La pénurie de logements qui afflige le Québec est loin d’être un problème strictement montréalais, bien au contraire. Chaque région compose avec des enjeux et des réalités qui lui sont propres. La Presse se penche sur le cas de trois villes où la situation est particulièrement critique. Aujourd’hui : Prévost.

(Prévost) En raison d’une situation conjugale difficile, Lélia Juneau, 20 ans, a été contrainte de quitter son appartement de Prévost de manière précipitée. Deux ans plus tard, la jeune femme est toujours à la recherche d’un logement abordable dans les Basses-Laurentides où son chat et elle seraient enfin les bienvenus.

Celle qui souhaitait demeurer près de son lieu de travail, à Saint-Jérôme, a finalement été contrainte d’emménager à Sainte-Anne-des-Plaines, une vingtaine de kilomètres plus loin. « Présentement, je suis hébergée par des amis de mes parents. Bien que j’aie un toit sur la tête et un espace personnel, je suis dans le sous-sol, sans entrée distincte, sans chambre fermée, sans cuisine et sans salle de bains personnelles et je paie 750 $ par mois », témoigne-t-elle.

La demande en logements abordables étant très élevée, les propriétaires haussent leurs critères de sélection.

« On me répond que je suis trop jeune, ou que puisque j’ai un chat, ça ne marchera pas », dit-elle. Être aux études et ne travailler qu’à temps partiel pourrait avoir nui à son profil, croit-elle ; elle s’est donc trouvé un emploi à temps plein. Pourtant, rien n’y fait.

La situation est alarmante partout autour de Saint-Jérôme, ville où le taux d’inoccupation est sous la barre du 1 %.

Dans un groupe Facebook consacré aux recherches de logements abordables, une femme raconte notamment avoir dû emménager à Mirabel et dépasser son budget mensuel de 300 $ pour ne pas se retrouver sans domicile.

C’est toutefois à Prévost que l’accès au logement est le plus limité. Cette localité de près de 14 000 habitants présente un taux d’inoccupation de 0 % depuis bientôt deux ans, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Il est donc virtuellement impossible d’y trouver un appartement locatif.

En entrevue, le maire de la ville, Paul Germain, explique que 83 % des résidences de Prévost sont des maisons unifamiliales. « L’offre de multilogements étant toute petite, elle est facilement comblée », souligne-t-il.

« On ne demande pas mieux que de faire des projets de logements abordables […], mais on n’a pas les moyens d’avoir une vision étoffée en habitation et de la mener aussi loin que l’on voudrait, poursuit-il. Il y a des choses qui nous appartiennent et d’autres qui relèvent du gouvernement du Québec. » Il précise qu’un projet d’habitations à loyer modéré (HLM) est sur la table, mais qu’il ne contribuera qu’à combler la demande de 25 places.

Emplois et exode urbain

Le maire rappelle que des dizaines d’emplois ont été créés dans sa ville au cours des dernières années. « On les met où, ces gens-là ? demande-t-il. Ils viennent avec de nouveaux besoins à combler, notamment scolaires et hospitaliers, bien que nous ayons encore les infrastructures d’il y a 30 ans. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Paul Germain, maire de Prévost

L’exode des Montréalais vers les couronnes a aussi contribué à amoindrir l’offre de logements disponibles. Le phénomène, auquel Prévost n’échappe pas, s’est accéléré au cours des dernières années, d’une part grâce aux différentes mesures incitatives offertes aux jeunes familles, et d’autre part parce que l’avènement du télétravail a incité bon nombre de personnes à s’installer en banlieue ou en région.

D’ailleurs, les données de l’Institut de la statistique du Québec montrent que les Laurentides devraient voir leur population augmenter d’ici 2031. Seulement de 2021 à 2026, le nombre de résidants de la région devrait gonfler de 6,1 %, une croissance bien au-dessus de la moyenne québécoise (4,2 %). Il s’agit du plus important essor démographique prévu parmi les régions du Québec, selon le ministère de l’Économie et de l’Innovation.

Départs

Si des familles arrivent en ville, Prévost perd graduellement ses aînés et ses étudiants, déplore le maire. Ils s’expatrient souvent vers les municipalités environnantes, simplement parce qu’elles ont une meilleure offre de logements abordables.

« On doit densifier la ville et créer davantage de logements pour inciter les jeunes à rester, explique M. Germain. Mais quand tu es une ville comme Prévost, et qu’elle a été construite pour que chaque habitant possède un grand terrain, c’est compliqué. »

On ne peut pas rester étalé comme une banlieue et ne pas se donner de cœur économique, de centre-ville.

Paul Germain, maire de Prévost

Si ce manque criant de logements contraint des ménages à déménager plusieurs kilomètres plus loin, d’autres risquent encore de se retrouver à la rue le 1er juillet.

Les différentes ressources pour sans-abri ne sont pas nécessairement équipées, formées et outillées pour héberger toutes les clientèles, explique Pascal Desrosiers, responsable de l’organisme La Hutte, hébergement d’urgence situé à Saint-Jérôme. Il donne en exemple les personnes âgées qui n’ont plus les moyens de se relocaliser rapidement et facilement.

La situation est telle que les citoyens de Prévost toujours à la recherche d’un toit sont invités à faire appel à une nouvelle ligne d’aide et d’écoute mise en place par les comités d’aide au logement de Mirabel et de la MRC Rivière-du-Nord.

Le numéro de la ligne d’aide est le 579 368-1208.