« Ce n’était pas un geste altruiste. Je l’ai fait pour vivre une expérience personnelle unique, mais tant qu’à me rendre dans l’espace, je voulais faire une différence positive dans la société. »

L’homme d’affaires montréalais Mark Pathy a récemment dépensé 50 millions de dollars US pour une mission privée à la Station spatiale internationale. Installé dans les bureaux de sa société, Mavrik Corp., l’entrepreneur raconte son expérience.

« Quand j’ai pris la décision d’aller dans l’espace, j’ai contacté l’Agence spatiale canadienne et la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Je leur ai demandé ce que je pouvais apporter comme contribution canadienne à la science », dit-il.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Mark Pathy en compagnie de la présidente de la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants, Renée Vézina.

Pendant sa mission d’astronaute privé, l’entrepreneur a mené des recherches sur la douleur chronique, le microbiome et les troubles du sommeil. Il a également effectué des missions d’observation de la Terre et de photographie en partenariat avec des centres de recherche et des universités.

PHOTO FOURNIE PAR MARK PATHY

Mark Pathy photographiant la Terre de la Station spatiale internationale

Cette mission, organisée par l’entreprise américaine Axiom Space, était la première entièrement privée à se rendre dans la Station spatiale internationale. Un vaisseau de SpaceX, entreprise fondée par Elon Musk, a été utilisé pour le déplacement.

Une expérience douloureuse

Après plus d’un an d’entraînement, dont sept mois à temps plein, l’entrepreneur s’est envolé vers la Station spatiale internationale le 8 avril dernier. Il était accompagné de deux autres hommes d’affaires et d’un ancien astronaute de la NASA, Michael Lopez-Alegria.

Quand on est arrivés dans la station, j’étais complètement désorienté. Je ne me sentais pas bien. Je me sentais malade. Pendant les premiers jours, j’avais de la douleur dans le dos due à la microgravité et j’avais mal à la tête.

Mark Pathy

Son expérience n’est pas unique. Des études menées sur la douleur ressentie par les astronautes ont montré que la microgravité dans l’espace, soit lorsque les forces de gravitation sont très faibles, peut accroître la perception de la douleur.

Le DPablo Ingelmo, chercheur sur la douleur chronique à l’Hôpital de Montréal pour enfants, souhaitait en apprendre davantage sur ce domaine d’études peu connu. « Quand on m’a contacté pour me dire que j’avais l’occasion de faire une expérience dans l’espace, j’ai immédiatement contacté mon équipe. Je leur ai dit d’annuler tout ce qu’ils avaient prévu pour la fin de semaine. Le lundi, on avait créé tout le protocole », dit-il.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Mark Pathy

Mark Pathy a subi une série de tests avant, pendant et après le vol spatial, comprenant des questionnaires, des analyses de sang et des examens par IRM. Dans les prochains mois, les chercheurs compareront les résultats obtenus, afin de déterminer si le corps de l’astronaute et sa perception de la douleur ont changé au cours du processus.

Le DIngelmo souhaite que les informations recueillies dans l’espace fassent progresser les recherches sur la douleur ici, sur Terre.

Un sommeil perturbé

De son côté, la Dre Evelyn Constantin, spécialiste du sommeil en pédiatrie, a cherché à comprendre comment l’environnement spatial touche le sommeil. Pour ce faire, M. Pathy portait en tout temps un bracelet permettant de mesurer l’éveil et le sommeil. « Il l’a porté avant la mission, pendant et après. On est en train de comparer les différents moments, afin de voir l’impact de la mission spatiale sur son sommeil », dit la médecin.

Bien que les résultats de l’étude ne soient pas encore disponibles, l’astronaute confirme que la qualité de son sommeil a été perturbée pendant le vol.

C’était difficile, dormir dans l’espace. Il n’y a pas de repères visuels pour savoir si on est le jour ou la nuit, donc ça affecte le rythme circadien.

Mark Pathy

L’homme dormait à la verticale dans un sac de couchage accroché au plafond. « Je me suis habitué après quelques jours, mais au début ce n’était pas évident », dit l’astronaute, qui dormait environ cinq heures par nuit. « Je prenais presque chaque nuit des pilules pour dormir », dit-il.

La Dre Constantin a également étudié l’impact du voyage spatial sur le microbiome, soit l’ensemble des microbes, tels que les bactéries, les champignons, les virus, qui vivent naturellement sur et dans notre corps. « Le sommeil et le microbiome sont des choses qui étaient peu étudiées jusqu’à présent lors de courtes missions spatiales. C’était une expérience unique », dit-elle.

Le retour

Lorsqu’il n’était pas en train de participer aux expériences scientifiques, M. Pathy se gardait occupé : conférences avec les écoles, entrevues, observation de la Terre, photographie.

Au total, il est resté 17 jours en orbite, soit une semaine de plus que prévu. « La météo n’était pas suffisamment bonne pour revenir, c’était trop venteux en Floride », explique-t-il.

Son équipe a finalement amerri au large de la Floride le 25 avril. Un navire de SpaceX est venu la récupérer dans l’océan Atlantique, au large de Jacksonville.

Deux mois après son retour, M. Pathy est toujours aussi émerveillé par son expérience. « C’était magnifique. Ça a changé ma vie », conclut-il.

Avec l’Agence France-Presse