L’entreprise a accès aux données de navigation de millions de personnes, incluant celles qui n’ont pas de compte TikTok, selon une nouvelle analyse.

Données personnelles

Comme Google et Meta (Facebook), l’entreprise derrière la populaire application TikTok analyse les données personnelles des gens qui se rendent sur différents sites web – incluant des gens qui n’ont jamais utilisé les services de TikTok ni ouvert de compte sur la plateforme, selon une analyse de la société américaine Consumer Reports. Anatoliy Gruzd, directeur de la recherche à l’institut The Social Media Lab à l’Université métropolitaine de Toronto, souligne que ce n’était pas connu. « C’est la monétisation de l’internet. La question est : combien d’histoires de cette nature ça va prendre avant que les usagers changent leurs habitudes de navigation et demandent à leurs décideurs d’agir afin de protéger notre droit à la vie privée ? », dit-il.

Outil d’analyse

Comment fonctionne cette prise de données ? Ce sont les gens qui programment des sites web qui font le choix d’installer l’outil d’analyse du géant chinois TikTok, explique Bruno Guglielminetti, animateur de la balado d’actualité numérique Mon Carnet. « Ils le font pour mieux connaître leurs visiteurs, donner une meilleure expérience. En retour, TikTok, Google ou Facebook reçoit cette information qui lui permet de mieux connaître les gens. » TikTok peut par exemple savoir ce qui est populaire sur le Net, ce qui ne l’est pas, etc. Pour les gens qui utilisent TikTok, ces données pourront influencer leur expérience. « Ça aide l’algorithme à présenter de l’information qui peut être intéressante », dit-il.

Appareils mobiles

L’analyse a montré que les données transmises à TikTok peuvent inclure l’adresse IP (qui identifie chaque appareil connecté à un réseau), la page sur laquelle l’utilisateur se trouve, les liens sur lesquels il clique, de même que ce qu’il tape au clavier ou ce qu’il cherche. Anatoliy Gruzd note que la majorité du trafic sur l’internet provient aujourd’hui des appareils mobiles, qui transmettent encore plus de données sur les usagers que les ordinateurs de table. « Des données sur votre localisation sont transmises, que vous les ayez bloquées ou non. Aussi, une application peut savoir quelle autre application vous utilisez, et quand vous l’utilisez », dit-il.

Renforcer la vie privée

Une façon de renforcer la vie privée serait de mieux encadrer la cueillette de renseignements sur l’internet par les géants du web, dit M. Guglielminetti. « Si les Google et Facebook de ce monde nous permettent de voir les données qu’ils ont à notre sujet, ce n’est pas parce qu’ils sont gentils, c’est parce que les Européens les ont obligés à le faire depuis 2018. Mais c’est sûr qu’on n’a pas encore des lois avec de grosses dents pour protéger les Canadiens ou les Québécois. » Les lois donnent parfois des résultats mitigés, note Anatoliy Gruzd. « Depuis que de nouvelles lois ont été adoptées dans l’Union européenne, plusieurs sites doivent demander aux usagers s’ils veulent accepter les cookies [témoins], des petits fichiers qui renferment de l’information sur notre navigation. C’est assez encombrant comme pratique. Oui, la législation est importante, mais elle doit être utile et significative. »

VPN

Dans sa vie de tous les jours, Bruno Guglielminetti dit ne pas utiliser d’outils particuliers pour naviguer. « C’est que je veux avoir l’expérience que l’utilisateur moyen a, notamment sur TikTok. Mais pour un projet professionnel, je peux utiliser un outil VPN qui masque où je me trouve. Pour le site que je visite, je peux aussi bien venir d’Afghanistan, des États-Unis ou de la Biélorussie », dit-il. Récemment, Google – dont le modèle d’affaires repose en grande partie sur la publicité ciblée – a d’ailleurs annoncé que son plus récent téléphone, le Pixel 7, serait muni d’un logiciel VPN par défaut, ce qui rehausserait la protection de la vie privée des utilisateurs.

70 % des profits

TikTok a été accusée dans une récente enquête de la BBC de distribuer, par l’entremise de sous-traitants, des téléphones portables à des familles de réfugiés syriens pour que celles-ci utilisent la plateforme afin de solliciter des dons du public. En menant elle-même l’expérience, la BBC a réalisé que 70 % de la somme des dons étaient accaparés par la plateforme, et que seulement 30 % étaient versés aux utilisateurs dans le besoin. Dans une déclaration, l’entreprise a déclaré que ce type de contenu n’était pas autorisé sur sa plateforme et qu’elle prendrait des mesures contre « l’exploitation de la mendicité ».

Consultez l’enquête « TikTok profits from livestreams of families begging » de la BBC (en anglais)
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  • 26 %
    Proportion d’adultes canadiens ayant un compte TikTok. C’est beaucoup moins que Facebook (80 %) ou Instagram (51 %), mais la plateforme connaît la plus forte croissance de toutes les plateformes de réseaux sociaux depuis 2020.
    source : The Social Media Lab