Une famille des Laurentides fulmine contre la réforme tarifaire des transports en commun

La rentrée est dure pour le portefeuille d’Annie Tremblay, qui habite la couronne nord de Montréal : la facture de transport en commun de sa fille adolescente a presque doublé pour atteindre 110 $ par mois, avec la nouvelle grille tarifaire implantée par l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).

« C’est une augmentation de 80 % comparativement à l’an dernier, c’est aberrant ! », s’insurge Mme Tremblay.

Sa fille Vicky, 13 ans, habite Saint-Colomban et fréquente l’école secondaire à Sainte-Thérèse, où elle est inscrite à un programme sports-études en ski acrobatique.

Après avoir pris un taxi collectif depuis son domicile à 6 h 10 le matin, Vicky prend le train de Saint-Jérôme à Sainte-Thérèse, puis un autobus jusqu’à l’école.

Selon les nouvelles zones tarifaires entrées en vigueur le 1er juillet, l’adolescente demeure en zone C pendant tout son trajet en bus et en train. Or, on exige qu’elle achète un titre pour les zones A, B et C, même si elle ne se rend pas à Montréal, ni à Laval.

Un titre mensuel pour les zones ABC « tous modes » coûte 110 $ pour les étudiants. Auparavant, pour 61,50 $, il était possible d’acheter un titre zone C « tous modes » étudiant, mais cette possibilité n’existe plus depuis juillet dernier. Un titre pour la zone C qui permet de prendre seulement l’autobus coûte 63 $ à tarif réduit.

IMAGE TIRÉE DU SITE INTERNET DE L’ARTM

Nouvelles zones tarifaires de l’Agence régionale de transport métropolitain

De plus, Mme Tremblay a découvert qu’il était impossible d’obtenir pour sa fille une carte OPUS à tarif étudiant pour les zones ABC à la gare de Saint-Jérôme.

« Je dois me déplacer en voiture à la gare de Sainte-Thérèse pour faire faire la carte de ma fille, déplore-t-elle. Je trouve cela ridicule d’être obligée de prendre ma voiture pour pouvoir prendre le transport en commun. L’ARTM va perdre des clients avec cette refonte tarifaire et encourager l’auto en solo. »

Trois cartes OPUS pour se déplacer

À la suite d’un reportage publié mardi sur la refonte tarifaire de l’ARTM, La Presse a reçu de nombreux témoignages d’usagers du transport en commun qui se désolent de la complexité du nouveau système, qui oblige notamment certains passagers à détenir plusieurs cartes OPUS.

C’est le cas de Carole Lorange, de Longueuil.

« J’ai plus de 65 ans. J’ai donc besoin d’une carte avec photo, nous écrit-elle. Comme j’utilise occasionnellement le transport en commun de Longueuil à Montréal, j’ai une carte AB avec les titres appropriés. Devant aussi parfois me déplacer seulement en zone A, j’ai dû me faire faire une autre carte pour les titres de transport A. Et si j’ai besoin de voyager aussi seulement à Longueuil, je devrai avoir une troisième carte B. Sans compter la complexité pour utiliser mes titres restants sur mon ancienne carte, certains permettant de revenir de Montréal mais pas de s’y rendre… »

À l’ARTM, on répond que les problèmes rapportés par nos deux lectrices viennent « des limitations technologiques de la plateforme OPUS ».

« Le titre « tous modes C », malheureusement, a dû être retiré en juillet dernier, à cause des limitations de la plateforme technologique », explique Anne-Marie Roux, directrice de la qualité du service aux usagers de l’ARTM, au sujet du cas d’Annie Tremblay.

Cette décision a été prise à regret, mais elle a affecté un très petit nombre d’usagers. La plupart des déplacements internes en zone C se font en bus. Très peu d’usagers combinent train et bus sans sortir de la zone C.

Anne-Marie Roux, directrice de la qualité du service aux usagers de l’ARTM

Quant à la situation de Carole Lorange, dans laquelle se retrouveront beaucoup d’usagers du transport en commun qui circulent à l’intérieur de plusieurs zones, Mme Roux la décrit comme une « situation assez atypique ».

« Cette personne utilise, selon les circonstances, des titres unitaires A, AB et Bus, et n’utilise pas de titre mensuel, résume-t-elle. Effectivement, ces trois types de titres ne peuvent cohabiter sur une même carte OPUS, il en faut trois distinctes. Encore une fois, cette contrainte découle des limitations technologiques de la plateforme OPUS, qui n’est pas en mesure de déterminer la destination finale de l’usager au moment de la validation. »

Un système « incohérent »

Jean-Philippe Meloche, spécialiste en économie urbaine et en transport à la faculté d’aménagement de l’Université de Montréal, s’est montré étonné d’apprendre que certains usagers ont maintenant besoin de trois cartes OPUS différentes.

« Visiblement, quelqu’un quelque part n’a pas bien réfléchi au nouveau système, commente-t-il. On tient pour acquis que tout le monde se rend au centre-ville, mais il y a de plus en plus de trajets qui se font de banlieue à banlieue. »

Selon lui, la meilleure façon de réformer les tarifs aurait été d’implanter un système qui enregistre l’entrée d’un voyageur, mais aussi sa sortie, afin de moduler les frais en fonction de la distance parcourue.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Guichet de l’ARTM à la gare de Saint-Jérôme

« Le système actuel n’est pas cohérent avec les déplacements des gens, observe M. Meloche. C’est incohérent de devoir payer plus cher juste parce que je traverse le fleuve, alors que quelqu’un qui parcourt 10 stations sur l’île de Montréal va payer moins cher. »

Devrait-on avoir un tarif fixe pour tout le réseau, comme l’Allemagne, qui a expérimenté au cours de l’été un ticket mensuel à 9 euros permettant d’emprunter tous les transports en commun ?

C’est assurément une solution d’une grande simplicité, répond Jean-Philippe Meloche, mais c’est une subvention à l’éloignement, qui favorise l’étalement urbain, dit-il.