Intervenants incapables de prendre les pauses, surcharge de travail, listes d’attente qui s’allongent : un an et demi après le dépôt du rapport de la commission Laurent, des intervenants en centre jeunesse attendent toujours des changements.

« Ce n’est pas normal qu’en 2022, nos intervenantes rentrent le soir chez eux en se demandant quels enfants elles vont prioriser dans leur charge de travail [le lendemain]. Tous nos enfants méritent d’avoir une réponse à leurs besoins », a lancé Steve Garceau, représentant national de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) dans Lanaudière, en conférence de presse jeudi matin.

En mai 2021, la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, dite commission Laurent, avait conclu que les intervenantes devaient être davantage soutenues et que leurs tâches devaient être allégées. Un an et demi plus tard, le syndicat déplore ne pas voir de changements.

« Partout au Québec, les intervenants et intervenantes lancent un cri du cœur. Quand allez-vous les aider ? », a pour sa part déclaré le président de l’APTS, Robert Comeau.

Situation critique à Montréal

À Montréal, la pénurie de personnel et l’explosion des cas de dénonciation depuis le début de la pandémie sont criantes, dénonce le syndicat. Les équipes d’intervention se retrouvent ainsi surchargées.

« Cette surcharge-là ne peut pas continuer. C’est clair que c’est la sécurité des intervenants qui est en jeu, mais aussi des enfants dont ils s’occupent », a déclaré Caroline Letarte-Simoneau, représentante nationale de l’APTS pour le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

À l’heure actuelle, le temps d’attente pour qu’un dossier soit évalué à Montréal est en moyenne de 78 jours, indique Mme Letarte-Simoneau. « C’est le double de la moyenne provinciale », a-t-elle dénoncé.

« Aucun enfant ne mérite d’attendre sur une liste d’attente. C’est une liste où les enfants risquent leur sécurité et leur développement est compromis. Ce n’est pas banal », a renchéri M. Garceau.

À l’automne, 91 postes étaient vacants au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, indique le syndicat. Pour combler le manque de personnel, les centres jeunesse recrutent des travailleurs d’agences privées. « Faute de ressources, on voit de plus en plus une place importante [du privé] », a déploré Mme Letarte-Simoneau, qui juge que ce n’est « clairement pas la solution ».

Surcharge de travail

Un sondage auquel ont répondu 425 intervenants en centre jeunesse au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal a révélé que 78 % d’entre eux sont incapables de prendre les pauses auxquelles ils ont droit, tandis que 61 % doivent travailler sur leur temps personnel pour répondre aux besoins des jeunes sous leur protection.

Par ailleurs, la moitié disent mal dormir, pleurer et même avoir mal au cœur avant de venir travailler. « C’est parce que cette charge de travail, ils la portent avec eux à la fin de leur quart de travail. Ce poids-là est lourd sur leurs épaules », a indiqué Mme Letarte-Simoneau.

Le syndicat a reçu de nombreux témoignages d’employés. « Je manque d’expérience pour faire plusieurs de mes tâches. J’ai besoin d’aide de mes collègues, mais ils n’ont pas le temps de m’aider. Je n’ai pas de mentor », a confié une intervenante au syndicat.

« Je me sens comme dans un bateau en train de couler où le capitaine a abandonné le navire. Tous les jours, je me questionne à savoir si je rentre travailler ou si je vais voir le médecin », a déclaré une autre intervenante.