(Ottawa) L’obligation vaccinale imposée par le gouvernement fédéral aux employés du secteur des transports est constitutionnelle même si elle contrevient à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, juge la Cour supérieure. Le Syndicat des Métallos contestait la suspension sans solde d’employés qui ont refusé de se faire vacciner.

La Presse a obtenu la décision rendue mardi par le juge Mark Phillips. L’obligation vaccinale a été imposée par le gouvernement fédéral le 30 octobre 2021, lors de la quatrième vague de la pandémie, et a été levée le 20 juin. Les employés des transports aériens, maritimes et ferroviaires étaient notamment touchés.

« La preuve confirme que la vaccination en tant que telle constitue une mesure de santé publique qui va dans le sens de l’intérêt public, écrit le juge. La vaccination obligatoire dans le secteur des transports s’est montrée non seulement efficace, mais a permis d’éviter des problèmes très graves. »

Le Syndicat des Métallos soutenait que l’obligation de se faire vacciner pour pouvoir travailler allait à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. L’article 7 de la Charte garantit le « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ».

Quatre critères

Or, le caractère exceptionnel de la pandémie de COVID-19 justifie la violation de ces droits étant donné qu’il s’agit d’une maladie qui « peut être sévère et même mortelle », écrit le juge Phillips. Celui-ci passe en revue quatre critères établis par la jurisprudence pour que la cour considère une violation de ces droits fondamentaux comme étant justifiée : la poursuite d’un objectif « urgent et réel », le lien rationnel entre cet objectif de santé publique et la vaccination obligatoire, la mesure la moins attentatoire, et si ses effets bénéfiques excèdent ses effets néfastes.

Certains employés préféraient se fier à leur immunité naturelle plutôt que de se faire vacciner. Le juge reconnaît qu’il s’agit « d’un choix personnel légitime », mais ajoute dans le même paragraphe que la vaccination offre une meilleure protection contre le variant Omicron que celle acquise après une infection en se référant aux études scientifiques présentées en preuve.

Il note que des exceptions étaient déjà prévues pour les gens qui avaient une contre-indication médicale ou une croyance religieuse sincère qui les empêchaient de se faire vacciner. Le fait d’ajouter le libre choix à ces deux exceptions aurait été contraire à l’objectif de santé publique de protéger les gens de la maladie, tranche-t-il.

Le juge Phillips rappelle que le taux d’hospitalisation était 25 fois plus élevé chez les non-vaccinés à l’époque où l’obligation vaccinale a été imposée en octobre 2021. Il estime que la vaccination était « la mesure la moins attentatoire qui aurait permis d’atteindre l’objectif », d’autant plus que « le respect du principe de précaution s’imposait ».

Des mesures telles que le port du masque, la distanciation sociale, la ventilation et l’hygiène permettent de réduire la transmission de la COVID, mais ne constituent pas une protection immunologique soutenue en cas d’infection.

Le juge Mark Phillips, dans sa décision

Le juge Phillips rejette également l’argument comme quoi cette politique avait été imposée pour des motifs économiques ou administratifs. Dans son jugement, le magistrat souligne l’importance des transports sous compétence fédérale pour l’acheminement « des biens de première nécessité » et « pour assurer l’efficacité des chaînes d’approvisionnement ».

Il note au passage que le secteur canadien des transports a été plus résilient que celui des États-Unis grâce à la vaccination.

Ottawa satisfait

« Nous saluons la décision de la Cour supérieure du Québec qui a conclu que les exigences de vaccination étaient conformes à la Charte canadienne des droits et libertés », a indiqué le cabinet du ministre des Transports, Omar Alghabra.

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Omar Alghabra, ministre des Transports du Canada

« Tout au long de la pandémie, nous avons mis en place des mesures pour assurer la santé des Canadiens et la sécurité du système de transport. Nous n’hésiterons jamais à agir pour protéger les Canadiens face à une menace. »

Le Syndicat des Métallos, qui représente 60 000 travailleurs et travailleuses, a pris acte du jugement qu’il a obtenu seulement en soirée. Il n’exclut pas de le porter en appel. Le syndicat, affilié à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), rappelle qu’il « souscrit à l’objectif d’une campagne de vaccination à grande échelle comme moyen de lutter contre la pandémie ».

« Nous estimions néanmoins que le prix à payer pour une décision personnelle de ne pas se faire vacciner, soit la perte d’un emploi ou d’un revenu, était disproportionné, alors que des mesures d’accommodement auraient pu être mises en place, comme ç’a été le cas au début de la pandémie, tout en préservant les impératifs de santé publique », a souligné l’adjoint au directeur québécois des Métallos, Donald Noël.