Environ un enfant sur dix au Québec a fait l’objet d’un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) dans la dernière année.

Ce qu’il faut savoir

  • Environ un enfant sur dix au Québec a fait l’objet d’un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) dans la dernière année, a révélé un bilan annuel.
  • C’est la région de Montréal qui affiche la plus importante hausse des signalements dans la province au cours de la dernière année, passant de 17 584 à 19 676.
  • Les trois causes les plus fréquentes de signalements retenus à la DPJ à Montréal sont la négligence, les abus physiques et les mauvais traitements psychologiques.

« Les constats du bilan sont très préoccupants », a déclaré la directrice de la protection de la jeunesse au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Assunta Gallo, en conférence de presse mardi matin. Les directrices de la protection de la jeunesse de Montréal y présentaient leur 20bilan annuel.

Au total, 135 839 signalements ont été réalisés au Québec pour l’année 2022-2023. « Ce chiffre correspond à presque un signalement sur dix jeunes », a déclaré Mme Gallo. C’est la région de Montréal qui affiche la plus importante hausse des signalements dans la province au cours de la dernière année, passant de 17 584 à 19 676.

« Ça peut être expliqué par différents éléments, comme une détresse familiale plus importante. À travers les années, on voit une hausse des violences conjugales et des violences intrafamiliales. Également, on a eu des dénonciations à caractère sexuel qui sont en hausse à Montréal », a détaillé Mme Gallo.

Une communauté plus sensible

« Au niveau des signalements qui sont en hausse, je pense que la communauté est vraiment plus au fait et plus sensible à la sécurité et au développement des enfants », dit à La Presse Claudia May-Demers, intervenante au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal dans l’équipe évaluation et orientation aux abus physiques et sexuels.

Plus de 2000 signalements retenus à Montréal sont liés à de la négligence, et 1523 signalements sont en lien avec des abus physiques. Les mauvais traitements psychologiques arrivent en troisième position avec 1463 signalements.

Par ailleurs, 8554 adolescents ayant commis des délits, comme des vols, des viols ou des violences armées, ont reçu des services de la DPJ dans la dernière année au Québec. « On ressent un sentiment de banalisation de la violence et même la glorification de la violence entre les jeunes adolescents aujourd’hui. Par exemple, ils vont avoir une arme à feu en main et vont le [publier] sur l’internet », indique Mme Gallo.

Des milliers de signalements non retenus

Parmi les signalements réalisés à Montréal, 13 314 n’ont pas été retenus par la DPJ. Ce nombre élevé pourrait s’expliquer par un important besoin d’accès à des services et du soutien, estime Mme Gallo. « On est souvent utilisés comme une portée d’entrée aux services. Souvent, les gens ne savent pas où référer. Donc, le premier réflexe, c’est de signaler à la protection de la jeunesse », renchérit Mme May-Demers.

Lorsque les signalements ne sont pas retenus, la DPJ dirige les familles vers des services de première ligne ou des organismes communautaires. « Si les besoins de ces 10 000 enfants ne sont pas comblés, la situation pourrait se détériorer et devenir un signalement retenu, ce qu’on ne veut pas », a ajouté Mme Gallo.

La directrice Assunta Gallo note également que le besoin de personnel est criant à la DPJ et nuit aux jeunes. Au CIUSSS du Centre-Sud, il ne manque pas moins de 30 intervenants sur 101. « La rareté de main-d’œuvre a des impacts et des séquelles sur les jeunes en attente », a-t-elle déclaré.

« On vit une certaine pression. On manque d’intervenants et on est conscient que la liste d’attente augmente », dit l’intervenante Claudia May-Demers. À l’heure actuelle, plus de 4300 enfants sont en attente de services de la DPJ à travers la province.

Le manque des ressources dans les centres jeunesse met en péril le bien-être des jeunes, soutient de son côté l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS). « Avec la pénurie de main-d’œuvre qui s’aggrave de jour en jour et le peu de mesures concrètes pour l’attraction et la rétention du personnel, nous constatons que nous sommes loin d’atteindre l’équilibre et que l’avenir est pour le moins inquiétant », a déclaré le président de l’APTS, Robert Comeau, par voie de communiqué.

« Une situation préoccupante »

Selon le Parti libéral du Québec, le gouvernement ne fait pas le nécessaire pour que les parents aient accès à des services. « Les chiffres qui représentent certains signalements démontrent plutôt la détresse de familles qui ne savent plus vers qui se tourner pour avoir de l’aide », a déclaré Brigitte Garceau, porte-parole de l’opposition officielle pour la protection de la jeunesse et députée de Robert-Baldwin.

De son côté, la députée de Sherbrooke et porte-parole pour Québec solidaire en matière de services sociaux, Christine Labrie, encourage les citoyens à signaler une situation « dès qu’il y a un doute », mais souhaite que le gouvernement de la Coalition avenir Québec s’assure d’avoir assez de personnel pour traiter adéquatement ces signalements.

« Avec la pénurie d’intervenants qui s’aggrave et le trop peu de mesures pour l’attraction et la rétention du personnel, la situation est pour le moins préoccupante », a pour sa part déclaré Joël Arseneau, député des Îles-de-la-Madeleine et porte-parole du Parti québécois en matière de santé et services sociaux.