(Ottawa) Le gouvernement fédéral affirme qu’il accorde désormais la priorité aux visas de visiteurs temporaires pour les personnes qui souhaitent assister à la Conférence internationale sur le sida, à Montréal fin juillet.

Or, la conférence commence dans deux semaines et des centaines de personnes qui espèrent y assister sont toujours dans l’incertitude quant à leurs projets de voyage. Beaucoup d’autres, principalement d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud, ont déjà vu leur demande de visa rejetée, y compris certains qui ont reçu des bourses en partie financées par le gouvernement fédéral pour y assister.

Un porte-parole du ministre Fraser a déclaré dans un courriel envoyé à La Presse Canadienne que les bureaux des visas avaient maintenant reçu des listes d’invités à la conférence et qu’on leur avait dit de prioriser leur demande de visa de visiteur temporaire.

« Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada) a pris toutes les mesures disponibles pour accélérer les demandes le plus rapidement possible et faciliter les déplacements pour cet évènement », a indiqué Aidan Strickland.

L’Alliance africaine est l’un des 250 organismes internationaux et canadiens qui ont signé en juin une lettre transmise au ministre de l’Immigration, Sean Fraser, lui demandant d’intervenir dans ce dossier.

La lettre prévient qu’il existe un risque réel que les voix des personnes vivant dans les pays les plus touchés par le sida soient absentes de cette conversation. La lettre que M. Fraser a reçue il y a environ trois semaines faisait état d’au moins 400 délégués qui attendaient toujours un visa.

« Dans l’état actuel des choses, la prochaine conférence à Montréal va réunir des médecins, des scientifiques et des défenseurs des droits des pays à revenu élevé, tandis que de nombreuses personnes vivant avec le VIH/sida dans les communautés les plus touchées, ainsi que des travailleurs de la santé expérimentés de premières lignes, devront soit participer virtuellement, soit pas du tout », peut-on lire dans la lettre, dirigée par la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-sida).

« Ce n’est pas acceptable et ce n’est pas l’image du Canada que nous voulons montrer au monde. »

Cette décision intervient alors que le responsable de l’organisme de défense des droits de la santé « Alliance africaine » critique le Canada pour avoir offert d’accueillir la conférence – et y avoir dépensé des millions de dollars – sans s’assurer que tous les participants obtiendraient un visa pour y assister.

Le fondateur de l’Alliance africaine, Tian Johnson, trouve « vraiment ignoble » que des milliers de personnes des pays du Sud attendent toujours de savoir si elles obtiendront un visa, afin d’éviter que cette conférence se transforme en évènement pour les « Blancs, les privilégiés et les universitaires ».

La Conférence internationale sur le sida attire généralement jusqu’à 20 000 personnes. La dernière version devait se tenir à San Francisco en 2020, mais a fini par être virtuelle en raison de la COVID-19.

Javier Bellocq, un Argentin qui siège à la délégation des communautés au conseil d’administration du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, a déclaré qu’il y avait des signes positifs indiquant que le gouvernement canadien tentait de résoudre les retards de visa.

Il a dit qu’en Argentine et au Pérou, les personnes qui ont fourni les empreintes digitales requises et soumis leurs demandes ont récemment commencé à recevoir les documents dont elles ont besoin pour soumettre leur passeport pour que le visa final soit délivré.

Il a récemment fait la queue pendant des heures à Buenos Aires, remis son passeport au gouvernement canadien, mais n’a aucune idée de la date à laquelle il le récupérera avec un visa. « Nous n’avons que deux semaines », s’inquiète M. Bellocq.

Il souligne que ceux qui vivent en dehors des grandes villes doivent soumettre leurs passeports par courrier, ce qui prendra encore plus de temps pour que les documents soient traités.

Un doctorant à l’université de Makerere en Ouganda, Jonathan Ssemanda, qui a attendu plus de deux mois pour son visa, a fait savoir qu’il avait finalement été approuvé fin juin. « Nous avons vu un changement significatif », a-t-il mentionné par messagerie texte.

M. Ssemanda doit présenter ses recherches lors de la conférence sur l’amélioration de l’adhésion aux médicaments antirétroviraux. Il a demandé un visa il y a plus de deux mois et on lui avait dit que le traitement prendrait 30 jours ouvrables.

M. Bellocq a affirmé que ce n’est pas la première fois que les limitations de visa dans les pays développés empêchent les personnes des pays en développement d’assister à la conférence sur le sida et que ce ne sera pas la dernière. Il a mentionné qu’il faisait pression pour avoir une période lors de l’évènement de Montréal consacrée à discuter du problème.

La 24e Conférence internationale sur le sida doit avoir lieu du 29 juillet au 2 août, au Palais des congrès de Montréal.