(Ottawa) Maintenant que le major-général Dany Fortin a été reconnu non coupable lors de son procès pour agression sexuelle, des voix s’élèvent pour qu’il retrouve son poste dans l’armée, tandis qu’un débat fait surface sur la façon dont les Forces armées canadiennes devraient traiter leurs membres qui sont accusés d’inconduite sexuelle à l’avenir.

Les Forces armées ont indiqué qu’elles examinent toujours les implications de la décision du juge Richard Meredith, rendue lundi. Le juge de la Cour du Québec a statué que la Couronne n’a pas démontré hors de tout doute raisonnable que M. Fortin avait agressé sexuellement une femme en 1988.

En entrevue avec La Presse Canadienne, mardi, l’une des avocates de M. Fortin a assuré que son client était « prêt, disposé et capable » de reprendre le service, lui qui avait été démis de ses fonctions de responsable de la campagne nationale de déploiement du vaccin contre la COVID-19 et mis en congé payé en mai 2021.

Me Natalia Rodriguez a également laissé la porte ouverte quant à une éventuelle poursuite, affirmant que la carrière et la réputation à long terme de son client ont été entachées par les allégations portées contre lui – et par la manière dont elles ont été gérées par le gouvernement libéral et les dirigeants militaires.

« Cela a été un coup très dur pour sa carrière, a souligné Me Rodriguez. Si vous regardez ses évaluations de performances avant son congédiement, elles étaient élogieuses et elles disaient qu’il était sur le point d’obtenir une promotion. Sauf qu’il sera maintenant très difficile de revenir à cette réputation. »

Me Rodriguez représente M. Fortin devant la Cour fédérale, où l’officier accuse le gouvernement libéral de l’avoir retiré de la campagne de vaccination et d’autres fonctions militaires pour des raisons purement politiques et sans procédure régulière.

M. Fortin souhaite que la Cour fédérale ordonne aux militaires de le réintégrer à un poste correspondant à son rang. Une procédure d’appel devait s’amorcer en octobre après le rejet initial de sa demande, mais l’audience a été ajournée en attendant les résultats de son procès criminel.

Dans les limbes

Me Rodriguez a fait valoir mardi que la décision de l’armée de laisser son client essentiellement dans les limbes au cours des 18 derniers mois a affecté sa capacité à travailler et à être promu avant d’atteindre l’âge de la retraite obligatoire de 55 ans, cet été. Et malgré le verdict de non-culpabilité, elle a rappelé que l’accusation portée contre lui affectera aussi ses options de carrière post-militaire.

Le colonel à la retraite Michael Drapeau, qui est maintenant avocat spécialisé dans les affaires militaires, a soutenu que l’acquittement de lundi devrait ouvrir la voie à une affectation immédiate pour M. Fortin.

« Ayant été déclaré non coupable au terme d’un procès criminel complet, il devrait être immédiatement affecté à un poste de haut niveau correspondant à sa longue expérience en tant que haut dirigeant », a estimé M. Drapeau dans un courriel.

« Il n’y a aucune raison légale ou administrative de ne pas le faire. »

M. Drapeau a cependant concédé que le gouvernement pourrait plutôt offrir un règlement en échange de la retraite de M. Fortin, comme cela s’est produit lorsque l’affaire d’abus de confiance contre le vice-amiral Mark Norman a été abandonnée en mai 2019.

À l’instar du combat que mène M. Fortin devant la Cour fédérale, la défense de M. Norman comprenait des allégations d’ingérence politique de la part du gouvernement libéral. Et comme M. Fortin, M. Norman avait affirmé vouloir retourner au service militaire avant d’accepter le règlement, dont les détails n’ont pas été dévoilés.

« Dans les deux cas, la question est de savoir s’ils doivent reprendre leurs fonctions complètes une fois la procédure judiciaire terminée. Je pense qu’ils le devraient », a soutenu M. Drapeau.

« Toutefois, cela n’empêche pas le ministère de la Défense nationale et/ou les Forces armées canadiennes d’en arriver à un règlement avec l’officier facilitant une retraite anticipée. »

Le chef d’état-major de la défense, le général Wayne Eyre, peut également recommander la libération de tout membre des Forces armées qui a servi plus de 30 ans, a souligné M. Drapeau.