La municipalité de Saint-Lin–Laurentides, dans Lanaudière, ne veut plus de dézonage agricole sur son territoire. Elle retire ses demandes qui visaient près de sept hectares de terres, et demande à la MRC de Montcalm de modifier son schéma d’aménagement en conséquence.

« Sur un horizon de 15, 20 ou 50 ans, la protection du territoire agricole va apporter beaucoup plus à la communauté que des revenus de taxes, parce que l’urgence climatique, on est dedans et chaque petit geste compte à partir d’aujourd’hui », a justifié le maire de Saint-Lin–Laurentides, Mathieu Maisonneuve, en entrevue téléphonique avec La Presse.

La précédente administration municipale avait demandé à la MRC que 6,71 hectares de son territoire soient exclus de la zone agricole afin qu’ils puissent être développés à des fins commerciales. La MRC avait intégré cet élément à son schéma d’aménagement, et devait déposer une demande de dézonage à la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). La résolution adoptée par Saint-Lin à la mi-novembre retire ces demandes d’exclusion et appelle la MRC à modifier son schéma « afin de refléter la volonté du conseil de ville ».

Le préfet de la MRC, Patrick Massé, n’a pas voulu commenter cette résolution lundi.

« Puisque le préfet est le porte-parole de l’ensemble des élu.es de la région, une discussion doit avoir lieu avec ceux-ci afin d’échanger sur le sujet », a répondu sa porte-parole par courriel.

M. Massé a été maire de Saint-Lin durant huit ans, jusqu’aux dernières élections municipales, où il a plutôt choisi de briguer le siège de préfet.

Une séance du conseil de la MRC de Montcalm est prévue mercredi en après-midi.

Dézonage controversé

Le dézonage massif prévu par la MRC de Montcalm s’est attiré une pluie de critiques au cours des dernières années. Le schéma d’aménagement approuvé par le gouvernement Legault en 2019 prévoyait le changement de vocation de 160 hectares de terres agricoles dans 10 municipalités, dont Saint-Lin.

Lisez l’enquête de La Presse : « Dézonage autorisé malgré l’avis de trois ministères »

Les terres que Saint-Lin refuse maintenant de voir dézonées appartiennent à « cinq ou six propriétaires différents », estime le maire Maisonneuve. Une semaine après l’adoption de sa résolution, aucun ne l’avait encore contacté, nous a-t-il indiqué.

« Je ne joue pas au Monopoly et je ne suis pas responsable des choix que les investisseurs font avec leur argent », dit cet ancien banquier de la Scotia, qui a consulté des urbanistes et ses services juridiques avant de présenter sa résolution.

Beaucoup de gens et de sociétés ont acheté des terrains en anticipant du dézonage et une plus-value. C’est un risque que ces gens prennent. Ce n’est pas parce que ç’a toujours été payant pendant les 20, 30 ou 40 dernières années que ça doit obligatoirement le demeurer.

Mathieu Maisonneuve, maire de Saint-Lin–Laurentides

Saint-Lin avait adopté une première résolution choc en décembre 2021, en interdisant les nouvelles constructions résidentielles à cause du manque d’eau potable.

Lisez « Le maire qui a stoppé le développement »

Les terres agricoles visées par la résolution du 14 novembre dernier étaient plutôt vouées à un usage commercial, mais « c’est quand même relié à l’eau », note M. Maisonneuve.

« Si on artificialise tout notre territoire, il ne faudra pas se demander, dans 20 ans, pourquoi la nappe phréatique ne fait que descendre ! »

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Mathieu Maisonneuve, maire de Saint-Lin–Laurentides

À Saint-Roch-de-l’Achigan, également dans la MRC de Montcalm, le maire Sébastien Marcil salue la résolution adoptée à Saint-Lin. « On est rendu là. Le développement commence et finit quelque part : croire qu’on peut le faire à perpétuité se fera nécessairement au détriment de notre qualité de vie. C’est la même chose pour la planète Terre », dit M. Marcil.

L’Union des producteurs agricoles (UPA) salue aussi l’initiative du maire de Saint-Lin, ainsi que son parti-pris pour « un meilleur aménagement » du territoire.

J’ai trouvé son discours rafraîchissant. C’est facile de s’étaler, surtout sur des terres agricoles qui sont déjà nivelées, drainées et sans arbres.

Charles-Félix Ross, directeur général de l’Union des producteurs agricoles (UPA)

Saint-Lin peut combler ses besoins en espace commercial par la « consolidation des milieux » et la « reconstruction de la ville sur elle-même », plaide son maire.

« On a un paquet de terrains commerciaux où la valeur du terrain est supérieure à celle de la bâtisse. C’est un signe qu’il y a place à densifier et à améliorer les lieux déjà désignés commerciaux. »

M. Maisonneuve souhaite que d’autres maires de la province se demandent s’il leur est vraiment nécessaire « d’empiéter sur la zone agricole pour répondre aux besoins de la population ». Et au-delà de ces analyses, « c’est sûr que personnellement et politiquement, j’aimerais aller chercher des appuis publics avec mes collègues maires et mairesses ».

En attendant, la vidéo dans laquelle il explique sa résolution, planté aux abords d’un champ par grand vent, a déjà récolté plusieurs dizaines de commentaires positifs sur la page Facebook de la municipalité.

Regardez la vidéo du maire de Saint-Lin–Laurentides sur sa page Facebook
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    Les 6,71 hectares de terres agricoles dont Saint-Lin veut stopper le dézonage représentent l’équivalent de près de 10 terrains de football américain.
    Source : Saint-Lin–Laurentides