(Ottawa) Était-ce l’œuvre d’un professionnel ? La gérante du Château Laurier l’espère. Elle ne veut pas – ne peut pas – croire qu’une personne de l’interne a dérobé le portrait de Winston Churchill, tel que l’avance Alain Lacoursière, surnommé le « Columbo de l’art ».

Les policiers ont maintenant plusieurs informations en main pour résoudre cette énigme ayant toutes les allures d’un scénario de film : le délit aurait été commis entre le 25 décembre et le 6 janvier dernier, et ils ont en leur possession la réplique de la photographie.

La directrice générale du chic hôtel d’Ottawa, Geneviève Dumas, s’en remet maintenant à eux. Sa piste privilégiée, à elle, c’est celle d’une substitution réalisée par quelqu’un qui savait ce qu’il faisait, vu la solidité du système de verrouillage qui protégeait l’œuvre.

« Ça prend des outils spécialisés. C’est complètement barré dans le cadre, dans le mur. Ça prend plus qu’un tournevis », explique-t-elle en entrevue en parlant du célèbre cliché du photographe canado-arménien Yousuf Karsh.

La valeur marchande de ce portrait de l’édition 1941 de l’ancien premier ministre de la Grande-Bretagne friserait les 80 000 $, croit le consultant en évaluation d’œuvres d’art Alain Lacoursière.

D’après cet ex-enquêteur spécialisé dans les crimes liés à l’art du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), l’original a sans l’ombre d’un doute été liquidé sur le marché par le voleur. « Il est déjà vendu, c’est clair », tranche-t-il.

« J’espère que quelqu’un s’occupe de leur collection, parce que pour avoir le mandat d’un juge et aller voir chez un encanteur qui l’a vendu, il faut démontrer que c’est la même œuvre », remarque-t-il au téléphone.

Et selon Alain Lacoursière, le malfrat pourrait bien venir de l’intérieur.

J’en ai vu des dizaines de vols de même à Montréal. Dans un des cas, j’ai retrouvé un tableau qui avait été volé à la Place Ville Marie chez un antiquaire de la rue Saint-Denis. Celui qui l’avait volé, et c’était le concierge de la firme.

Alain Lacoursière, ex-enquêteur du SPVM

Il n’a pas de difficulté à imaginer qu’au Château Laurier, on a joué dans le même film.

« C’est quelqu’un de l’interne, souvent », lâche l’ancien limier. L’autre possibilité, c’est qu’il s’agisse d’un client « qui est à l’hôtel régulièrement », mais certainement pas une personne de passage au Château Laurier, ajoute-t-il.

« Je ne peux pas le croire »

La simple évocation de l’hypothèse suscite une réaction catastrophée chez la directrice générale de l’établissement.

« Si j’apprends que c’est quelqu’un de l’intérieur… non, je ne peux pas le croire. C’est tellement une œuvre qui est précieuse pour l’hôtel, pour la famille Karsh », s’inquiète Geneviève Dumas.

« Ça appartient aux murs de l’hôtel. C’est ici pour être vu par le public. Ce serait quoi le but de quelqu’un de faire ça… non. Non. Je ne comprends… je ne vois pas », enchaîne-t-elle.

La photographie a été prise en 1941, alors que Winston Churchill visitait le Canada en période de guerre. Il venait de livrer un discours aux Communes lorsque Yousuf Karsh lui a tiré le portrait après lui avoir confisqué son cigare – d’où l’air bourru du dirigeant.

Il existe quelques séries originales de cette photographie, qui a été reproduite sur les billets de banque de 5 livres sterling. Celle qui était accrochée à un mur du Château Laurier est portée disparue depuis vendredi dernier.