Une directrice de CPE et une éducatrice de Québec dénoncent le fait que la DPJ ait refusé de mener une enquête à propos d’une fillette de moins de 2 ans qui a selon toute vraisemblance été victime d’une excision. Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, se dit « choqué » par cette inaction.

Devant l’inaction des autorités, les deux femmes – sous le couvert de l’anonymat – se sont confiées à la journaliste Karine Tremblay, du quotidien La Tribune.

C’est l’éducatrice qui, lors d’un changement de couche, en octobre, a constaté la première que l’anatomie de l’enfant n’était pas habituelle. Elle a averti sa directrice qui, lors d’un changement de couche subséquent, a aussi remarqué que l’enfant n’avait pas de clitoris.

Elles ont d’abord appelé Info Santé, qui leur a répondu que cela n’était pas de leur ressort puisque la blessure n’était pas récente.

Les deux femmes ont alors contacté la DPJ, qui leur a expliqué que c’était trop délicat pour qu’il y ait enquête.

Interpellé par La Presse, Lambert Drainville, attaché de presse du ministre Lionel Carmant, a indiqué à La Presse que le cabinet a « bel et bien pris connaissance de l’article de La Tribune tôt [mercredi] matin ».

« Le ministre Carmant est immédiatement entré en contact avec la directrice nationale de la protection de la jeunesse, Mme Catherine Lemay, afin de s’assurer que cette dernière prenne en charge le dossier. Il va sans dire que le ministre est choqué à la lecture de ce papier. »

Par courriel, Mélanie Otis, des relations médias au CIUSSS de la Capitale-Nationale, a indiqué que l’établissement a « l’obligation d’offrir des services sécuritaires et de qualité à la population ». « Dans ce contexte, si une situation révèle que des manquements pourraient avoir eu lieu nous avons la responsabilité d’intervenir et tous les mécanismes de contrôle sont mis en place afin de faire la lumière sur cette situation et d’apporter rapidement les correctifs nécessaires. »

Depuis 1997, au Canada, toute personne qui commet des mutilations génitales féminines ou y participe peut être accusée de voies de fait grave et est passible d’une peine de prison de 14 ans.

Les gouvernements québécois et canadien sont très au fait des mutilations génitales faites aux femmes et aux fillettes canadiennes. Dès 1992, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) dénonçait cette pratique.

Sur son site internet, la SOGC publie un texte de Liette Perron et de Vyta Senikas qui explique que comme « l’intervention est souvent pratiquée sans anesthésie par un praticien traditionnel à l’aide de ciseaux, de lames de rasoir ou de verre brisé, les conséquences et les risques immédiats pour la santé peuvent être graves et mettre la vie en danger ».

La vie de ces enfants s’en trouve transformée à tout jamais.

En 2020, la chercheuse Sophia Koukoui a mené une étude intitulée « La mutilation des organes génitaux de la femme et excision au Canada » auprès de 116 personnes. Son étude est reproduite sur le site du gouvernement du Canada.

Au total, 81 % des participants ayant accordé des entrevues à la chercheuse étaient nés sur le continent africain, 9 % en Europe et 10 % en Amérique du Nord.

Citée dans l’étude, une femme de 37 ans du Cameroun dit qu’il y a « des gens qui veulent pratiquer des mutilations génitales féminines ici au Canada» . « Nous n’en parlons pas, mais c’est la réalité. »

Certains ont évoqué le fait que des parents envoient leurs enfants en Afrique pour qu’elles y soient excisées.

« Le patriarcat a imposé cette pratique qui a fini par devenir une tradition », a expliqué un participant de 57 ans du Bénin.

Sophia Koukoui conclut que « les organismes communautaires et les organisations qui servent les communautés africaines […] bénéficieraient d’un financement qui servirait à répondre aux besoins et à offrir un soutien continu » au Canada.