Devant la multiplication des cas de violence conjugale et de féminicides, des municipalités situées hors des grands centres veulent faire de leurs bureaux une porte d’entrée pour les victimes de violence conjugale. Le mouvement Municipalités engagées contre la violence conjugale, qui sera lancé officiellement lundi prochain, a déjà suscité l’intérêt de 25 municipalités et espère en inspirer d’autres dans toutes les régions du Québec.

« Dans de petites municipalités, l’aide n’est pas toujours facilement accessible. Et se déplacer dans une ville voisine où sont centralisés les services d’aide et d’intervention peut être difficile pour une femme qui vit avec un conjoint contrôlant et violent », explique la directrice générale de Saint-Barnabé-Sud, en Montérégie, Linda Normandeau, qui a démarré le mouvement.

Avec moins de 800 habitants, Saint-Barnabé-Sud n’a pas de maison d’hébergement où une victime peut aller demander de l’aide. La plus proche est à Saint-Hyacinthe, à une quinzaine de minutes de route. Le bureau municipal, logé dans une ancienne caisse populaire, s’est imposé comme porte d’entrée.

« C’est accessible et ça devrait être facile pour une victime de se présenter sous prétexte de demander de l’information ou une copie d’un compte de taxes », illustre Mme Normandeau.

D’autres municipalités emboîtent le pas

En juillet 2021, le conseil municipal a adopté une résolution pour attribuer à ce bureau « le statut d’endroit sécuritaire où toute personne victime de violence conjugale peut se réfugier sur les heures d’ouverture » et permettre aux employés de suivre une formation pour « savoir comment réagir si une personne demande de l’aide ».

Depuis, 12 autres municipalités de la MRC des Maskoutains et cinq de la MRC de Drummond ont rejoint le mouvement. Sept autres municipalités ont aussi manifesté le désir de s’impliquer, dont Nicolet, dans le Centre-du-Québec, qui a annoncé son propre projet en septembre, avec l’hôtel de ville et une bibliothèque comme portes d’entrée.

« Quand les gens décident de faire bouger les choses à l’intérieur de leur communauté et que ça fait écho, ça me touche énormément », s’enthousiasme la comédienne, autrice et animatrice Ingrid Falaise, qui sera présidente d’honneur au lancement du mouvement, le 21 novembre prochain.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le mouvement Municipalités engagées contre la violence conjugale sera lancé le 21 novembre sous la présidence d’honneur de la comédienne, autrice et animatrice Ingrid Falaise.

« Une des caractéristiques de la violence conjugale, c’est l’isolement, et lorsqu’on est dans un fond de rang, on est encore plus isolé », témoigne Mme Falaise, qui a parcouru le Québec avec sa conférence Je me suis choisie. « Il y a aussi la réalité des femmes immigrantes qui ne parlent pas français et habitent dans des endroits éloignés où il y a peu de ressources. La violence peut être accrue parce qu’il n’y a pas de filet de sécurité. »

Pas des intervenants

Les six employés de bureau de Saint-Barnabé-Sud ont suivi une formation donnée par une intervenante de la maison d’hébergement La Clé sur la Porte, à Saint-Hyacinthe, et une agente de la Sûreté du Québec (SQ).

« En aucun cas les employés ne deviendront des intervenants », souligne Mme Normandeau. Leur rôle est plutôt « d’accueillir et sécuriser la personne » et de la mettre en contact avec un véritable intervenant, de la maison d’hébergement ou de la SQ, selon le cas.

« C’est un outil de plus dans notre coffre personnel, au même titre que suivre une formation en réanimation cardiorespiratoire (RCR) ou en premiers soins », illustre Francis Grégoire, inspecteur municipal à Saint-Barnabé-Sud et pompier volontaire à la municipalité voisine de Saint-Jude.

La formation l’a sensibilisé aux mécanismes de la violence psychologique et verbale.

On comprend pourquoi un homme ou une femme retourne parfois trois ou quatre ou cinq fois avant de s’en sortir. Et que des fois, ils ne s’en sortent pas, on a des cas flagrants depuis le début de l’année.

Francis Grégoire, inspecteur municipal à Saint-Barnabé-Sud et pompier volontaire à la municipalité voisine de Saint-Jude

Il recommande aux employés municipaux « de ne pas hésiter à suivre [une telle] formation, pour être capables de reconnaître les signes ».

Les employés municipaux seront notamment à l’écoute des citoyens qui prendront le dépliant sur la violence conjugale offert au comptoir d’accueil. « Peut-être que c’est toute l’aide qu’elle acceptera cette fois-là et que la prochaine fois, ce sera un peu plus. »

À Saint-Barnabé-Sud comme à Saint-Jude, la personne pourra être amenée dans un local qui n’est pas visible de l’extérieur où elle pourra parler et téléphoner sans être inquiétée.

« Si elle nous dit : “Je suis en danger, je me fais poursuivre”, ce sera la SQ automatiquement : on ne prendra pas de chances pour notre sécurité non plus », indique M. Grégoire.

Mme Normandeau espère voir des projets se développer « dans toutes les régions du Québec » et invite les municipalités à adapter leur intervention à leur réalité.

« Une municipalité peut ne pas avoir les locaux ou le personnel nécessaires, mais publier des articles et de la sensibilisation dans son journal municipal tous les mois. Il y a plusieurs façons d’intervenir en matière de violence conjugale et de s’engager à la contrer. »

BESOIN D’AIDE ?

Si vous êtes victime de violence conjugale et cherchez aide et répit, contactez SOS violence conjugale au 1 800 363-9010. Des intervenants y sont disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

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    Source : SOS violence conjugale