Les résidants du secteur d’Ahuntsic-Cartierville où se sont produits deux homicides à intervalle rapproché mardi se sont dits inquiets de voir un tel drame se dérouler à quelques pas de chez eux. Le monde de la boxe est quant à lui sous le choc face à la mort soudaine du père du boxeur David Lemieux.

« C’est inquiétant, parce que c’est un endroit vraiment tranquille d’habitude avec des familles et des enfants. En plus, ça s’est passé juste après qu’on est partis », dit Sylvain Simo, rencontré dans le parc Saint-Benoît, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville.

C’est aux abords de ce parc qu’a été retrouvé un agent d’intervention de l’hôpital en santé mentale Albert-Prévost Mohamed Salah Belhaj, aux alentours de 22 h 45. Blessé par balle, l’homme a perdu la vie sur les lieux peu après.

À quelques mètres de là, des adolescents jouaient au soccer mercredi soir, inconscients du drame qui s’était déroulé juste de l’autre côté du terrain. Mais l’achalandage était nettement moins important qu’à l’habitude au lendemain de ces deux drames, ont confié plusieurs résidants du secteur.

« Il doit y avoir le tiers des gens qu’il y a d’habitude. J’ai un ami qui m’a appelé [mardi] en entendant ça et il m’a dit de ne pas venir », a témoigné Mohammed Akhpar, son bébé dans les bras. Malgré les informations voulant que les victimes aient été choisies au hasard, l’homme d’origine pakistanaise soupçonne un crime haineux.

PHOTO SARKA VANCUROVA, LA PRESSE

Sylvain Simo, rencontré au Saint-Benoît

Plusieurs voitures du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) circulent aux alentours du parc, une présence appréciée des résidants. Selon Sylvain Simo, l’endroit pourrait tout de même être mieux éclairé le soir, afin d’améliorer le sentiment de sécurité de ses usagers.

« J’étais dehors jusqu’à 21 h hier. Je me préparais à dormir quand j’ai entendu les coups de feu, mais je n’ai même pas pris la peine de sortir. Je ne voulais pas voir ça », raconte une femme qui habite à quelques pas de la scène du premier homicide, aux coins des boulevards Deguire et Jules-Poitras. « En 15 ans, je n’ai jamais vu aucun meurtre ici. Je pense que le quartier est toujours sûr, c’est un évènement isolé. »

Sa voisine s’inquiète toutefois qu’il y ait eu un autre homicide à quelques minutes de chez elle, une heure plus tard.

Ça tire déjà beaucoup, mais si les gens commencent à tirer plusieurs fois la même journée...

Une femme résidant près des boulevards Deguire et Jules-Poitras, scène du premier homicide

« En état de choc »

Samuel Décarie-Drolet connaît David Lemieux depuis « une vingtaine d’années ». C’est l’adjoint de Marc Ramsay, l’entraîneur du boxeur dans l’écurie d’Eye of the Tiger Management. Il dit n’avoir jamais eu l’occasion de rencontrer son père, André Fernand Lemieux.

« Je sais qu’ils ne se voyaient pas super souvent, explique-t-il en entretien téléphonique avec La Presse. Mais ils étaient quand même en bonnes relations. » David Lemieux « est allé voir sa grand-mère ce matin », raconte Décarie-Drolet.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE DAVID LEMIEUX

André Fernand Lemieux, père du boxeur David Lemieux et son petit-fils

Sur son compte Instagram, David Lemieux a d’ailleurs confirmé la nouvelle de la mort de son père. « RIP dad », a-t-il écrit, en publiant une photo de son père.

Toute la famille était en état de choc. Il n’y avait rien qui laissait présager ça.

Samuel Décarie-Drolet, adjoint de l’entraîneur Marc Ramsay

L’entraîneur de boxe sortait du gym de Marc Ramsay lorsqu’il a répondu à notre appel. Au cours de la journée, il a croisé différents acteurs de ce milieu, dont les boxeurs Arslanbek Makhmudov, Christian Mbilli et Leïla Beaudoin. Le champion du monde des poids lourds de la WBC Óscar Rivas y était aussi. Le protégé du Groupe Yvon Michel (GYM) est partenaire d’entraînement avec Lemieux « depuis une douzaine d’années », dixit Décarie-Drolet.

« Tout le monde est sous le choc, attristé pour les individus touchés, se désole-t-il. Et par le sort du père de David. »

Le promoteur Yvon Michel a réagi à la nouvelle sur Twitter.

« Au nom de toute l’équipe de GYM et en mon nom personnel, nous t’offrons nos plus sincères condoléances, écrit-il. À toi et toute ta famille pour le geste gratuit, terrible, ignoble et inutile qui a causé le décès de ton père ! »

La scène politique réagit

L’administration de Valérie Plante n’a pas tardé à réagir à ces nouveaux évènements violents impliquant au moins une arme à feu. « Nos pensées sont avec les familles et les proches des deux victimes. Nous comprenons les inquiétudes des citoyens suite aux évènements déplorables et ciblés survenus cette nuit », a déclaré le responsable de la sécurité publique au comité exécutif, Alain Vaillancourt.

Dans l’opposition, le conseiller Abdelhaq Sari a déploré mercredi que « la violence armée continue de faire rage à Montréal ». « Malheureusement, cet enjeu est loin dans les priorités de l’administration. Nous lui avons proposé plusieurs solutions pour y remédier : plan estival en matière de sécurité, rétablissement du nombre d’effectifs policiers, évaluation des besoins en intervenants sociaux, en plus de bonifier les ressources des escouades. Malheureusement, aucune de ces solutions n’a été appliquée », dénonce-t-il.

Le plus révoltant, c’est que l’administration refuse toute proposition alors qu’elle ne met aucune alternative en place.

Abdelhaq Sari, conseiller municipal du parti Ensemble Montréal

Montréal s’est défendu de ne pas soutenir financièrement le SPVM, rappelant avoir haussé son budget de 45 millions, pour un total de 724 millions en 2022.