Disant avoir été alertée par les médias (La Tribune, d’abord) de l’inaction de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) à la suite du signalement par le personnel d’un CPE d’un possible cas d’excision sur une enfant de deux ans, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a décidé d’ouvrir une enquête « de sa propre initiative »

La Commission le fait en « considérant la nature et la gravité des informations alléguées dans les médias » et parce qu’il y a « des raisons de croire à des lésions de droits », peut-on lire dans le communiqué.

« L’enquête vise à vérifier si les faits allégués sont véridiques et si les droits de l’enfant ont été respectés. Elle a aussi pour but de s’assurer que des mesures soient prises afin qu’une telle situation ne se reproduise pas. »

La Tribune rapportait mercredi qu’une éducatrice, puis une directrice d’un CPE de Québec avaient constaté des anomalies à l’appareil génital d’une enfant de moins de deux ans, lors d’un changement de couche. L’enfant n’avait plus de clitoris.

Les deux femmes ont alors raconté à La Tribune avait alerté la DPJ, qui leur a répondu que la situation était trop délicate pour qu’il y ait intervention.

La Commission des droits de la personne et de la jeunesse souligne qu’en signalant leur préoccupation à la DPJ, le personnel du CPE a fait exactement ce que l’article 39 de la Loi sur la protection de la jeunesse exige et ce que la Commission exprime lorsqu’elle répète que la protection des enfants doit être l’affaire de tous et toutes.

La Commission rappelle que peu importe le résultat de son enquête, « la pratique de l’excision ou toute forme de mutilations génitales est interdite au Québec et passible de sanctions criminelles ».

Pour des fins de protection et de confidentialité, et afin de respecter le droit à la vie privée de l’enfant, la Commission ne fera aucun commentaire sur l’enquête en cours.

Sur son site internet, la Société des obstétriciens et des gynécologues du Canada publie un texte de Liette Perron et de Vyta Senikas qui explique que comme « l’intervention est souvent pratiquée sans anesthésie par un praticien traditionnel à l’aide de ciseaux, de lames de rasoir ou de verre brisé, les conséquences et les risques immédiats pour la santé peuvent être graves et mettre la vie en danger ».

La vie de ces enfants s’en trouve transformée à tout jamais.

En 2020, la chercheuse Sophia Koukoui a mené une étude intitulée « La mutilation des organes génitaux de la femme et excision au Canada » auprès de 116 personnes. Son étude est reproduite sur le site du gouvernement du Canada.

Au total, 81 % des participants ayant accordé des entrevues à la chercheuse étaient nés sur le continent africain, 9 % en Europe et 10 % en Amérique du Nord.

Citée dans l’étude, une femme de 37 ans du Cameroun dit qu’il y a « des gens qui veulent pratiquer des mutilations génitales féminines ici au Canada ». « Nous n’en parlons pas, mais c’est la réalité. »

Certains ont évoqué le fait que des parents envoient leurs enfants en Afrique pour qu’elles y soient excisées.

« Le patriarcat a imposé cette pratique qui a fini par devenir une tradition », a expliqué un participant de 57 ans du Bénin.

Sophia Koukoui conclut que « les organismes communautaires et les organisations qui servent les communautés africaines […] bénéficieraient d’un financement qui servirait à répondre aux besoins et à offrir un soutien continu » au Canada.