Un lieutenant-détective du SPVM à la retraite livre un plaidoyer pour la collaboration entre corps policiers

« Tout seul, tu vas plus vite, mais en équipe, tu vas plus loin. » Cette phrase, les anciens collègues de Pierre Morin l’ont entendue des dizaines de fois.

Après presque 30 ans de carrière au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), ce lieutenant-détective chevronné, qui a été de plusieurs grandes enquêtes contre le crime organisé, part à la retraite en livrant un vibrant plaidoyer en faveur du partenariat entre corps de police.

« On le vit avec l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO) [chapeautée par la Sûreté du Québec et qui vise les dirigeants du crime organisé] et l’Escouade intégrée de lutte contre le proxénétisme (EILP), et les résultats sont incroyables. Pour ce qui est des homicides également. Le plus bel exemple, c’est l’enquête autour de Frédérick Silva [cet ancien tueur à gages du crime organisé devenu collaborateur de la police l’an dernier]. Ça va très bien jusqu’à maintenant », dit Pierre Morin.

PHOTO FOURNIE PAR PIERRE MORIN

Le lieutenant-détective du SPVM à la retraite Pierre Morin

« Au SPVM, on fait beaucoup de volume, on a une solide robustesse, les enquêteurs sont vraiment bons et il y a beaucoup de corps de police qui veulent travailler avec nous. Ce partenariat amène une grande force de frappe. Il y a des services de police qui ont plus d’argent alors que d’autres, ce sont les effectifs ou la logistique. Quand tu mélanges tout ça, avec de bons enquêteurs, ça fait un bon match. Tu couvres plus de territoire. Tu es au courant de tout ce qui se passe ailleurs. C’est très profitable pour tout le monde », ajoute le nouveau retraité.

Des enquêtes percutantes en collaboration

Au début des années 2000, alors qu’il était à l’Antigang, Pierre Morin a été de l’enquête Amigo qui a envoyé derrière les barreaux tous les Bandidos, derniers résistants de la guerre contre les Hells Angels, mettant ainsi un point final au conflit le plus meurtrier de l’histoire criminelle du Québec et du Canada.

En 2012, alors qu’il était lieutenant à l’Escouade régionale mixte (ERM) de Montréal, Pierre Morin a participé à une enquête parallèle au projet Loquace par lequel la SQ a arrêté une centaine de personnes et démantelé un consortium de six individus qui tentaient de s’emparer, dans la violence, du monopole de la distribution de cocaïne au Canada.

L’année suivante, il était l’un des instigateurs du projet Magot par lequel les enquêteurs de l’ERM et des produits de la criminalité – projet Mastiff – ont décapité en novembre 2015 une alliance mafia-motards-gangs qui dirigeait le crime organisé montréalais.

Les enquêteurs de la Division C de la Gendarmerie royale du Canada ont également contribué à ce projet. Ils ont notamment installé une caméra devant la porte d’entrée du bureau de l’ancien criminaliste Loris Cavaliere sur le boulevard Saint-Laurent et des caméras et des micros dans sa salle de conférence.

Les corps de police impliqués se sont questionnés sur cette stratégie, mais les directions de la SQ et du SPVM ont donné leur feu vert. « Ce n’est pas tout le monde qui est toujours d’accord, mais on a chacun nos forces et quand on les combine, on va plus loin », affirme Pierre Morin.

Partisan de l’entraide interne

L’ex-enquêteur est également un partisan des forces de frappe (task forces) composées de membres de plusieurs sections au sein d’un même corps de police.

Il a été l’un des patrons de l’enquête Mazout par laquelle les enquêteurs des Crimes majeurs du SPVM, de la Division du crime organisé (DCO) et de la section des Incendies criminels ont combiné leurs efforts pour résoudre le meurtre d’un client innocent d’un café, Angelo D’Onofrio, commis en juin 2016, ainsi que d’autres crimes violents et des incendies.

Cette collaboration entre escouades, c’est également ce qu’il se passe actuellement dans l’enquête au cœur de laquelle se trouve l’ancien tueur à gages Frédérick Silva.

PHOTO FOURNIE PAR PIERRE MORIN

Pierre Morin et les membres de son équipe avaient saisi de nombreuses armes à feu durant une enquête qui visait un importateur d’armes des États-Unis.

Pierre Morin croit que des équipes mixtes devraient également être créées pour d’autres genres de crimes, notamment les fraudes, et que même les enquêteurs bancaires devraient être invités à en faire partie.

Les fraudes, c’est la criminalité des années 2020. Ce serait bien qu’il y ait des enquêteurs de banque, d’autant plus qu’il y a parmi eux beaucoup d’anciens policiers. Les fraudes, il y en a énormément. Ce n’est pas un crime violent, ça ne fait pas les manchettes, mais ça cause beaucoup de problèmes. Ces dossiers ne doivent pas être oubliés et on ne doit pas laisser la victime se débattre elle-même.

Pierre Morin, lieutenant-détective du SPVM à la retraite

Parmi les autres faits d’armes de l’enquêteur, soulignons qu’il a été de la première mouture des escouades Gangs de rue du SPVM.

PHOTO FOURNIE PAR PIERRE MORIN

Pierre Morin derrière les centaines de milliers de comprimés de drogue de synthèse saisis par les enquêteurs de l’Antigang lors du projet Aspirine en 2012

À la fin des années 1990, ses collègues et lui ont arrêté de nombreux membres de gang et saisi près de 20 armes à feu à l’issue du projet Journal visant des individus liés aux Rouges qui volaient les armes que des particuliers offraient dans les petites annonces après la création du registre des armes à feu.

Ses enquêteurs et lui ont également mis la main sur des centaines de milliers de comprimés de drogue de synthèse lors d’une enquête de l’Antigang baptisée Aspirine.

Pierre Morin est maintenant enquêteur à Hydro-Québec.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.