aussi pour une soixantaine d’incendies par année. Même les trains, en raison des étincelles induites par le frottement des roues sur les rails, peuvent entraîner des feux de broussailles. « C’est environ trois feux par année, mais cet été, le grand feu au nord de Sept-Îles, il a été allumé par un train », soutient M. Caron.

Enfin, les escapades en véhicule tout-terrain (VTT) peuvent aussi virer au drame, quand ils sont stationnés dans les broussailles avec un pot d’échappement encore chaud, ou encore quand des matières organiques s’accumulent dans le moteur et finissent par s’enflammer.

Pour chaque incendie de forêt, la SOPFEU établit une cause probable, qui lui permet de tenir des statistiques à jour.

« Si certains feux nous apparaissent suspects, précise M. Caron, on va le signaler aux autorités policières et ce sont elles qui vont décider si elles vont plus loin avec ça. »

Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, La Presse