(Sturgeon Lake) Une rangée de maisons calcinées dans la communauté autochtone de Sturgeon Lake, en Alberta, cache une triste réalité. Les Premières Nations sont disproportionnellement touchées par les incendies de forêt un peu partout au pays.

Les flammes ont rapidement ravagé les résidences sises en forêt, laissant derrière elles des amas de cendre et de métal tordu. C’était le 5 mai, il y a exactement trois semaines. « Beaucoup de nos aînés habitent ici. Ils ont perdu toutes leurs photos, se désole Frank Noskye. Certaines personnes n’ont pas eu le temps d’emporter grand-chose. »

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Frank Noskye fait partie de l’équipe qui assure la sécurité dans la réserve déserte de Sturgeon Lake en attendant le retour des résidants.

Il nous conduit sur des chemins boueux et cahoteux, gonflés par les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région en début de semaine. Frank et son compagnon Shelton Goodswimmer font partie de l’équipe qui assure la sécurité dans la réserve déserte en attendant le retour des résidants.

La communauté de Sturgeon Lake est située à plus de 350 kilomètres au nord-ouest d’Edmonton. C’est là qu’une partie des évacués ont trouvé refuge. D’autres ont élu temporairement domicile dans des hôtels de Grande Prairie, moins de 100 kilomètres à l’ouest.

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Des travailleurs s’affairent à installer des maisons mobiles pour les gens qui ont perdu leur domicile et pour les pompiers qui continueront à combattre les incendies de forêt tout l’été.

Le conseil de bande préparait l’arrivée des 1600 évacués jeudi. Ceux dont la maison était toujours intacte ont déjà commencé à revenir, les autres reviendront au cours de la fin de semaine. Des travailleurs s’affairaient à installer 50 maisons mobiles pour les gens qui ont perdu leur domicile et pour les pompiers qui continueront à combattre les incendies de forêt tout l’été.

En tout, 46 bâtiments ont brûlé à Sturgeon Lake, dont 38 résidences.

Je n’ai pas encore pris la mesure de ce qui s’est produit. Je prends ça au jour le jour. Je ne peux pas me réjouir d’avoir gardé ma maison.

Frank Noskye

Les pompiers volontaires de la réserve ont réussi à sauver certaines résidences. Leurs boyaux d’arrosage sont demeurés au sol, prêts à servir si les flammes reprenaient de plus belle. Un camion-citerne trônait toujours le long de la route au milieu de la réserve lors de notre passage, entouré de végétation calcinée. Les maisons détruites étaient pour la plupart situées au milieu des bois, ce qui les rendait plus vulnérables aux flammes qui gagnaient du terrain rapidement.

Les Premières Nations fortement touchées

Les incendies de forêt comme celui qui a ravagé Sturgeon Lake touchent les Premières Nations de façon disproportionnée, selon le Profil national des risques rendu public par le gouvernement fédéral il y a à peine deux semaines.

Ce premier rapport fait état des risques causés par les catastrophes naturelles, de plus en plus fréquentes d’est en ouest. On y lit que les Autochtones représentent 5 % de la population du Canada, mais subissent 42 % des évacuations liées aux incendies de forêt. « Au cours des 20 dernières années, certaines communautés autochtones ont été évacuées jusqu’à cinq fois » parce qu’elles étaient menacées par les flammes.

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Scène de destruction à Sturgeon Lake

En Alberta, plus de 5300 membres des Premières Nations étaient toujours sous le coup d’un ordre d’évacuation jeudi, selon les données du ministère fédéral des Services aux Autochtones. La province connaît une « saison record », selon la porte-parole d’Alberta Wildfire, Christie Tucker, avec plus d’un million d’hectares de forêt ayant brûlé à ce jour comparativement à 450 hectares à pareille date l’an dernier.

Mais la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et le Manitoba sont également aux prises avec des incendies, portant le nombre total d’évacués issus des Premières Nations à 8500 dans l’ensemble du pays.

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Le long de l’autoroute 43, des employés du fournisseur d’électricité albertain réparent des poteaux qui sont tombés en raison des incendies de forêt.

« Les changements climatiques entraînent des saisons des feux plus longues et des incendies de forêt plus intenses et plus fréquents », souligne le rapport du gouvernement fédéral.

Patience

« Je n’avais jamais vu ça », relate Frank Noskye à Sturgeon Lake. L’homme de 53 ans a toujours vécu dans sa communauté.

Les sinistrés devront s’armer de patience puisque la reconstruction risque de prendre du temps. Le conseil de bande compte faire appel à ses assurances et aux programmes offerts par le gouvernement fédéral pour remplacer les maisons perdues, a fait savoir son chef, Sheldon Sunshine.

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En tout, 46 bâtiments ont brûlé à Sturgeon Lake, dont 38 résidences.

Entre-temps, il peut avoir recours au Programme d’aide à la gestion des urgences du ministère des Services aux Autochtones pour combler ses besoins immédiats. Un responsable de l’administration de la communauté a indiqué à La Presse que les choses se déroulaient rondement jusqu’à présent.

L’Alberta comptait 55 incendies actifs jeudi, dont 16 étaient toujours considérés comme non maîtrisés. Sept ordres d’évacuation étaient toujours en vigueur, mais le nombre de personnes touchées a diminué à environ 5000. Au plus fort de la crise au début du mois de mai, 30 000 personnes avaient dû être évacuées.

18,6 millions

Une campagne de dons de la Croix-Rouge a permis de récolter 6,2 millions pour venir en aide aux victimes des incendies de forêt en Alberta. Cette somme est multipliée par trois grâce aux programmes de jumelage des gouvernements fédéral et albertain, qui s’étendront jusqu’au 3 juin. L’argent servira, entre autres, à financer les organismes communautaires qui viennent en aide aux sinistrés.