(Repentigny) L’agent Dimitri Milonas active les gyrophares et se lance à la poursuite de la voiture qui vient de passer devant lui à 76 km/h, dans une zone limitée à 50.
La voiture accélère très rapidement… dans le silence le plus complet.
Bienvenue dans le premier véhicule de police destiné à la réponse aux appels d’urgence entièrement électrique en Amérique du Nord ; une Ford Mach-E transformée pour les besoins du Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR).
Des véhicules électriques sont déjà utilisés par de nombreux corps policiers, mais uniquement pour d’autres fonctions que la réponse aux appels d’urgence, que ce soit pour les enquêteurs, les officiers supérieurs ou les services sociocommunautaires.
« Moi, je l’adore, le véhicule », lance Dimitri Milonas, l’un des 15 agents formés pour utiliser la voiture dans le cadre du projet-pilote d’un an, lancé en juin.
« Je le sens plus sécuritaire, il tient mieux la route », explique-t-il, reconnaissant qu’il avait lui-même des appréhensions avant de commencer à l’utiliser.
« Est-ce que je vais pouvoir faire mon shift au complet, l’hiver ? Est-ce qu’il va être assez puissant pour aller chercher le véhicule en avant ? », se demandait le policier qui a 23 ans de métier et conduisait en début de carrière les illustres Ford Crown Victoria.
Mais le véhicule l’a séduit dès la journée de formation.
« À l’accélération, il avait cinq, six distances de véhicule d’avance sur le Dodge Charger » – un véhicule très répandu dans les parcs automobiles des corps policiers nord-américains –, s’enthousiasme-t-il, ajoutant que l’avantage était similaire au freinage.
« Pas d’enjeu » d’autonomie
Dimitri Milonas ne tarit pas d’éloges pour la voiture de police électrique, qui a été aménagée sur mesure par l’entreprise québécoise Cyberkar, spécialiste en la matière : coffre de rangement pour arme longue, cloison pour isoler les prévenus et plaque antibalistique sous le capot, pour compenser l’absence de bloc moteur, notamment.
L’exercice a aussi été l’occasion de repenser l’image des voitures ; la Mach-E s’inspire des couleurs des véhicules policiers européens, bleu pâle avec chevrons jaunes, pour plus de visibilité.
Les applications policières ont été intégrées dans l’ordinateur de bord et sont accessibles par l’écran intégré, évitant l’ajout d’un ordinateur supplémentaire.
Les seules embûches rencontrées jusqu’ici sont d’ailleurs des « enjeux » informatiques et d’ergonomie ; aucune touchant au mode de propulsion électrique, indique l’inspecteur-chef Jean-Claude Roch.
Des enjeux de batterie, présentement, il n’y en a pas.
Jean-Claude Roch, Service de police de la Ville de Repentigny
Le véhicule n’a jamais utilisé plus de 52 % de la charge de la batterie sur un quart de travail complet, indique M. Roch, qui dit avoir donné la directive à ses policiers et policières de l’utiliser comme n’importe quel autre véhicule, sans ménagement.
Le « vrai test » arrive
Durant la première phase du projet-pilote, la voiture de patrouille était utilisée durant un quart de travail sur deux ; elle l’est maintenant deux quarts sur trois, de jour et de soir ; puis à partir de janvier, elle sera utilisée sur les trois quarts de travail de la journée.
Les recharges se font durant les pauses-repas, lors de la rédaction de rapports au poste et lors des changements de quarts de travail, ce qui suffit largement jusqu’à maintenant.
« J’ai hâte de voir ce que ça va donner l’hiver », dit Dimitri Milonas, qui ne s’inquiète toutefois pas de ce qu’il qualifie de « vrai test » pour la voiture.
Jean-Claude Roch s’attend à ce que le froid hivernal affecte moins l’autonomie du véhicule, puisqu’il sera utilisé presque en permanence, si bien que la batterie ne refroidira jamais complètement.
« On pense qu’elle va conserver beaucoup plus son énergie », dit-il.
Des économies importantes
La Mach-E devrait générer des économies d’au moins 15 % sur quatre ans d’utilisation par rapport à une voiture de patrouille à combustion Dodge Charger, calcule le SPVR.
« Et on est très conservateurs », insiste Jean-Claude Roch, soulignant que l’évaluation a été faite quand le litre d’essence se vendait 1,17 $, et qu’elle ne tient pas compte des coûts d’entretien, alors inconnus, mais qui s’annoncent plus faibles pour le véhicule électrique.
L’expérience suscite l’intérêt de nombreux corps policiers, et pas des moindres : la police provinciale de l’Ontario, la Gendarmerie royale du Canada, la police de Montréal, la Sûreté du Québec et même la police de New York s’y sont intéressées, entre autres.
« J’en rencontre presque tous les mois », lance Jean-Claude Roch.
Le constructeur Ford a même obtenu l’attestation « police pack » pour sa Mach-E, exigée par de nombreux corps policiers [voir encadré], après le lancement du projet-pilote du SPVR, ouvrant ainsi la voie à une utilisation répandue de ce véhicule par les forces de l’ordre.
QU’EST-CE QUE L’ATTESTATION « POLICE PACKAGE » ?
L’attestation « police package » est délivrée par la Police d’État du Michigan (MSP), qui soumet chaque année les véhicules policiers offerts sur le marché nord-américain à une batterie de tests. Ces véhicules sont des adaptations de modèles « civils » dotés notamment d’une suspension plus performante, de plus gros freins, de pneus ayant des cotes de vitesse permettant leur utilisation soutenue à des vitesses de 240 km/h, ainsi que d’autres particularités liées à la sécurité des policiers. La Ford Mach-E est le seul véhicule entièrement électrique attesté « police package » (modèles 2022 et 2023). « D’après ce que j’entends, il pourrait y avoir l’an prochain beaucoup plus de véhicules électriques soumis à nos tests », a indiqué à La Presse le lieutenant Nicholas Darlington, de la MSP. Les conventions collectives de nombreux corps policiers exigent que les véhicules servant à la patrouille soient homologués « police package ».
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- Nombre de véhicules destinés à la réponse aux appels d’urgence que possède le Service de police de la Ville de Repentigny
Source : Service de police de la Ville de Repentigny