À partir du 22 octobre, trois nouveaux indicatifs régionaux seront introduits au Québec. Une nouveauté pas si exceptionnelle, quand on remonte le fil de l’histoire du téléphone…

Tous autour du poste

En cette fin de décennie 1870, quelques inventeurs — dont Alexander Graham Bell, qui présente son invention à l’Exposition universelle de Philadelphie en 1876 — bidouillent une technologie qui deviendra bientôt le téléphone. À l’été 1877, des démonstrations se tiennent au Québec. Un an plus tard, cinq « jeunes gens » de Montréal, épatés par l’invention de Bell, décident de relier leurs cinq résidences par un réseau de fils auquel est connectée, à l’intérieur de chacune des maisons, une boîte de bois d’acajou servant de transmetteur et récepteur de la voix. Le réseau courait dans le secteur où se trouve aujourd’hui l’UQAM, dans le Quartier latin. Le « poste central » était logé chez un dénommé Georges Bélanger, au coin de Berri et Dorchester (aujourd’hui le boulevard René-Lévesque).

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Dessin paru dans La Presse du 27 janvier 1912 qui illustre le premier réseau de téléphone

Allô ? Plateau ? Ici La Fontaine !

Le réseau s’est développé à partir de ces postes centraux disséminés sur le territoire. Pour joindre un abonné en passant par la téléphoniste, il fallait d’abord l’identifier par le poste auquel il était rattaché (généralement avec les deux premières lettres), puis par son numéro à quatre chiffres. La Presse, par exemple, était reliée à la centrale Plateau Exchange, située à l’angle des rues Saint-Urbain et Ontario.

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Publicité parue dans La Presse en 1956

Bye-bye, téléphoniste

En 1925, la « téléphonie automatique » entre en fonction à Montréal pour les abonnés hébergés dans la nouvelle centrale Lancaster, rue Saint-Urbain et Ontario. Désormais, les abonnés pourront composer eux-mêmes les deux premières lettres du poste et les quatre chiffres du numéro de leur correspondant, sans devoir passer par une téléphoniste.

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Article paru dans La Presse, le 24 janvier 1925

  • 1947 : Attribution de l’indicatif régional 514 pour la région montréalaise
  • 1957 : Attribution de l’indicatif régional 819 pour l’ouest, le nord et le nord-est de la région de Montréal

De six à sept chiffres… et plus

De nouvelles centrales téléphoniques plus modernes sont ouvertes pour y brancher davantage d’abonnés. Au fur et à mesure que le nombre d’abonnés augmente, il faut trouver des façons de multiplier les numéros de téléphone. À partir des années 1950, pour se conformer aux nouvelles normes américaines, la numérotation passe à sept chiffres : les deux lettres du poste, le chiffre qui est associé à ce poste, et les quatre chiffres de l’abonné.

En 1960, les résidants de Salaberry-de-Valleyfield sont les premiers à utiliser le nouveau système d’interurbain direct sans passer par une téléphoniste. Il leur suffit de composer l’indicatif régional à trois chiffres de leur correspondant, suivi des deux lettres et cinq chiffres du numéro de téléphone.

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Article paru dans La Presse en 1960

Que des chiffres

À partir des années 1960, les lettres sont graduellement abandonnées pour être remplacées par des numéros à sept chiffres.

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Article de La Presse paru en 1961

Banlieusards trahis par leur indicatif

En 1998, un nouvel indicatif régional est introduit pour identifier les abonnés qui habitent hors de l’île de Montréal. Le « 450 » devient une étiquette dont certains banlieusards héritent en maugréant, eux qui passaient jusque-là quasi inaperçus dans le grand « 514 »… En 2010, un nouvel indicatif (le 579) viendra s’ajouter pour couvrir ce territoire.

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Article paru dans La Presse en 1999

Dix chiffres, et des tas de nouveaux indicatifs

En 2002, une nouvelle crise de croissance se pointe à l’horizon. « La prolifération des cellulaires, des télécopieurs, des téléavertisseurs, des connexions internet et des lignes téléphoniques multiples [fait] craindre une pénurie de numéros de téléphone dans le 514 dès 2004 », rapporte La Presse. Les abonnés devront désormais s’astreindre à composer l’indicatif régional en plus du numéro à sept chiffres, même dans le cas des appels locaux. Un nouvel indicatif est introduit pour la région montréalaise, le 438.

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Publicité parue dans La Presse en 2006

Dis-moi quel est ton code, je te dirai…

S’il règle (temporairement, évidemment !) la crise anticipée de la pénurie de numéros, l’ajout de ce nouvel indicatif relance la « stigmatismatisation » envers ceux qui héritent d’un nouvel indicatif régional. Boudé lors de son introduction par les nouveaux abonnés (surtout de téléphones cellulaires) qui préféraient encore avoir un numéro 514, le 438 a fini par faire sa place en devenant… un marqueur d’âge. D’une certaine façon, le 514 est désormais… un numéro de « vieux ».

Trois petits nouveaux dans la famille

Il ne se sera donc écoulé qu’une décennie avant qu’un nouvel indicatif régional soit introduit dans la zone 819 (le 873 a été ajouté en 2012), signe de la croissance de la population dans ce secteur. L’île de Montréal et sa banlieue auront aussi chacune droit à un troisième indicatif à compter du 22 octobre.

  • 263, à Montréal, dans la zone 514 et 438
  • 354, en périphérie de Montréal, dans la zone 450 et 579
  • 468, de l’Outaouais au Centre-du-Québec, dans la zone 819 et 873

Cette fois-ci, les entreprises de téléphonie citent « la croissance économique et démographique, les projets d’expansion des fournisseurs de services de télécommunications au pays et la croissance toujours très soutenue des nouveaux outils de télécommunications », dit l’Alliance des télécommunicateurs.