Après plus de deux ans de bataille avec la municipalité de Val-David, le Tribunal administratif du Québec a tranché, lundi, en faveur d’une entrepreneure qui souhaitait construire un centre de villégiature.

« Je suis en état de choc. C’est extrêmement stressant, aller en cour. La décision me réconcilie avec la justice », se réjouit l’entrepreneure Diane Beaudry.

En 2014, Mme Beaudry, qui œuvre dans le domaine de l’hôtellerie depuis une vingtaine d’années, a acheté l’ancien hôtel La Sapinière, à Val-David, pour y ouvrir un centre de villégiature. Au menu : soins, yoga, méditation, randonnée, ski de fond et expérience gastronomique. Au moment d’entamer les travaux, en janvier 2020, ses plans ont été contrecarrés par la municipalité de Val-David.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

L'hôtel La Sapinière, en 2014

La Ville a jugé que le terrain de La Sapinière était l’emplacement idéal pour construire sa nouvelle école et a donc mis une réserve foncière sur 85 % de son terrain.

Cette décision chamboulait les plans de Mme Beaudry. Le bruit causé par les autobus scolaires et la clientèle scolaire allait nuire à la détente et à la relaxation de ses clients, affirmait-elle. Tant qu’à exproprier une partie du terrain qui compromettait son projet, elle préférait que la Ville reprenne l’ensemble du domaine. Une proposition que rejetait Val-David.

Le Tribunal administratif a donné raison lundi à Mme Beaudry : la municipalité devra acheter la quasi-totalité du terrain.

Le Tribunal ne peut que constater que la proximité de la nouvelle école avec le trafic d’autobus tôt les matins de semaine et les cris des enfants en provenance de la nouvelle école vont à l’encontre du caractère paisible du secteur.

Jugement du Tribunal administratif du Québec

La somme pour l’achat du terrain sera décidée ultérieurement. « Quand j’ai eu le jugement, je tremblais. Ma vie et celle de mon conjoint étaient en jeu », dit Mme Beaudry, très émue.

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L'hôtel La Sapinière, en 2014

« Nous venons tout juste de recevoir le jugement ; nous allons prendre le temps de bien le comprendre avant de le commenter », a pour sa part déclaré à La Presse la mairesse de Val-David, Dominique Forget.

Des démarches éprouvantes

Diane Beaudry cherchait depuis plusieurs années l’emplacement idéal pour développer son concept d’hébergement et de spa. Lorsqu’elle est tombée sur le domaine La Sapinière, à Val-David, elle a tout de suite su que « son projet de vie » pouvait se réaliser.

Le site correspondait à tous ses critères de recherche : son propre réseau de sentiers pédestres, des pistes de ski de fond, une falaise d’escalade et un plan d’eau propice aux activités nautiques non motorisées.

Après avoir rencontré la mairesse de Val-David de l’époque et le directeur général, elle a entamé des démarches pour obtenir du financement.

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Kathy Poulin, mairesse sortante de Val-David

L’entrepreneure a reçu une aide de 4 millions d’Investissement Québec, une subvention de 1,7 million du ministère du Tourisme, une offre de financement de 1,5 million de la Banque de développement du Canada et un prêt de 750 000 $ de Développement économique Canada. L’investissement total était de près de 15 millions.

Je voulais investir pour faire un beau projet au Québec. On n’est pas une multinationale qui arrive pour tout détruire. Je voulais prendre un site vieillissant et lui donner une nouvelle vie.

Diane Beaudry

Lorsque la municipalité a décidé de reprendre une bonne partie de son terrain en 2020, Diane Beaudry a entamé une poursuite en Cour supérieure contre Val-David, lui réclamant 5,4 millions en dommages pour les pertes subies. Les procédures judiciaires sont toujours en cours.

Intimidation et grabuge

De nombreux citoyens ont appuyé la décision de la municipalité. « […] Les gens ne veulent pas que ce soit des riches touristes qui viennent profiter de cet environnement-là qui appartient aux citoyens de Val-David », avait déclaré la mairesse de Val-David de l’époque, Kathy Poulin, sur les ondes de l’émission Le 15-18, à Radio Canada Première, en mai 2021.

« Le lendemain de cette entrevue, on s’est fait défoncer l’hôtel. C’est arrivé cinq jours de suite. L’intimidation s’est poursuivie à de nombreuses reprises. Cette semaine, ça fait deux fois qu’on a des pancartes écrites “Objection” sur notre terrain », confie Mme Beaudry.

Lorsqu’elle a reçu le jugement en sa faveur mercredi, elle s’est empressée d’aviser la Sûreté du Québec, craignant pour sa sécurité. Elle tente toutefois de voir le bon côté des choses. « Je souhaite qu’il y ait du positif qui sort de cette décision et que ça puisse aider d’autres personnes qui sont dans une situation similaire », conclut-elle.

Avec Suzanne Colpron, La Presse